C’EST d’autant plus surprenant qu’il avait donné son feu vert à sa petite-fille, Marion Maréchal Le Pen, désignée par Marine comme tête de liste en Paca. La jeune députée avait hésité à prendre la tête du FN dans la région et avait bien pris soin de demander l’onction de son grand-père avant d’accepter. Le brusque retournement de Jean-Marie Le Pen la laisse pantoise : s’il se présente, il y aura fatalement deux listes du Front, dont la défaite sera alors assurée. Christian Estrosi, tête de liste pour les Républicains, ne pouvait rêver d’une aussi belle conjonction d’éléments favorables, d’autant que, dans la région, les sympathisants FN sont très nombreux et que le combat sera, de toute façon, difficile.
JMLP prêt à trahir tout le monde.
Rien n’est encore décidé, mais, de toute évidence, Jean-Marie Le Pen est en colère contre sa fille, au point de trahir son serment à Marion et à la placer dans une situation intenable. Il n’a plus aucun scrupule et ne retient guère sa hargne contre Marine. Il en veut à tous ceux qui, au FN, estiment qu’il est dépassé, ce qu’il est mais ne veut point admettre. Il n’hésitera donc pas à sacrifier à sa passion politique quelques coeurs sensibles et, déjà, il tente de constituer une liste alternative à celle de Marion. Ce n’est plus la guerre civile, c’est Lucrèce Borgia, poisons et poignards en moins.
Marine Le Pen espérait bien juguler la crise née de la dissidence de son père, décidé à ne rien changer à ses idées négationnistes, à ses provocations parfois macabres, à sa volonté de maintenir le FN dans la marginalité alors qu’elle s’efforce, avec Florian Philippot, d’en faire un parti de gouvernement. Désormais, c’est un combat au finish. Ou bien Marine Le Pen parvient vraiment à éliminer son père de toutes les instances du FN, et elle pourra continuer sa marche vers le pouvoir. Ou bien, elle n’y parviendra pas et le parti sera dévoré par ses démons avant même d’avoir une influence sur la vie du pays. On peut donc s’attendre à une riposte violente de Marine.
Nihilisme.
L’expérience a montré que la très grande majorité des militants est rassemblée autour de sa présidente. La plupart d’entre eux jugent que Jean-Marie appartient au passé. En outre, les initiatives du père sont d’une nature suicidaire. Sa candidature en Paca, si elle est confirmée, n’aura pour effet que d’infliger une défaite au Front et, dans ces conditions, Jean-Marie risque de perdre l’influence qu’il a encore ou l’affection qu’inspire à sa famille politique un vieillard à bout de souffle mais qui ne se rend pas. Le « président d’honneur » est certes un battant ; cependant, il est en train de démontrer qu’il n’entend pas seulement ramener le Front à ses concepts traditionnels, mais qu’il est prêt aujourd’hui, à entraîner dans l’abîme le parti qu’il a fondé. Un tel nihilisme ne saurait convaincre des militants et des électeurs qui espèrent bien qu’un jour le Front gouvernera.
On aura noté, en dehors des références littéraires auxquelles ce drame politico-familial fait penser, que le Front, qui n’a jamais cessé d’insister sur ce qui le distinguait des autres partis, sa probité incomparable, son sens démocratique, son rejet de la corruption, sa supériorité morale sur tous les autres, n’est déjà plus que la scène d’une pièce shakespearienne où tous les coups sont permis.
RICHARD LISCIA
Si JMLP se présente en PACA contre sa nièce, alors, je croirai à leur brouille. Je vous avouerai que j’ai encore des doutes… Vivement le mois de décembre.