La Grèce, ce poison

Tsipras : la provocation (Photo AFP)

Tsipras : la provocation
(Photo AFP)

Contrairement à ce que nous dit François Hollande, la décision du gouvernement grec de soumettre à un référendum un accord entre l’Europe et la Grèce ne relève pas de la souveraineté grecque. C’est une tentative ultime d’Alexis Tsipras pour échapper à la dure réalité que l’endettement de son pays l’oblige à affronter. Le référendum, qu’il se traduise par une approbation ou un rejet de l’accord, lui permettra uniquement de se maintenir au pouvoir. Mais pas pour longtemps.

M. TSIPRAS n’est pas le premier à avoir essayé ce stratagème. Avant lui, en octobe 2011, le Premier ministre grec de l’époque, George Papandréou, au terme d’une négociation ardue pour renflouer la Grèce qui, déjà, courait vers la faillite, avait imaginé cette forme d’esquive. Il fut accueilli par une telle bordée d’injures en Europe qu’il renonça à consulter le peuple grec directement et soumit le projet d’accord aux parlementaires, qui l’adoptèrent. Preuve que, avec la Grèce, ce n’est pas l’orientation idéologique du gouvernement qui change la donne, c’est le degré de malhonnêteté. En effet, M. Tsipras demande d’ores et déjà aux Grecs de « rejeter l’ultimatum européen ».
Les questions financières peuvent certes relever de la politique, mais elles sont d’abord d’une extrême complexité technique que seuls les experts peuvent comprendre. Soumettre un document aussi compliqué à la sagesse souveraine du peuple, c’est tout simplement se moquer du monde. En revanche, la question qui sera posée, quel que soit son libellé, sera claire : la Grèce veut-elle ou non rester dans la zone euro ? Si elle répond non, nous ne voulons pas y rester, ce pays sera automatiquement en faillite, et les souffrances que M. Tsipras prétend lui éviter seront encore plus grandes pour la population grecque. La Grèce retournera au drachme, ce qui signifie que la totalité des avoirs publics et privés du pays va diminuer d’un quart, du tiers ou de la moitié. La sortie de la Grèce de l’euro appauvrira encore les Grecs.

La sortie de l’euro serait pire pour les Grecs.

Inutile de dire que la période de transition, entre la décision de samedi du gouvernement grec et le référendum de dimanche prochain, accentuera l’incertitude et que seuls amortiront le coup les citoyens grecs qui ont retiré de leurs comptes une somme suffisante pour voir venir. Au-delà, la sortie éventuelle de la Grèce ouvrirait une terrible phase de vaches maigres mais qui pourrait être mise au service d’un redressement du pays. Grâce à la dévaluation de leur monnaie, les Grecs exporteraient plus facilement et la baisse des pensions et des salaires liés à la dévaluation contribueraient à un assainissement de leur budget. C’est la politique, la crise sociale qui s’ensuivrait, la fragilité probable du gouvernement qui nuiraient au redressement. Bref, M. Tsipras a choisi la politique du bord de l’abîme et, à terme, il sera forcé d’organiser des élections anticipées dans un climat propice à la dislocation des institutions.

L’Europe doit éviter la panique.

Les Européens, de leur côté, ont surévalué l’impact d’une faillite grecque sur leur propre sort. Ils craignent qu’un autre pays soit attaqué par la spéculation, mais comme l’a dit François Hollande ce matin, des garde-fous ont été mis en place qui devraient repousser les assauts. Le président a déclaré que l’économie française est plus forte aujourd’hui qu’en 2011, ce n’est pas vrai. Nous n’avons pas suffisamment désendetté notre pays, notre déficit public reste élevé et, à la faveur de la crise grecque, les taux d’intérêt vont remonter, ce qui alourdira nos remboursements. La France peut compter en revanche sur la solidarité européenne, car c’est l’existence même de la zone euro qui sera en jeu si un autre pays de la zone est agressé.
Face à la Grèce, l’Europe doit garder son sang-froid. La culbute des marchés depuis ce matin montre que ce n’est pas le cas. Pourtant, il n’y a rien à craindre de la rupture avec la Grèce (qui sera nécessairement momentanée car il sera possible un jour de l’accueillir de nouveau dans la zone euro après l’assainissement de ses finances). Les Européens doivent prendre dès aujourd’hui toutes les mesures susceptibles de protéger l’euro et se souvenir que, avec la Grèce, l’imprévisible est toujours sûr.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à La Grèce, ce poison

  1. MOREAU dit :

    Je souhaite très fort que la Grèce donne tort à M. Liscia, qui nous avait habitués à plus de clairvoyance. Il en va de notre avenir à tous face aux autocrates de l’UE.

  2. JMB dit :

    La démocratie serait-elle la dictature des imbéciles ?
    S’apparenterait-elle à ces contrats obscurs des assureurs et des banques, par exemple, avec des bas de pages et des codicilles en petits caractères destinés à vous décourager à les comprendre, et ne vous laissant comme seule solution de les signer les yeux fermés à l’emplacement ad hoc que l’on a bien voulu vous indiquer ?
    La Grèce n’a pas de crimes contre l’humanité sur la conscience.

  3. hoabing dit :

    Il faut poser des bonnes questions si on veut avoir les bonnes réponses :
    – Pourquoi la grèce s’est-elle endettée à ce point ?
    – Cette crise peut-elle survenir dans un autre pays ? pourquoi, oui, pourquoi non ?

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