La loi Thévenoud, votée en octobre 2014, interdit purement et simplement les activités de chauffeurs non enregistrés et les punit d’une peine d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Encore faut-il qu’elle soit appliquée. Si elle ne l’est pas, c’est parce que Uber s’en moque et a décidé de la combattre en créant le fait accompli. Les usagers, eux, n’ont pas manqué d’approuver Uber en affrêtant ses voitures au moyen du téléphone portable. Les arguments invoqués par les chauffeurs de taxis classiques sont tous exacts : ils paient une licence quelque 200 000 euros, ils versent des impôts et leurs revenus sont déclarés. Ils travaillent donc pour un revenu largement inférieur à celui des chauffeurs d’Uber, dont les tarifs sont pourtant plus bas.
Hésitation coupable.
On soupçonnerait le gouvernement de ne pas intervenir pour laisser Uber s’imposer, créer dans ce métier une vive concurrence, ce qui favoriserait une baisse des prix. Mais, dès lors qu’il a fait adopter la loi Thévenoud, il ne serait pas en cohérence avec lui-même s’il espérait secrètement une réforme des taxis, souvent souhaitée, jamais mise en oeuvre. La vérité est plus simple : la transformation instantanée en chauffeurs d’individus qui n’en ont pas la formation crée dans les rues, les gares et les aéroports, une anarchie qu’il est très difficile de contrôler, même par la police des taxis, qui existe. Un chauffeur d’Uber peut toujours prétendre qu’il transporte des amis ou de la famille, car il n’y a, sur son véhicule, aucun signe distinctif, alors que les taxis traditionnels sont clairement distincts des autres voitures et sont astreints à suivre plusieurs règles contraignantes de transport et de sécurité. Le premier accident faisant des blessés ou des morts posera un problème grave d’assurance. Les conducteurs d’Uber, qui souhaitent seulement gagner quelques centaines d’euros par mois en complément de leur revenu risquent d’être ruinés ou d’être condamnés par un tribunal.
C’est l’usager qui trinque.
C’est donc le rôle de l’État de rétablir l’ordre, soit en procédant à quelques interpellations exemplaires des conducteurs d’Uber, soit en libérant les chauffeurs classiques d’un certain nombre de contraintes. En bonne logique, l’État devrait leur rembourser le prix de la licence qu’ils ont acquise et qu’ils pouvaient revendre au terme de leur carrière, pour assurer leur retraite et, parallèlement, laisser Uber s’implanter. Il ne fait ni ni l’autre, à cause d’une hésitation coupable car il ne sait pas s’il doit s’en tenir au contenu de la loi ou admettre, comme il l’a fait avec la loi Macron, qu’il faut libéraliser les marchés. La plupart des hommes ou femmes politiques interrogés ce matin sur cette nouvelle crise ont plutôt soutenu les chauffeurs de taxi, mais François Fillon a dénoncé une grève qui a provoqué la « chienlit » et qui renvoie le pays à l’époque des grèves sans service minimum que la CGT provoquait dans les transports publics.
En attendant, c’est, comme d’habitude, l’usager qui trinque.
RICHARD LISCIA
Et ce n’est pas fini. Que penser des médecins qui préconisent d’utiliser un ami ou un voisin pour vous conduire à hôpital avec la complaisance et souvent après suggestion de l’assurance-maladie qui rembourse l’assuré sans se soucier de vérifier qui est vraiment « le transporteur » ? A terme, même problème de responsabilité recherchée en cas d’accident et pas de cotisation sociales ni de fiscalité sur les sommes versées.