Sarkozy se dévalue

Sarkozy à l'Isle-Adam (Photo AFP)

Sarkozy à l’Isle-Adam
(Photo AFP)

A l’Isle-Adam, dans le Val d’Oise, Nicolas Sarkozy a comparé les propositions européennes de juste répartition des immigrés dans les pays membres de l’Union à celle d’un plombier qui, constatant une fuite dans votre maison, vous propose de mettre « l’eau pour un quart dans la cuisine, un quart dans la chambre des parents et, s’il en reste, dans la chambre des enfants ». Cette comparaison, pour le moins vulgaire, a fait rire ses militants mais elle a soulevé nombre de critiques dans la majorité, y compris François Hollande et Manuel Valls, et dans l’opposition.

L’ANECDOTE ne suffit pas pour que l’on prononce contre l’ancien président une condamnation sans appel. Mais elle souligne la difficulté qu’il éprouve à trouver le ton exact de sa campagne pour les élections régionales. Elle montre que, à la place des idées, il substitue quelques « bons » mots, en réalité plutôt mauvais. Elle fait douter de sa capacité à conquérir une majorité qui le renverrait à l’Élysée. Elle souligne une arrière-pensée que nourrissent bon nombre de gens dans son propre camp, à savoir la recherche d’un candidat de substitution.

Un humour qui n’est pas drôle.

M. Sarkozy, en effet, n’est pas au bout de ses peines. Loin d’être terminés, ses démêlés avec la justice vont probablement le rattraper avant la primaire de la droite. Ses relations avec l’UDI, que préside Jean-Christophe Lagarde, commencent à se tendre, le parti centriste réclamant plus de têtes de listes aux régionales de décembre prochain que « Les Républicains » ne sont disposés à lui en donner. Surtout, on trouve plus d’idées, de sérieux, de gravité, de pertinence dans les propos tenus par ses compétiteurs, François Fillon, Alain Juppé, Bruno Le Maire et Xavier Bertrand, que dans les siens, marqués par le choix systématique d’un humour qui ne fait pas rire souvent. On est loin de 2017, mais le temps passe et la popularité personnelle de M. Sarkozy ne s’améliore pas, tandis que celle de M. Juppé reste au zénith. Enfin, l’électorat ressent comme un malaise devant la perspective d’un match-retour entre MM. Hollande et Sarkozy.
À quoi s’ajoute le traitement réservé au Front national par « Les Républicains » et qui est ambigu. Pendant que M. Juppé et les centristes rejettent les idées extrêmes du Front et proposent celles d’une droite humaniste, M. Sarkozy, toujours si proche de ses militants qu’il ne perçoit plus la réalité de l’opinion nationale, continue à courir dans les plates-bandes de l’extrême droite. Ce qui durcit son discours sur l’immigration, l’amène à renoncer au droit du sol, le conduit à une posture presque anti-européenne et lui fait perdre le sens de ce qui est faisable et de ce qui ne l’est pas.

Sarkozy a changé.

On note donc une évolution sensible du candidat Sarkozy, qui, après sa rupture avec son âme damnée, Patrick Buisson, semblait être revenu à un credo capable de convaincre une plus large partie de l’opinion. Il a fait du bon travail en rassemblant un parti divisé, en calmant quelques ego disproportionnés, en acceptant les conditions de ses rivaux sur la primaire, en envisageant de l’élargir au centre pour que la droite soit la plus forte possible en 2017, et en mettant à la diète son parti surendetté. Le voilà de nouveau envahi par ses vieux démons, notamment au sujet de l’immigration, qui est un problème tragique exigeant des solutions novatrices, mais qu’il traite par la métaphore.
Le plus grave, c’est que la droite ne répond pas aux manoeuvres électoralistes engagées par le président Hollande, dont le seul objectif, à deux ans de la présidentielle, est de se faire réélire et qui tente d’accumuler tous les éléments positifs capables d’améliorer sa popularité. Tout à coup, personne ne parle plus des déficits et de la dette, personne ne parle du chômage, l’accent est mis par le pouvoir sur toutes ces choses merveilleuses que font notre industrie et nos start-up et sur cette croissance qui arrive, qui est là, à portée de la main, et ce chômage qui va diminuer demain, dans huit ou quatre-vingt jours, bien qu’il augmente sans cesse et que les réformes soient tout à fait insuffisantes. Candidats de la droite, regardez de ce côté-là : M. Hollande ne va pas fort mais il n’est pas vaincu.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Sarkozy se dévalue

  1. N. S. dit :

    Je veux le dire aux Français :
    Que faire de toute cette eau?
    La partager entre la cuisine, le salon, la chambre des parents et la chambre des enfants comme le suggère une certaine bienpensance droits-de-l’hommiste?
    Quand il serait si simple de la rejeter à la mer…
    Ce n’est pas un problème de droite ou de gauche, c’est une question de bon sens.
    On dit que je fais du Buisson sans Buisson. C’est vrai que Patrick me manque. Cet homme avait une qualité d’écoute que je ne retrouve pas chez mes actuels conseillers… Et une mémoire prodigieuse : il enregistrait tout!

  2. Aiglemalin dit :

    Quoi que dise ou fasse Nicolas Sarkozy, le petit monde des « élites » françaises y trouvera à redire.
    Pourquoi ?
    C’est simple : Sarko n’est pas du sérail, on le considère comme un usurpateur qui risque de déranger un ordre social savamment établi où chacun est certain de sa petite place, même quand son coût pour la collectivité nationale est exorbitant.

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