Ils n’ont rien compris

Un sens de l'occasion historique (Photo AFP)

Un sens de l’occasion historique
(Photo AFP)

Face aux décisions du pouvoir, les voix discordantes sont rares, faibles, peu crédibles, mais elles se font encore entendre. Elles sont hostiles aux bombardements sur la Syrie, elles se livrent à des associations d’idées fallacieuses, elles préconisent des remèdes homéopathiques pour un cancer. Elles n’ont pas mesuré la gravité des attentats de Paris.

POUR TOUS CEUX qui font métier de combattre le pouvoir, au nom du dialogue démocratique, mais pas forcément parce qu’ils trouvent une justification à leur mécontentement, il y aurait d’autres manières que celle de François Hollande de traiter la tragédie nationale qui nous a tous plongés dans le chagrin et le désarroi. Il y a ceux qui se hâtent de répéter, avec cette fois l’espoir d’être entendus, qu’il faut faire de Bachar Al-Assad une des clés de la solution à la crise syrienne ; il y a ceux qui, déjà, brandissent le flambeau de la liberté face au durcissement inévitable des lois et procédures judiciaires indispensable à la prévention des attentats; il y a ceux qui font de Vladimir Poutine l’alpha et l’oméga d’une victoire contre Daech.

Une action sans lendemain.

Aux yeux des partis qui ont un agenda principalement axé sur la politique intérieure, les attentats sont aussi un désastre pour leurs propres projets. Ils se voyaient portés par une crise économique et sociale qui leur permettrait de faire un score aux régionales et, plus tard, à la présidentielle. C’était l’ambition du Front national, notamment, de remporter des succès électoraux en s’appuyant sur la décomposition sociale du pays. C’était l’ambition de l’extrême gauche de tirer profit d’un incontestable affaiblissement du régime, même si son offre politique ne trouve preneur que dans une infime minorité. C’était l’ambition des écologistes purs et durs de fabriquer un arme massive contre le gouvernement en se servant de ses manquements à la protection de l’environnement, par exemple en faisant de l’aéroport de Nantes un abcès de fixation.
Forcément, avec la consternation nationale provoquée par les attentats, beaucoup de sujets apparaissent aujourd’hui comme secondaires. À part le Front national, qui se présente comme un garant de la sécurité beaucoup plus sérieux que le pouvoir, pour la plupart des autres partis, la tragédie du 13 novembre élimine des sources de critiques normalement abondantes. François Hollande, non sans un certaine maestria, a proposé aux Français un plan sécuritaire valable et des perspectives internationales très améliorées par l’hypothèse, désormais vraisemblable, de la création d’une coalition internationale contre Daech, comprenant les États-Unis et la Russie, dont il verra les présidents la semaine prochaine. Lui livrer une guérilla dans ce climat de rassemblement national et de ressaisissement mondial ressemble à une action sans lendemain.

Cynisme tous azimuts.

On peut toujours dire que le président se sert avec cynisme d’un deuil national pour améliorer sa propre stature politique. Mais ceux qui fournissent de la tragédie une interprétation trompeuse sont encore moins sincères que lui. L’opposition peut toujours prétendre que, si elle avait été aux affaires, elle aurait déjoué l’assaut meurtrier contre Paris. Mais elle ne peut pas le prouver. Le Front national, qui voit dans l’immigration la cause de tous nos maux, peut toujours prétendre que s’il y avait moins d’immigrés ou de descendants d’immigrés en France, le djihadisme n’aurait pas pu y prospérer. Mais, avant et après les attentats, le Front est incapable de nous dire de quelle manière il peut traiter le problème qu’il soulève. L’expulsion massive de personnes qui ont la citoyenneté ? C’est franchir un pas vers la dictature. Sélectionner les étrangers pour les reconduire à la frontière ? Énorme atteinte au droit, sans la certitude que, de cette manière, on mettra un terme au terrorisme. Le Front de gauche, pour sa part, murmure que la révision de la Constitution nous conduit tout droit à l’adoption de mesures d’exception : qu’il demande à ses adhérents s’ils préfèrent un droit immaculé à leur sécurité. Quant aux écologistes, ils ne savent que dire. Ils ne sont nullement préparés à une telle violence et n’ont pas la moindre idée sur la manière de la refouler.
La différence entre le président de la République et ses détracteurs impénitents, c’est qu’il voit tout de suite ce qu’il faut faire quand éclate une crise historique. Il a su réagir aux attentats de janvier dernier, il a su le faire le 13 novembre. On peut certes lui reprocher le fait que la France ait eu à subir deux assauts meurtriers en moins de dix mois et pendant son mandat. Il y a au moins une chose que tout le monde comprend, c’est que, quand un drame aussi bouleversant se produit, la population se réunit autour de ses institutions, donc de celui qui les incarne. En janvier, l’effet positif pour Hollande n’a duré que quelques semaines. Il sera plus durable cette fois-ci parce que nous sommes entrés dans une guerre longue.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Ils n’ont rien compris

  1. Num dit :

    Plutôt d’accord avec vous. Quelques nuances néanmoins:Je crains que le FN ne fasse un très gros scores aux régionales (30 % ?, 40 % ?) car malheureusement ces événements « valident » sa prédiction que l’immigration massive depuis 40 ans conduit à la guerre civile.
    Pas certain que Hollande ne profite durablement de cette crise car, même s’il a pris des décisions qui vont dans la bonne direction, les Français ne vont pas lui accorder un blanc-seing une deuxième fois. Et je ne vous rejoins pas quand vous écrivez qu’il a su réagir aux attentats de janvier. Sur la forme oui, sur le fond non. Les mesures annoncées ces derniers jours auraient déjà dû l’être il y a 10 mois. Qu’il ne se contente pas de mots, cette fois, et mette en œuvre ce qu’il a annoncé !

  2. Michel de Guibert dit :

    On se félicite de voir que certains ont enfin compris ce qu’ils refusaient il y a encore quelques jours : « des perspectives internationales très améliorées par l’hypothèse, désormais vraisemblable, de la création d’une coalition internationale contre Daech, comprenant les États-Unis et la Russie ».

    Réponse
    Merci pour l’aimable allusion. Celui qui a le plus changé, c’est Poutine, qui a enfin compris que la destruction de Daech était plus nécessaire que la protection d’Assad. C’est encore la Russie qui a tendu la main à la France, pas l’inverse.

    • Michel de Guibert dit :

      Vous avez une singulière manière de voir les choses…
      1) J’en connais d’autres qui ont enfin compris que la destruction de Daech était plus nécessaire que la destruction d’Assad…
      2) La destruction de Daech n’est pas exclusive de la destruction d’Al Qaïda (Al Nosra) ou d’autres groupes islamistes.
      2) Tendre la main pour faire front commun est plutôt une preuve d’intelligence.

      Réponse
      La position russe a complètement changé dès lors que la Russie reconnu que l’avion où sont morts 224 de ses ressortissants avait été abattu par une bombe posée par Daech. Ce que vous voyez comme une preuve d’intelligence chez Poutine est analysé par vous comme une révision de la position française, qui n’en est pas une : Bachar continue d’être un ennemi aux yeux du gouvernement français. Si les Russes veulent détruire Daech, qu’ils ne s’en privent pas. Et maintenant, je considère la conversation comme close.
      R.L.

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