Le cas Morano

Descente aux enfers (Photo AFP)

Descente aux enfers
(Photo AFP)

La déclaration de Nadine Morano sur « la France, pays de race blanche » a pratiquement envahi l’espace politique, au détriment de tout le reste. La députée européenne, ancienne ministre, candidate aux élections régionales de Meurthe-et-Moselle pourrait perdre son investiture des Républicains mercredi prochain à la suite de la réunion de la commission LR des investitures.

NADINE MORANO est le cas classique du personnage politique qui croit toucher le coeur des gens parce qu’elle parle fort et clair. Certes, elle n’a pas sa langue dans la poche, mais ses propos tendent à simplifier des questions très compliquées. Or la gestion des affaires ne saurait s’accommoder du simplisme. C’est à ce titre qu’elle devrait être privée de son droit à représenter sa région. Elle savait bien, pourtant, ce qu’elle faisait. L’expression de race blanche a une connotation d’exclusivité qui ne convient pas à une France métissée. Elle ne pouvait que blesser les nombreux citoyens français qui ne sont pas blancs. Sa référence aux racines judéo-chrétiennes de notre pays, dont tout le monde abuse, est franchement hypocrite. Elle a été associée à une déclaration raciste qui devait nécessairement soulever un tollé, notamment à gauche où l’on tente, à partir du cas Morano, de discréditer toute la droite, car nous sommes en période électorale. Mme Morano dit qu’elle voulait aider Nicolas Sarkozy, il a condamné sévèrement ses déclarations. Elle a toujours été l’une de ses groupies les plus ferventes, elle envisage, maintenant qu’il va l’exclure des régionales à la demande de Philippe Richert, tête de liste LR, de « dézinguer » l’ancien président.

Peser chaque mot.

Elle a donc créé un abcès, ce dont la droite n’avait aucun besoin alors qu’elle s’apprête à rafler la plupart des régions. Elle s’en est prise à des concitoyens qui ne méritent pas un tel traitement. Elle a cru comprendre que M. Sarkozy court après le FN, ce qu’il fait souvent mais pas toujours, tout en essayant de définir une position moins extrémiste. Elle a oublié du même coup, comme l’a rappelé le président des Républicains, que le parti qu’il représente contient des sensibilités multiples et diverses. Elle donne une belle occasion à la gauche de disqualifier la droite et le centre. Pour s’être exprimée de la sorte, elle n’a donc pas prévu les conséquences de sa prise de position, alors que c’est le propre de l’homme ou de la femme politique de veiller à ne pas porter de coups à son propre camp. C’est une question de caractère et d’entraînement : de toute évidence, Mme Morano ne sait pas se contrôler. Elle s’est insuffisamment préparée à cette très redoutable émission télévisée qu’est « On n’est pas couchés », qui exige que chacun des intervenants pèse chacun de ses mots sur une balance d’apothicaire avant de le prononcer.

La zone dangereuse du racisme.

Courir après le FN, ce n’est pas le dépasser. Marine Le Pen n’a même pas envie de coopter Nadine Morano dans ses rangs. La députée européenne a eu son quart d’heure de gloire médiatique, elle a mangé son pain blanc. Rien ne l’attend sauf une longue descente aux abîmes puisque toutes les droites la rejettent et que les gauches, bien sûr, l’accablent de leurs accusations. Un soudain excès de surenchère a conduit Mme Morano dans la zone dangereuse du racisme. Elle n’est pas plus excusable parce qu’elle n’aurait pas l’intelligence des dossiers ou l’élégance du langage, autres méchantes analyses dont la classe politique ne se prive pas, tant il est aisé de mettre un dérapage au compte de l’insuffisance intellectuelle. Ce matin, sur France Info, l’ancien ministre François Baroin était agacé par la répétition des questions qui lui étaient posées sur Nadine Morano alors que le gouvernement présente un projet de budget sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Mais l’histoire du « pays de race blanche » n’est pas du tout anodine. Elle montre que la classe politique est sans cesse incitée à aller plus loin, à provoquer, à surprendre, à exagérer, tous excès qui empoisonnent la vie politique. C’est sérieux, c’est grave, cela mérite que l’on s’y attarde.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

6 réponses à Le cas Morano

  1. Masse dit :

    Vous aurez beau dire et beau faire les racines de la France sont blanches et judéo-chrétiennes. Que peu à peu les choses aient changé, que la France soit aujourd’hui un peu plus métissée,que depuis quelques années les religions soient plus variées, c’est certain. Il ne s’agit pas d’un dérapage, comme vous dîtes, mais d’une assertion parfaitement réfléchie.
    Madame Morano sait parfaitement se contrôler, vous non !

    Réponse
    Et vous ?

  2. Dienstag Claude dit :

    Comment le politiquement correct en est-il arrivé à dire que les origines de la France ne sont pas blanches et judeo-chrétiennes. Les dires de nos hommes politiques et de nos médias tournent au ridicule, mais le le ridicule ne tue pas.

  3. Delteil dit :

    Je vois que je ne suis pas le seul a penser que Nadine Morano n’a pas dérapé ni dit quelque chose de choquant. En effet qui a fait la France? Depuis les Mérovingiens, les Carolingiens, les Capétiens, la République, en passant par Charles Martel, Louis XI, Louis XIV, Napoléon, de Gaulle, en passant par beaucoup d’autres personnages , ce sont bien des blancs d’origine judéo- chrérienne. Actuellement bien sûr les choses ont un peu changé, les différentes migrations, la fin de l’esclavage, la décolonisation ont transformé notre société. Actuellement donc, notre pays est multiracial et multi-religieux. Mais ceux qui on fait la France étaient bien blancs et chrétiens. Nous sommes un pays de blancs dans lequel il y a des noirs et des arabes. Nous sommes un pays chrétien ou juif dans lequel il y a des musulmans et des athées. Ce n’est pas parce qu’un petit roquet a jappé devant les députés en postillonnant son vaccin anti-Morano que tout le monde doit s’aligner comme un seul homme, aucune tête ne dépassant. Le haro sur Morano, à droite comme à gauche, pour ne pas se faire battre aux élections qui arrivent est inadmissible, honteux, lamentable. Heureusement qu’il y a encore des personnes qui persistent à penser et à s’exprimer, même à contre-courant.
    La France doit rester la France avec sa couleur.

    Réponse
    Et, bien entendu, Nadine Morano, députée européenne, candidate tête de liste aux régionales (le cumul ne lui posant aucun problème), n’avait, elle, aucune arrière-pensée électorale.

  4. sszorin dit :

    Qu’est-ce que c’est cette nation « judéo-chrétienne » ? Vous pourriez aussi bien dire judéo-musulman ou judéo-nazi ou islamo-chrétien ou communiste-chrétienne ou judéo-communiste …[ooops ! Excusez moi…. hybride judéo-communiste existe réellement].

  5. JMB dit :

    Le terme judéo-christianisme, commun, est assez inapproprié.
    Le judaïsme et l’islam partagent la même transcendance absolue. La représentation de Dieu est interdite. Son incarnation est impossible,
    la Trinité s’apparente au polythéisme.
    Ces deux religions partagent des interdictions alimentaires, notamment celle du porc. Le rite halal se démarque de façon allégée du rite casher. Supprimer les repas de substitution ne concerne pas les seuls musulmans. La mère est le personnage essentiel de la transmission de la religion. Les hommes des deux religions sont circoncis.
    Étudiant la naissance de l’islam, Léon Poliakov, dans son Histoire de l’antisémitisme, écrit: « On voit donc que l’islam a bien plus d’affinités avec le judaïsme qu’avec le christianisme ».
    Et, l’intellectuel israélien Yeshayahou Leibowitz trouvait « une différence abyssale » entre judaïsme et christianisme.
    Qualifier l’Europe, et en particulier la France, de judéo-chrétienne, c’est mettre sous le boisseau des siècles de discriminations des adeptes de la première religion par les adeptes de la seconde.

  6. JMB dit :

    « Je conviens que dans tous les pays, le vulgaire s’accomode rarement de l’afflux d’étrangers : ce qui procède, premièrement, de ce qu’ils ignorent qu’au commencement ils l’avaient été eux-mêmes; deuxièmement, de ce qu’ils n’acceptent qu’à contrecœur que d’autres viennent partager l’exercice de leurs métiers, ou, comme ils disent, leur enlever le pain de la bouche; et, troisièmement, parce qu’ils sont stimulés dans cette aversion par les artifices de ceux qui ont pour dessein de changer de gouvernement ».
    Analyse récente d’un contemporain ? non, écrits de John Toland, philosophe irlandais, autour de 1720. Ils n’ont pas perdu de leur pertinence.

Répondre à Masse Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.