Le pouvoir dans l’impasse

Station à sec (Photo AFP)

Station à sec
(Photo AFP)

Le gouvernement se trouve dans une impasse : la CGT invente tous les jours des moyens de prolonger la crise, par exemple en transformant les blocages en grèves, ce qui la remet dans le droit, mais ne libère pas pour autant la livraison et la distribution de carburants.

CHAQUE FOIS que les forces de l’ordre dispersent des manifestants ou des grévistes qui bloquent une raffinerie ou un dépôt, un autre site est fermé par la CGT. Ce jeu du chat et de la souris ne permettra pas au public d’être convenablement ravitaillé, pas plus que les grèves à la SNCF ou à la RATP ne faciliteront les déplacements personnels. La CGT a choisi une stratégie qui implique le retrait de la loi El Khomri, donc d’humilier le pouvoir qui, s’il cédait, serait disqualifié pour le restant du quinquennat.

Désinformation.

La somme de désinformation qui accompagne cette crise inquiétante est incroyable. Elle explique que le public, tout en râlant, soutienne les gros bras des syndicats. Le gouvernement souhaiterait mettre tous les travailleurs à la diète, à une baisse des salaires, et menacerait de précarité les salariés confortablement installés dans leur CDI. Son utilisation du 49/3 serait inconstitutionnelle et relèverait de la dictature. Ce serait la première fois qu’un gouvernement socialiste recourrait à cet article, alors que Michel Rocard, Premier ministre de François Mitterrand, l’a abondamment utilisé, justement pour mener à bien un certain nombre de réformes indispensable. Les manifestants et « Nuit debout » continuent à invectiver un texte qui a pourtant été vidé de sa substance pour satisfaire au moins une partie de leurs revendications. De son côté, le gouvernement nous balade. Je ne sais combien de fois, le ministre des Transports est passé à la radio et à la télévision pour nous dire qu’il n’y avait pas de pénurie de carburants pendant que des millions d’automobilistes cherchent désespérément de l’essence.
Bien sûr, c’est le rôle de nos dirigeants de nous rassurer, mais leur message ne passe pas : il n’y aurait pas de stations fermées si les gens, cédant à la panique, ne se ruaient vers les pompes à essence pour faire le plein, même quand ils n’en ont pas besoin. En tout cas, cet affrontement entre le pouvoir et la CGT aura, a déjà, des conséquences néfastes pour notre économie. Plus la crise se prolonge, plus tard aura lieu le retour à la normale. Le commerce, la consommation, la production sont frappés de plein fouet. Nous pouvons être certains que le deuxième trimestre sera affecté par une chute du PIB. La CGT affirme qu’une forte majorité de Français exige l’abandon de la loi travail. Elle ne dit pas qu’une majorité est totalement hostile au blocage du pays.

Staline est mort.

J’ai entendu à la radio un spécialiste des relations sociales qui s’acharnait à dénoncer le simplisme des médias parce qu’ils ont mis en évidence la stratégie de la CGT dont je parlais hier : un syndicat qui veut se refaire une santé en radicalisant sa démarche. Le même expert nous renvoyait au briseur de grèves que fut Jules Moch, ministre socialiste de l’Intérieur en 1948 socialiste qui dut réprimer la grève dans les charbonnages, quand le PCF rassemblait près de 30 % des suffrages et qu’il prenait ses ordres à Moscou. Il suffit de se rappeler que Staline est mort, que le PC d’aujourd’hui recueille moins de 5 % des voix, que la CGT compense son manque de militants par la violence de ses méthodes et de ses mots d’ordre, pour penser que les situations d’aujourd’hui et d’il y a 70 ans ne sont pas comparables. La vérité, la voici : nous trinquons pour tout. Nous trinquons pour une réforme mal engagée, mal expliquée et largement cosmétique ; nous trinquons parce que le pouvoir est faible ; nous trinquons parce qu’il s’est encore trompé sur les conséquences de ses actes ; nous trinquons parce qu’un apparatchik tout récemment installé à la tête de la CGT doit nous prouver qu’il est puissant, sûr de lui et dominateur ; nous trinquons parce que nous sommes décidément incapables de choisir la modernité, le travail, l’effort ; et l’espoir qui va avec eux.

RICHARD LISCIA

Ce contenu a été publié dans Non classé. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

2 réponses à Le pouvoir dans l’impasse

  1. costamagna dit :

    Nous trinquons effectivement à la sante de la CGT depuis bien trop longtemps dans ce pays. Pour la première fois depuis son élection je soutiens ce gouvernement pour qu’il affirme l’état de droit dans ce pays ravagé par des idéologues malveillants. Tenez bon.

  2. Michel de Guibert dit :

    Il est indispensable que, pour une fois, le gouvernement fasse preuve de fermeté dans cette affaire… et que la CGT soit définitivement rendue à ce qui devrait être son sort, à savoir sa quasi disparition au profit de syndicats constructifs qui acceptent le dialogue social.

Répondre à Michel de Guibert Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.