L’espionnage se porte bien

Le lancement du premier "Scorpène" l'an dernier en Inde (Photo AFP)

Le lancement du premier « Scorpène » l’an dernier en Inde
(Photo AFP)

Un journal australien, « The Australian », a révélé qu’il avait pu consulter une masse énorme de documents relatifs à un sous-marin français, le « Scorpène », qui a été notamment vendu à l’Inde, à la Malaisie et au Chili. L’affaire est inquiétante pour le constructeur naval français, la DCNS.

DANS UN MONDE idéal, les ventes d’armes à l’étranger devraient être interdites. Il n’en est rien en France, car les investissements de notre pays dans le développement d’armements toujours plus « efficaces » ne sont rentables que si leur production est vendue aussi à des nations amies. On ne sait pas encore d’où vient cette fuite énorme (« the Australian » affirme avoir eu accès à 22 400 pages de documents qui révèlent tous les secrets du sous-marin, notamment le niveau sonore qu’il émet et qui constitue l’élément essentiel de sa sécurité). Le journal australien estime que la fuite vient de l’Inde plutôt que de la France, où une enquête a été aussitôt diligentée. La gravité de l’affaire est liée à la percée commerciale de la DCNS, qui vient d’emporter un « contrat du siècle » avec l’Australie pour un montant de 38 milliards de dollars.

Une brèche immense dans la sécurité.

Le gouvernement australien s’est empressé de faire savoir que le marché franco-australien ne concerne pas le « Scorpène », mais un tout nouveau sous-marin, baptisé « Barracuda », et que les mesures de sécurité qui accompagnent l’exécution du contrat sont extrêmement strictes en Australie et en France. Il demeure que les clients de la France, déjà pourvus ou en voie de l’être, ne seront pas rassurés. L’étendue de la fuite indique que ceux qui ont violé les secrets du « Scorpène » ont eu tout le temps d’examiner les documents et de les copier, ce qui révèle une brèche particulièrement large dans la sécurité. L’attitude adoptée par le gouvernement de Canberra semble montrer qu’il n’entend pas remettre en cause les modalités du contrat.

Des milliers d’emplois en danger.

Ce qui est à peu près sûr, c’est que la performance militaire du « Scorpène » ne vaut que par le secret des données. S’il suffit d’ouvrir un journal pour les connaître, autant ne pas mettre le sous-marin en service. Certes, la France peut faire la preuve qu’elle n’est pas responsable de la divulgation des documents (qui auraient transité par l’Asie du Sud-Est et pourraient être déjà entre les mains de grandes puissances), mais l’éventuel laxisme indien ne plaira guère aux autres clients de la France, notamment le Brésil, qui attendait sa première livraison pour 2018 et pourrait renoncer à la transaction. C’est donc un coup dur pour la DCNS, pour qui le contrat australien venait comme la confirmation d’un avenir économique radieux, après la mise en service de plusieurs paquebots géants livrés à des compagnies de croisière. La fuite relative au « Scorpène » met en danger des milliers d’emplois dans une industrie qui a connu des hauts et des bas mais dont les carnets de commandes courent sur plusieurs années.
Le gouvernement indien a lui aussi lancé une enquête, qui se concentre sur l’hypothèse d’un piratage informatique, la forme la plus contemporaine de l’espionnage. Le gouvernement français n’a pas réagi dans l’immédiat. Il n’avait certainement pas besoin de cette affaire, qui menace nos chantiers navals.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à L’espionnage se porte bien

  1. Michel de Guibert dit :

    Il paraît invraisemblable que l’origine de la fuite vienne de l’Inde, qui a acheté six de ces sous-marins Scorpène !

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