Air France à l’agonie

Un A380 d'Air France (Photo AFP)

Un A380 d’Air France
(Photo AFP)

La direction d’Air France n’a pas réussi à trouver un accord avec le SNPL, le syndicat des pilotes. Elle lui proposait de travailler deux heures de plus par semaine sans augmentation de salaires. Ils ont refusé, ce qui conduit la direction à envisager un plan B, axé sur le licenciement de près de 8 % des effectifs, soit 4 000 salariés sur 52 000 au total.

L’OFFRE D’AIR FRANCE aux pilotes n’était sûrement pas un cadeau : cela s’appelle travailler plus sans gagner plus. Mais il faut la mettre en relation avec la crise que traverse la compagnie aérienne nationale, qui perd de l’argent depuis sept ans. En dix ans, le nombre des employés de la compagnie est passé de 65 000 à 52 000, mais la dette cumulée se chiffre en milliards. Pourquoi Air France ne fait-elle plus de bénéfices ? Pour deux raisons : la concurrence alarmante du « low cost », qui prend de grosses parts de marché à Air France, et celle des compagnies étrangères qui pratiquent des prix moins élevés pour les longs courriers. Comme pour toutes les industries, la solution passe nécessairement par une réduction des prix de revient qui, pour Air France, sont de 25 % supérieurs à ceux de ses rivales européennes. Contrairement aux apparences, ce ne sont pas les pilotes qui sont les plus sollicités. Pour réduire les coûts, Air France entend faire d’autres efforts d’économie afin d’arriver à un budget de dépenses inférieur de 1 milliard d’euros.

L’application du plan B.

Une fois connu le refus des pilotes, le conseil d’administration a annoncé l’application du plan B qui inclus 4 000 licenciements et le report de l’achat de 50 Boeing 787 et de 50 Airbus A340. Cela signifie qu’Air France va renoncer à tout effort de développement pendant plusieurs années, qu’il va fermer dix pour cent de ses itinéraires, principalement vers l’Asie et qu’il ne recrutera pas. C’est un choix terrible qui va priver la France d’un autre de ses atouts industriels. Les pilotes ont fait savoir qu’ils s’opposeraient par tous les moyens à l’application du plan B, ce qui signifie qu’ils feront une ou plusieurs grèves, comme celle, récente, qui a coûté 350 millions d’euros à Air France. Non seulement la compagnie rétrécira, mais les pilotes vont littéralement scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Retour à la négociation ?

Les perspectives sont tellement mauvaises pour Air France que le Premier ministre, Manuel Valls, a adjuré direction et SNPL de reprendre la négociation et de passer un compromis. Les expériences passées ne sont pas encourageantes : les pilotes se sont montrés, à plusieurs reprises, totalement insensibles à une impopularité toujours provisoire parce que les passagers leur sont attachés et leur font confiance. Ce qu’ils ne semblent pas voir, c’est que, cette fois, le sort de la compagnie est en jeu et que sa disparition sous sa forme actuelle n’est plus impossible. Il n’existe pas d’autre moyen, pour la survie de ce fleuron de notre industrie, que d’augmenter la productivité de tous les salariés et cela passe par une augmentation du temps de travail. Les pilotes volent 650 heures par an et, même s’il faut tenir compte de tous les paramètres d’un métier très absorbant, très fatigant, très stressant, l’effort qui leur est demandé ne semble insurmontable à personne. Un minimum de réalisme est requis de tous. Les pilotes ne peuvent pas croire que, en ces temps de vaches maigres, le « toujours plus » reste l’alpha et l’omega du syndicalisme.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Air France à l’agonie

  1. Jipé dit :

     » Les pilotes volent 650 heures par an et, même s’il faut tenir compte de tous les paramètres d’un métier très absorbant, très fatigant, très stressant, l’effort qui leur est demandé ne semble insurmontable à personne. »
    M.Liscia, j’apprécie généralement vos articles, mais là, c’est demander aux pilotes de travailler 18% de plus sans compensation. Seriez-vous d’accord, si vous étiez dans les mêmes paramètres  » très absorbant, très fatigant, très stressant » …?

    • admin dit :

      Vous seriez surpris des efforts que j’ai accomplis toute ma vie dans le cadre de mes responsabilités professionnelles, à la fois en temps de travail et au niveau de la compensation.

  2. phban dit :

    J’avoue que, souvent, je suis pris d’un immense élan de compassion envers ces forçats de la terre que sont les pilotes d’Air France, condamnés à travailler toujours plus pour un salaire de misère. Il m’arrive même d’écraser une larme en pensant à l’injustice qui les frappe de plein fouet, happés dans l’engrenage de ce monstre capitalistique inhumain – Air France. À quand une grève générale de tous les usagers de tous les transports de France, pour exiger une hausse substantielle de la rémunération de ces héros galonnés, couplée si possible à une baisse sensible de leur temps de travail et à la gratuité, pour eux, des mojitos dans tous les palaces de la planète.

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