C’est Kafka à l’Assemblée

Macron : par la force (Photo S. Toubon)

Macron : par la force
(Photo S. Toubon)

Le gouvernement a décidé de recourir, comme en février, à l’article 49-3 de la Constitution pour en finir avec les débats sur le projet de loi Macron de modernisation de l’économie qui ont déjà duré pendant 400 heures dans les deux chambres. La gauche crie au scandale, tandis que la droite dépose une motion de censure. Cette guérilla parlementaire, qui s’achèvera jeudi, remplace la réflexion sur le fond.

LA DROITE et la gauche rivalisent d’hypocrisie et de bêtise : les frondeurs et moins frondeurs déplorent le « déni de démocratie » que représente la méthode cavalière du Premier ministre, Manuel Valls, alors qu’ils savent parfaitement que ce qu’ils pratiquent au Parlement, c’est de l’obstruction pure et simple. Peu importe que, au lendemain du congrès de Poitiers, le PS n’ait jamais été aussi divisé. La question ne porte pas sur l’avenir de la gauche, mais sur l’utilité de la loi Macron. Tandis que François Hollande surfe sur un océan de contradictions, laissant M. Valls porter sa réforme libérale alors que le président promet encore la croissance et la redistribution, la seule, l’unique question porte sur l’intérêt pour le pays de la loi Macron. La droite dit qu’elle va dans le bon sens mais qu’elle est insuffisante. Mais, si elle est utile, pourquoi ne pas la voter ? Non, l’opposition fait ce que lui permet la constitution, elle dépose une motion de censure.

L’exercice de l’ineptie

Résultat : les frondeurs savent que, pour rien au monde, ils ne voteront cette motion de censure, d’une part parce qu’ils se trahiraient eux-mêmes s’ils concouraient à une démarche de la droite, d’autre part parce qu’une dissolution de l’Assemblée les mettrait presque tous au chômage. Les Républicains savent ce qui va se passer, que le gouvernement ne sera pas renversé, qu’ils n’ont rien à attendre de leur motion de censure, mais ils la déposent quand même. On est dans l’exercice le plus abouti de l’ineptie et on s’étonne des progrès constants du Front national qui, lui, ne cesse de dénoncer le « système » non sans disposer d’arguments solides en l’occurrence.
Ce qui serait surprenant, nouveau, joyeux et même désopilant, c’est que les Républicains et le centre renoncent à la motion de censure et fassent adopter une loi qu’ils ne désapprouvent pas complètement ou qu’ils approuvent partiellement, rien que pour démontrer que, à leurs yeux, ce qui compte, c’est l’intérêt bien compris des Français et pas les postures parlementaires qui affaiblissent le fameux système, celui que l’on commence à haïr sans se souvenir qu’il est le pire, certes, mais à l’exception de tous les autres.

Le PS est-il de droite ?

Ce qui est scandaleux, ce n’est pas cet énième coup de menton du Premier ministre, ce n’est pas la dévotion de M. Macron pour un projet qui sort le socialisme de ses sentiers battus, ce n’est pas l’autoritarisme du pouvoir dont on ne sait s’il est plus faible de se servir d’une disposition de plus en plus obsolète de la loi fondamentale ou plus fort de triompher par le coup d’arrêt au débat, c’est le message kafkaïen qu’envoie la classe politique à l’électorat. Je suis contre Valls parce qu’il n’est pas de gauche, thème consacré il y a deux semaines par « l’Obs » qui se demandait si le PS est de droite, comme si c’était vraiment le problème philosophique qui nous taraudait tous. Je suis contre Valls parce qu’il est de gauche, slogan déclamé par tous les parlementaires de la droite. Et la loi Macron, alors ? C’est son sort qui devrait les préoccuper, pas celui de Manuel Valls.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à C’est Kafka à l’Assemblée

  1. Num dit :

    Vous avez parfaitement raison sur le fond mais malheureusement le contraire de ce qui se passe serait très compliqué à justifier vis à vis des électeurs de chaque camp.
    Admettons que la droite ne dépose pas de motion de censure voire approuve la loi Macron: ses militants et électeurs lui reprocheraient de ne pas s’opposer au gouvernemment, d’être indulgent voire complice de la politique du gouvernement. De l’autre côté, les frondeurs et l’extrême-gauche entonneraient le couplet « vous voyez bien que la politque gouvernementale est de droite puisque l’UMP soutient ses réformes ». Enfin, le FN pourrait crier haro sur l’UMPS et se délecter d’une complicité de fait entre les partis de gouvenement.
    Bref, même si ça n’est pas courageux et artificiel, le fait que la droite dépose une moition de censure arrange tout le monde…

  2. SCHILLING christian dit :

    Je ne suis pas d’accord avec vous. L’opposition a raison de censurer le gouvernement : en effet, la loi Macron est complexe et insuffisante. Les entreprises n’ont pas de visibilité sur le long terme avec ce projet. Les socialistes préfèrent indemniser le chômage plutôt que de s’inspirer du Royaume-Uni qui a compris les besoins des entreprises.

  3. Bilodeau dit :

    La loi Macron est une transcription au niveau national d’une longue liste de mesures voulues par la commission européenne non élue et sous l’influence des lobbys des économies américaine et anglo-saxonne. Les gouvernements nationaux des pays de l’Union Européenne sont tenus d’y obéir. Si le gouvernement était tombé, le suivant aurait été soumis aux mêmes injonctions sans possibilité d’y faire face. La seule issue pour retrouver une situation démocratique est la sortie de l’UE, de l’euro et de l’OTAN par application de l’article 50 du TFUE, ce que seul l’UPR préconise, les autres partis politique ayant tous jetés l’éponge depuis longtemps (FN compris, parti de gauche compris) … par carriérisme.

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