L’ère de la vengeance

Sûrs d'avoir raison (Photo AFP)

Sûrs d’avoir raison
(Photo AFP)

Dans le désordre des affaires nationales, tout se passe comme si chacun avait à prendre une revanche et ne pouvait affirmer son identité ou sa liberté qu’en remettant en cause le socle institutionnel et le mode de vie sur lesquels est fondée la démocratie.

D’OÙ VIENT cette hargne exceptionnelle contre François Hollande et son gouvernement ? De ce qu’il a prétendu être de gauche et appliqué une politique économique et sociale qui s’inspire du libéralisme mais ne fait pas de lui un homme de droite. L’opposition la plus intransigeante qui se manifeste contre lui vient de la gauche, bien plus que de la droite, qui n’a même pas été capable de souligner que, dans la crise actuelle, ce sont ses idées économiques qui ont triomphé. Tout le monde fait de la politique, le gouvernement, la gauche, la droite, les syndicats, chaque citoyen. Peu de gens s’assoient un moment pour se demander quelle est la bonne orientation à prendre, le système à mettre en place, les réformes utiles. Tous veulent savoir l’étiquette politique de l’autre et ont sur lui un jugement tout prêt selon qu’ils le rangent ou non dans leur camp.

Un besoin de s’identifier.

En outre, ceux qui s’adaptent à l’adversité, qui admettent que le monde ne cesse de changer et que l’on ne peut y survivre que si l’on épouse ces changements, sont rares. Il est bien plus aisé de s’identifier, de dire à quel groupe on appartient, de faire partie d’un courant. Cette identification devient très vite la valeur numéro un, le repère le plus sûr. C’est presque une question de survie. On ne peut pas s’en passer. De sorte qu’une fois que l’on a choisi son camp, on refuse d’en sortir. la violence avec laquelle des manifestants se ruent sur les forces de l’ordre témoigne de l’importance qu’ils accordent à leurs propres idées. Ils sont « inspirés ». Ils le disent : leur violence est moins grande que celle de l’État, leur fanatisme moins grave que les mesures arbitraires qui seraient prises contre eux ou et dont ils seraient les premières, sinon les seules, victimes, l’anarchie qu’ils entretiennent moins scandaleuse que l’injustice qui leur est faite et, avec eux, une bonne partie de la société qu’ils prétendent défendre contre l’hydre tentaculaire d’intérêts néfastes et coalisés.

Porte-parole pour tous les autres.

Aucun de ceux qui souhaitent seulement défendre leur emploi et leur revenu et rappellent que leur unique exigence, c’est de pouvoir se rendre sur leur lieu de travail, ne peut convaincre les grévistes ou manifestants. Ce n’est pas nouveau : les rebelles s’auto-proclament porte-parole de tous les autres, y compris ceux qui les désapprouvent. Ce qui est frappant, dans les mouvements sociaux, c’est que les participants sont persuadés d’avoir raison. Tellement raison qu’ils trouvent dans leur colère de quoi justifier des actes répréhensibles ou illégaux. Il y a autant d’avis en France que de Français, et il nous arrive même de nous enorgueillir de compter tant de cerveaux différents et variés. Quand la colère retombe, le souvenir demeure de la montée d’adrénaline. On prend de l’âge et on se souvient de ses propres excès avec une tendresse rétrospective. Mais en quoi le chantage, la prise d’otages, la bataille rangée, la démolition du mobilier urbain, la galère des voyageurs, la rupture des approvisionnements, l’abolition des codes améliorent-ils le sort de la société ? Les révolutionnaires en herbe ont toujours défendu l’idée que, dans une société en souffrance, des souffrances supplémentaires l’aideront à obtenir ce qu’elle désire. Ainsi poursuivent-ils un bonheur lointain en répandant son contraire.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à L’ère de la vengeance

  1. Michel de Guibert dit :

    « Tout le monde fait de la politique, le gouvernement, la gauche, la droite, les syndicats, chaque citoyen. Peu de gens s’assoient un moment pour se demander quelle est la bonne orientation à prendre, le système à mettre en place, les réformes utiles ».
    Vous trouvez ? Peu de gens font de la politique, il me semble…
    Faire de la politique, ce serait précisément se demander quelle est la bonne orientation à prendre, le système à mettre en place, les réformes utiles !

    Réponse
    Mon idée est pourtant claire : faire de la politique, c’est entrer dans la compétition. Faire des réformes, c’est apporter des solutions.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Oui, je comprends ce que vous voulez dire, mais je n’ai pas la même définition du mot « politique » ; ce que vous appelez politique me paraît plus proche des jeux politiciens que de ce que j’appelle la politique, à savoir le service du bien commun.

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