L’accord de tous les paradoxes

Conciliabule de la dernière chance (Photo AFP)

Conciliabule de la dernière chance
(Photo AFP)

Voilà un gouvernement, celui de la Grèce, qui avait mis l’Europe au défi, et un peuple qui, par référendum, avait rejeté l’austérité pour, moins d’une semaine plus tard, passer sous les fourches Caudines de l’Allemagne. Une Allemagne qui voulait en finir avec la Grèce et a accepté de la garder au sein de la zone euro. Un gouvernement français qui n’a pas fait la moitié ou le quart des efforts grecs pour redresser ses comptes et participe à un nouveau plan d’austérité pour les Grecs, qu’il estime avoir bien défendus. L’accord de ce matin est celui de tous les paradoxes.

ALEXIS TSIPRAS a démontré, contre son gré, à tous les mouvements européens qui rejettent l’austérité qu’il n’existe pas d’autre politique quand on a fait faillite. Il a cru qu’il pouvait, par le truchement du référendum, renverser la situation, mais les chiffres sont têtus et le résultat de la consultation, c’est une aggravation de la crise financière. Il s’est littéralement rendu à Angela Merkel, laquelle manoeuvrait dans une ambiance mortifère, avec une opinion allemande qui ne voulait plus entendre parler de la Grèce. Quant à François Hollande, il a certes sauvé la cohésion européenne en rappelant à Mme Merkel qu’un « Grexit » compromettrait gravement l’avenir de l’Union. Elle-même ne souhaitait pas le « Grexit » mais elle avait besoin de gages avant de présenter à son opinion un plan de sauvetage qui va encore coûter entre 50 et 80 milliards d’euros. Même si la France n’est pas la Grèce et si les économies des deux pays ne sont pas comparables, il y a une contradiction dans la position de la France : elle n’a cessé de se battre depuis trois ans pour éviter les affres de l’austérité, elle la juge logique quand il s’agit des Grecs.

L’accord sera-t-il appliqué ?

Ce matin, personne ne comprend vraiment de quel bois est fait M. Tsipras, mais, pour ma part, je crois que c’est un novice en politique et un nul en économie. Le référendum a été inutile, pis : catastrophique. Aujourd’hui, les Grecs ressentent les mesures imposées par l’Europe comme une « humiliation ». Ils n’ont toujours pas compris qu’ils vivent au-dessus de leurs moyens depuis quinze ans, ce qui, d’ailleurs, est le cas des Français. Quant à savoir si l’accord est solide, on m’autorisera à un prudent scepticisme : M. Tsipras a-t-il encore le ressort politique nécessaire pour faire adopter le plan par son Parlement ? Les députés allemands vont-ils voter pour une rallonge à la Grèce ? Le gouvernement d’Athènes, pour autant qu’il dure, appliquera-t-il les mesures qu’il s’est engagé à mettre en vigueur dès mercredi ?
Je rejoins néanmoins la position de M. Hollande : un accord était sans doute indispensable pour l’avenir immédiat de l’Europe, déjà affaiblie par la crise et de moins en moins crédible alors que l’extrême droite et l’extrême gauche en minent les fondements et sont presque capables, comme en Grèce, de prendre le pouvoir. Il fallait arrêter cette dérive. Et, grâce à l’Allemagne, sinon à la France, la démonstration vient d’être faite qu’il n’y a pas d’euro, pas d’Union européenne, sans une discipline de fer dans chaque pays membre. Les économistes qui prétendent qu’une dette ne compte pas, même quand elle dépasse largement 100 % du PIB font ce que George Bush (le père) appelait de l’économie vaudou.

Le mythe de la « domination » allemande.

Quant à l’idée que l’Allemagne est redevenue un État dominant, impérial, qui entend soumettre les pays à l’économie chancelante, c’est un mythe. L’Allemagne a fait pour elle-même ce que les pays dits du Sud de l’Europe n’ont pas encore fait et ce n’est pas Mme Merkel qui l’a fait, c’est M. Schroeder, un social-démocrate. Il y a quinze ans que la Grèce aurait dû se réformer, il y a au moins dix ans que la France aurait dû s’adapter aux exigences de la zone euro et, avec les élections qui arrivent, il n’y a pas une chance qu’elle adopte de nouvelles réformes inspirées de celles qui vont être infligées à la Grèce. Nicolas Sarkozy, avec ce qui devient chez lui un mauvais goût systématique, a cru bon d’aller critiquer M. Hollande à Bruxelles. Il serait préférable qu’il nous dise à Paris quels changements il envisage pour son pays.
L’affaire grecque est un avertissement aux gouvernements européens : si vous voulez tuer le populisme, apprenez que le rayonnement d’un pays se situe désormais moins au niveau de son influence sur le monde qu’à celui d’une économie équilibrée, d’un endettement soutenable, d’une croissance régulière, même si elle n’est pas mirifique, et d’un chômage jugulé.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à L’accord de tous les paradoxes

  1. Num dit :

    Tout est dit.
    Très belle synthèse. Bravo !

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