Le mystère Macron

Un homme pour toutes les saisons (Photo S. Toubon)

Un homme pour toutes les saisons
(Photo S. Toubon)

Le ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, n’a jamais été aussi à l’aise que pendant la crise provoquée par la réforme du code du travail. Il est également très populaire, plus à droite qu’à gauche. Ses déclarations dépassent largement le cadre de ses fonctions. Son ambition, apparemment sans limites, fait l’objet de toutes les spéculations.

M. MACRON irrite ses collègues du gouvernement, est perçu à gauche comme un élément déstabilisateur quand il ne soulève pas l’aversion, est critiqué pour une variété de prises de position qui débordent largement ses compétences. À quoi joue-t-il ? À un jeu un peu pervers qui consiste à renforcer sa popularité personnelle pendant que le bateau ivre du pouvoir s’enfonce lentement dans les flots, en pleine fin de règne, dans le désarroi incontrôlable de la gauche et, surtout, au coeur d’un marasme national qui finira peut-être par emporter François Hollande avant même qu’il ait la chance de se présenter pour un second mandat, et Manuel Valls lui-même qui résiste de moins en moins à la vague d’impopularité submergeant le pouvoir.

Seul, libre et habile.

M. Macron bénéficie d’une position qu’il a su lui-même se créer, en refusant d’adhérer au PS, sans prendre la peine de rechercher un poste électif, et sans sacrifier un seul instant à la complaisance idéologique, ce must de la collégialité socialiste. Il est seul, il est libre et il doit être très habile dès lors qu’il occupe les fonctions de ministre de l’Économie, bien qu’il vienne de la société civile et qu’il n’ait pris aucun engagement quant à la philosophie dont il s’inspire. Il fait des jaloux et il soulève de vives antipathies, surtout chez ceux de ses collègues qui, eux, ont leurs lettres de créance du parti, ont blanchi sous le harnais et doivent partager avec le président de la République la potion amère que réserve l’exercice du pouvoir à ceux qui y accèdent.
Tout se passe comme si le jeune Macron (38 ans) utilisait son ministère comme un champ d’expériences qu’il arpente à grands pas, tantôt pour suggérer des réformes audacieuses, tantôt pour critiquer les décisions de l’exécutif, comme la déchéance de nationalité, tantôt pour faire la leçon à un Royaume-Uni qui fait chanter l’Europe. M. Hollande a réagi. Il a fini par priver M. Macron de sa deuxième loi de modernisation de l’économie et l’a confiée à Myriam El Khomri. Le tollé soulevé par le projet a contraint le président et son Premier ministre à réintroduire M. Macron dans le jeu et dans l’immense effort de persuasion entrepris par le gouvernement auprès des syndicats et des jeunes.

Pas de temps à perdre.

Un pouvoir épouvanté par la jeunesse, comme un vulgaire gouvernement de droite, alors que la loi Travail a pour objectif principal de faciliter l’accès des jeunes au marché de l’emploi. Dans la panique, l’exécutif cherche à accumuler les arguments en sa faveur, notamment en brandissant la présence du jeune Macron à ses côtés. Le ministre de l’Économie n’est-il pas choqué par des négociations qui ont fait germer l’idée invraisemblable de taxer les contrats à durée courte pour satisfaire les syndicats ? Peut-il approuver le recours à l’impôt dans un pays où la pression fiscale atteint 57 % du produit intérieur brut ? M. Macron est loyal à l’Élysée dans le cadre de la négociation. Mais, quelle que soit son issue, il est déjà ailleurs, plus loin. On croyait qu’il se préparait pour les élections de 2022, mais non, ses déclarations courageuses et parfois insolentes, l’énergie qu’il met dans l’élaboration de ses réseaux personnels, les contacts qu’il entretient avec tous les réformistes de France, chez les économistes ou chez les chefs d’entreprise, montrent qu’il n’a pas de temps à perdre, que si M. Hollande ne se présente pas en 2017, M. Valls ne peut pas croire non plus qu’il incarne la gauche. Et lui ?
Sans le sous-estimer, on lui fera savoir qu’il est devant une montagne. Il n’aura jamais le soutien de la gauche, classique ou extrême. On devine qu’il voudrait lancer un mouvement oecuménique rassemblant les hommes et les femmes de bonne volonté que l’immobilisme du pays épouvante, qui voient en outre que la droite et le centre sont incapables de former un bloc, qui veulent s’opposer de toutes leurs forces à l’ascension du Front national. M. Macron montre depuis quelques mois qu’il a un avis sur tout, qu’il n’entend pas être ligoté par le moindre dogme, qu’il se fait fort, si on lui en donne le pouvoir, d’aller vite, de changer le pays, et de produire de la croissance. N’étant pas vraiment de gauche, il se plaît à dire qu’il n’est pas non plus de droite. De ce point de vue, il inquiète tout le monde. C’est une sorte d’extra-terrestre privé de la mémoire des blocages historiques qui ont mis la France au point mort.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le mystère Macron

  1. Lefrançois dit :

    C’est exactement le personnage (homme ou femme) dont la France a besoin pour sortir de ses archaïsmes, de droite comme de gauche.
    Comme disait Einstein, « on ne peut pas résoudre un problème par le même système de pensée que celui qui a créé le problème »….
    La droite et la gauche françaises (y compris leurs composantes extrêmes) sont l’exemple-même que ses dirigeants et représentants ont parfaitement illustré depuis des décennies leur incapacité à changer de niveau et de système de pensée.
    Mr Macron est (peut-être) le seul à montrer qu’il a tout compris, et qu’il saura trouver les solutions.
    La question n’est pas de savoir s’il est de gauche ou de droite, ce sont des classements totalement archaïques et dépassés.
    Il y a urgence pour le pays.

    Dr Jérôme Lefrançois

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