Les Grecs à Canossa

Tsipras  choisit le bon sens (Photo AFP)

Tsipras choisit le bon sens
(Photo AFP)

Le gouvernement grec a fait aux dirigeants de la zone euro des propositions jugées « crédibles et sérieuses » par François Hollande : hausse de la TVA à 23 %, sauf pour les produits de première nécessité (13 %) et la culture (6%), levée de l’impôt sur les armateurs (une révolution pour la Grèce), retraite à 67 ans d’ici à 2022, sauf pour ceux ont travaillé 40 ans et peuvent la prendre alors à 62 ans.
CES PROPOSITIONS doivent être approuvées, ou non, par le parlement grec aujourd’hui et l’Eurogroupe pourrait rendre sa décision avant le sommet européen de dimanche consacré à la crise grecque. Les marchés ont réagi par un vif rebond dans le monde entier. Contrairement à ce que laissait entendre le « non » du référendum de dimanche dernier, le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a repris, en partie tout au moins, les idées de ses interlocuteurs européens, ce qui constitue une percée essentielle dans la négociation. Mais il demande un plan de 53 milliards d’euros d’ici à 2018 pour relancer l’économie grecque, et réclame un allègement de la dette. M. Tsipras, jusqu’à ces tout derniers jours, souhaitait un effacement de 30 % de la dette grecque, qui s’élève à 320 milliards d’euros. La plupart des États de l’eurozone, notamment l’Allemagne, sont hostiles à cette procédure très coûteuse pour les Européens, mais tout le monde admet en Europe qu’un rééchelonnement de cette dette est indispensable pour apporter une bouffée d’oxygène à l’économie grecque.

Deux points essentiels.

Il y a deux choses à dire au sujet des propositions d’Athènes : premièrement, elles contiennent une logique qui n’a jamais été, jusqu’à hier, celle du gouvernement de M. Tsipras, lequel a été élu pour mettre un terme aux politiques d’austérité. Contrairement à toute attente, ces politiques seraient renforcées si le plan grec était adopté. Il est ainsi démontré que, dans une négociation financière internationale, l’orientation idéologique d’un gouvernement n’a rien à voir avec la réalité des chiffres : on ne peut pas être dans la zone euro et rejeter les règles qui régissent le marché de 19 pays. De ce point de vue, le référendum aura été un épisode inutile et contre-productif. Le « non » a entraîné la fermeture des banques et l’assèchement des liquidités par la suspension des versements aux banques grecques de la Banque centrale européenne.
Deuxièmement, la zone euro ne peut nier l’immense pas en avant de M. Tsipras. Si elle rejette ses propositions, elle prendra la responsabilité d’une crise européenne et géopolitique très grave. La Grèce a payé le prix de son maintien dans la zone euro, personne ne peut l’ignorer et la main tendue par les Grecs doit être saisie. Ce qui ne veut pas dire que l’effort à fournir ne va pas pousser les Européens au point-limite de leur capacité à aider la Grèce. Le rééchelonnement coûtera cher aux créanciers privés et publics de la Grèce, à supposer même qu’elle rembourse la totalité de ses dettes, ce qui est improbable. En outre, il va falloir ajouter des sommes considérables pour que la stabilité grecque soit acquise pour au moins les trois ans à venir.

Une stabilité nécessaire.

Mais cette stabilité est au moins aussi importante pour l’Europe que pour la Grèce. Elle signifie que, en dépit d’une tentation marquée pour un renversement d’alliances, le gouvernement de M. Tsipras sera lié plus que jamais à l’Union européenne et qu’il se conformera aux engagements qu’il aura pris avec l’UE. Nous devons faire tout notre possible pour que l’Europe reste en l’état et, de toute évidence, nous devons hâter son intégration : s’il y avait un budget européen digne de ce nom, les transferts de fonds à la Grèce ne poseraient pas les problèmes aigus qu’ils posent aujourd’hui.
On peut dire que, en encourageant la négociation et la modération, le président de la République a vu juste. Il se trouve cependant que le gouvernement grec a fait des propositions qui donnent raison au point de vue exposé avec constance par les dirigeants de la zone euro, et désavouent les économistes spécialisés dans l’attitude de négligence bénigne à l’égard de toutes les dettes. Il me semble que Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, unis dans le même ressentiment contre l’Europe et dans le même éloge de l’extrême gauche grecque, viennent de perdre la partie : il n’y a pas de miracle possible par l’annulation d’une dette et un pays endetté ne peut pas tenir la dragée haute à ses créanciers.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Les Grecs à Canossa

  1. JMB dit :

    Dans son plan de réformes, la Grèce a proposé une réforme de la TVA.
    Son taux normal serait de 23 % : il est de 2 0% en France. Dans ce pays touristique, la restauration serait alignée sur ce taux : il est de 10 % en France. Les produits de base (produits alimentaires, électricité) seraient taxés à 13 %, ils le sont à 5,5 % en France Les médicaments seraient taxés à 6 %: contre 2,1 % en France. Certes, la Grèce bénéficie du régime méditerranéen.
    Les îles grecques auront leurs avantages fiscaux supprimés. Entre autres, pour la France, la Corse a une TVA “normale” de 13 % et de 2,1 % pour les produits alimentaires, et de multiples particularités (héritages, cadastre type Église orthodoxe). L’insularité se décline différemment en grec et en français.
    Le gouvernement grec va lutter contre l’évasion fiscale notamment des armateurs. C’est une mesure discutée par un économiste libéral : on va tuer une poule aux œufs d’or, les armateurs grecs vont se délocaliser dans des pays où l’optimisation fiscale sera plus avantageuse. Au Luxembourg par exemple ?
    Déjà Pascal en son siècle notait que la vérité est relative. La modernité n’a rien modifié.

  2. JMB dit :

    Il s’avère aussi qu’il est demandé à la Grèce de réformer certaines professions, de les ouvrir à la concurrence. Parmi celles-ci, la profession de notaire dont, en France, les membres ont manifesté fin novembre préventivement contre la future et « soft » loi Macron.

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