Élevage : l’échec

Un plan insuffisant (Photo AFP)

Un plan insuffisant
(Photo AFP)

Le plan du gouvernement pour satisfaire les revendications des éleveurs n’a pas produit les effets escomptés. Les paysans estiment que les mesures annoncées ne sont pas suffisantes. Certains ont construit de nouveaux barrages pendant que d’autres démantelaient les leurs. François Hollande, en déplacement dans la région de Dijon, a lancé ce matin un nouvel appel aux transformateurs et aux abatteurs pour qu’ils paient un meilleur prix aux éleveurs.

LE GOUVERNEMENT avait annoncé mercredi 24 mesures chiffrées à 600 millions d’euros, qui consistent essentiellement en des reports d’impôts et de charges sociales, en une exonération de la taxe foncière pour les plus endettés, en une intervention de la Banque publique d’investissements (BPI) pour aider les entreprises les plus endettées à hauteur de 500 millions et en une promotion de la viande française. Il ne s’agit pas de mesures négligeables, mais elles ne vont pas au fond de la crise structurelle qui affecte les filières bovine, porcine et du lait. En d’autres termes, les mesures apportent une bouffée d’oxygène aux éleveurs, mais elles sont de nature provisoire. Elles ne règlent pas du tout le problème général, qui est que l’argent payé par le consommateur ne va pas au producteur mais aux intermédiaires.

Le piège s’est refermé.

On mesure la dimension de la crise quand on observe que le Premier ministre, Manuel Valls, a annoncé les 24 mesures comme si elles suffisaient à calmer le jeu, quand on constate que François Hollande, qui a perçu la fragilité de son ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, face aux mécontentement des éleveurs, a décidé de s’engager personnellement dans l’affaire. Le piège s’est refermé sur le couple exécutif : il a voulu monter en première ligne, il est maintenant exposé à une crise qui risque d’empoisonner durablement les rapports entre le pouvoir et l’opinion.
L’opposition fait feu de tout bois, mais notre mémoire n’est pas si courte que nous ayons oublié le nombre incalculable de fois où le monde paysan s’est dressé contre toutes sortes de gouvernement, de droite ou de gauche, même au temps glorieux de la politique agricole commune, qui, pourtant, a beaucoup contribué au prodigieux essor de l’agriculture française. Les filières sinistrées ont besoin d’une réforme structurelle que le gouvernement d’aujourd’hui semble vouloir différer par des mesures ressemblant à un cautère sur une jambe de bois. MM. Hollande et Valls ont très bien vu le danger et ils ont tenté de le parer en agissant vite. Trop vite, car leurs mesures sont seulement palliatives. Maintenant, c’est clair, ils doivent reprendre l’ensemble du dossier et essayer de réformer les filières sur le long terme.

Le coup des carottes.

Le public ressent toujours les expressions de la colère corporatiste, avec blocage de la circulation, comme des symptômes excessifs du désespoir social. Il est pourtant, cette fois, du côté des éleveurs, qui travaillent avec acharnement pour un résultat financier parfois nul ou négatif. On ne peut s’empêcher de comparer l’action des éleveurs à celle des buralistes qui, mécontents du projet de paquet de tabac dit « neutre », c’est-à-dire sans marque apparente, ont déversé des carottes devant le siège d’une préfecture. Pourquoi des carottes ? Parce que le signal rouge du bureau de tabac représenterait une carotte, ce que les fumeurs eux-mêmes n’ont peut-être pas toujours compris. En tout cas, si gouverner, c’est prévoir, les pouvoirs publics n’ont pas prévu la crise de l’élevage qui a éclaté subitement cet été. M. Hollande, il est vrai, s’est beaucoup consacré à la Grèce ces derniers jours et il n’en a pas fini. Hélas, il y a beaucoup de malformations dans les structures économiques de notre pays qui ressemblent à celles de la Grèce.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Élevage : l’échec

  1. CHARPENTIER dit :

    Ce qui me touche toujours quand je vois ces paysans, ces agriculteurs, ces éleveurs, c’est l’attachement à leurs exploitations, à leurs fermes, à leurs terres et surtout l’amour de leur métier et leur volonté de continuer à l’exercer au delà de ce qui peut me sembler parfois raisonnable. C’est pour ça que je les soutiens toujours.
    Dr Roland Ch.

  2. Delteil dit :

    Les problemes commerciaux et de rapports entre producteurs et distributeurs, avec ou sans l’appui du gouvernement, doivent être traités et résolus au cours de réunions multi-partites. En aucun cas dans un pays démocratique comme le notre (?) des débordements tels que ceux auxquels nous assistons de façon réurrente ne doivent se produire et encore moins tolérés par le gouvernement. Or taxis, producteurs, buralistes, j’en passe et des meilleures, se livrent à ce petit jeu sans la moindre réaction du gouvernement qui est normalement responsable de la liberté des citoyens de se déplacer comme bon leur semble. Le gouvernement et le ministre de l’intérieur ont le devoir d’interdire, d’empêcher et de réprimer si besoin de tels agissements qui par ailleurs ont un effet déplorable sur l’image de notre pays. Or rien de tel. On regarde, on encadre, on fait de beaux discours électoralistes sur les marches de l’Elysée, on ne veux pas céder aux injonctions et finalement on céde… Tout cela ressemble à quoi sinon à une impuissance évidente, à une désertion lamentable pour cause d’élections à venir. Ce gouvernement est coupable de ce laisser faire qui se répand et finalement cela ne lui rapportera rien du tout.

  3. JMB dit :

    N’y avait-il pas des manifestations paysannes importantes et éventuellement violentes dès les années 60 du siècle passé ? c’est-à-dire sous la présidence du général De Gaulle ?
    En juin 1961, des agriculteurs répandent des pommes de terre souillées au gaz-oil, des barrages bloquant la circulation sont installés, une sous-préfecture est investie. Les manifestations, d’abord bretonnes, se multiplieront à travers la France durant tout le mois de juin 1961.
    C’est le prélude à des manifestations futures.

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