La primaire réinventée

"Camba" se passerait bien de la primaire (Photo AFP)

« Camba » se passerait bien de la primaire
(Photo AFP)

Le PS a décidé samedi dernier qu’il y aurait bien une primaire socialiste, sans doute en décembre 2016, quelques jours après la primaire des Républicains. De même les écologistes d’EELV se sont prononcés pour une primaire. On va voir que ce qui est annoncé n’aura pas forcément lieu.

LE PREMIER secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a aussitôt commenté la décision de son parti en exprimant le souhait qu’il n’y ait qu’un candidat, François Hollande. C’est peut-être la déclaration la plus bizarre de ces derniers jours, qui sont pourtant largement essaimés de commentaires contradictoires : le principe d’une primaire, c’est qu’il y ait plusieurs candidats parmi lesquels les militants choisissent. S’il y a qu’un choix possible, l’organisation de la primaire n’a aucun sens. Sans doute M. Cambadélis, placé devant un dilemme entre ce qu’il est obligé de faire pour ne pas trop mécontenter sa base et son devoir de protéger le président de la République, tente-t-il encore de noyer le poisson, de reprendre en tout cas d’un main ce qu’il a accordé de l’autre. Mais personne n’est dupe.

Perdre avec lui, gagner sans lui.

La vérité est que M. Hollande, s’il décide de se présenter pour un second mandat, n’a pas du tout besoin de cette primaire parce qu’elle le prive de sa qualité de « candidat naturel » et qu’elle l’humilie. La gauche exige une primaire parce qu’elle veut adresser au chef de l’État un message plutôt effrayant pour lui : rien ne prouve qu’il est le meilleur candidat des socialistes ; et la recherche d’une candidature différente traduit la crainte de perdre avec M. Hollande et l’espoir de gagner sans lui. Du coup, la primaire à gauche devient une sorte d’examen de rattrapage imposé à un homme qui a failli dans sa tâche. Il est temps que les socialistes l’admettent : une primaire ne peut avoir lieu que contre François Hollande. Dire le contraire, faire croire que la primaire sacrifierait seulement aux principes de la démocratie, c’est poursuivre dans une analyse hypocrite dont personne n’est dupe, à commencer par le principal intéressé qui, en même temps qu’il laisse M. Cambadélis se débrouiller avec cette notion de primaire vertueuse, cherche une stratégie pour la faire échouer.

Le plus grand danger pour Hollande.

Ce qui, de toute manière, ne le mettra pas à l’abri des autres primaires de la gauche qui enverront plusieurs candidats à la bataille de la présidentielle. Dans le pire des cas, il y aura un candidat écologiste, un candidat communiste, Jean-Luc Mélenchon, qui a déjà annoncé qu’il se présenterait en dehors de toute primaire, et au sein même du PS, le militant socialiste Gérard Filoche, Benoît Hamon peut-être, Arnaud Montebourg… La liste n’est pas close. Pour une raison simple : le bilan du président sortant sera, quoi qu’il arrive d’ici là, désastreux sur à peu près tous les plans. Tous ceux qui, à gauche, ont exprimé leur opposition à la ligne de l’Élysée, pensent qu’ils sont meilleurs que M. Hollande, meilleurs politiquement, économiquement, socialement. Cependant, ce qui compte le plus, pour le chef de l’État, ce sont les candidatures qui vont se manifester en dehors de la primaire socialiste. Le président craint par dessus tout de devoir partager sa faible réserve de suffrages avec des candidats dont au moins un, M. Mélenchon, peut rassembler 10 % des voix. Il est trop tôt pour le dire, mais, en bonne logique, la seule candidature de M. Mélenchon peut envoyer M. Hollande au tapis, c’est-à-dire l’éliminer au premier tour. C’est la raison pour laquelle M. Cambadélis souhaite réserver la primaire à M. Hollande. Et ne nous faisons aucune illusion: si la droite et le centre envoient plusieurs candidats pour le premier tour, ils ne feront que donner une avance peut-être irrésistible à Marine Le Pen.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à La primaire réinventée

  1. Michel de Guibert dit :

    La primaire est contraire aux institutions de la République, déjà mises à mal par la suppression du septennat au profit du quinquennat…
    On récolte ce qu’on a semé !

    • Num dit :

      C’est en fait et surtout l’élection du président de la république au suffrage universel qui est contraire aux institutions de la Ve République. De Gaulle l’a instituée pour lui-même en 1962 par pur opportunisme. Quand on voit les 3 derniers présidents (Chirac, Sarkozy, Hollande), la France a sombré dans une médiocrité caricaturale et désastreuse en termes de politique et d’image.
      De plus, cette élection est l’élément central de notre vie démocratique créant une escalade des égos dans laquelle de médiocres politiques veulent se faire passer pour providentiels et les partis se transforment en écuries électorales qui ne proposent plus ni vision ni projet. C’est une des principales causes (pas la seule, certes) de l’impasse politique dans laquelle nous nous trouvons.
      Il faudrait réinstaurer le suffrage indirect avec un président arbitre et un premier ministre qui gouverne réellement sous le contrôle du parlement.
      Il n’y aura plus ensuite qu’à interdire le professionnalisme politique (interdiction des cumuls d’indemnités d’élus, fin des avantages parlementaires, nombre de mandats limité, démission obligatoire de la fonction publique pour les ministres et élus fonctionnaires…) et on aura déjà fait un grand pas.

      • Michel de Guibert dit :

        Je ne vous suis pas dans votre apologie de la IVème République…

        Ce qui pose problème, c’est que les candidats aux présidentielles soient désignés par des partis politiques largement disqualifiés ; le quinquennat a largement aggravé cette dérive.

        • Num dit :

          Nulle apologie de la IVe République dans mon propos mais plutôt celle de la Ve originelle (1958-1965). Maintenons surtout le scrutin législatif majoritaire à 2 tours qui permet d’avoir des majorités stables et nettes (contrairement à la IVe et son scrutin proportionnel).
          C’est juste le système qui prévaut dans toutes les grandes démocraties européennes où personne ne trouve à s’en plaindre, bien au contraire : elles s’épargnent cette mascarade quinquennale de monarchie élective digne de la télé-réalité où les candidats ne savent qu’inventer pour séduire. Depuis 20 ans, nos présidents sont la risée du monde et nos partis ne font plus que de la communication et du marketing.

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