L’Amérique dans le brouillard

Trump hier à Phoenix (Photo AFP)

Trump hier à Phoenix
(Photo AFP)

La campagne de l’élection présidentielle aux États-Unis bat son plein, mais elle se déroule dans un climat incertain où les excès de Donald Trump le disputent à l’impopularité croissante d’Hillary Clinton, cible privilégiée de tous les médias.

LA CANDIDATE ne parvient pas à échapper aux lourds soupçons qui pèsent sur elle, depuis qu’ont éclaté les affaires relatives à ses mails de secrétaire d’État et que la fondation Clinton est accusée d’avoir, avec les grands de ce monde, des relations financières teintées de corruption. Le problème vient moins de ces affaires, dont le parti républicain, bien loin d’exposer un programme, fait un usage répétitif et vindicatif, que de l’indolence permanente avec laquelle Mme Clinton traite les attaques dont elle fait l’objet. Comme si elle n’avait pas besoin de riposter, étant entendu, selon elle, que tout ce que l’on raconte est faux, qu’il s’agit seulement de la diffamer et que, plus les agressions se multiplient contre elle, plus elle creuse l’écart avec Donald Trump.

Les dégâts causés par les affaires.

Mais ce n’est plus vrai. Les derniers sondages indiquent une érosion sensible de la popularité de Mme Clinton, assortie d’un resserrement de l’écart. Ce qui soulève l’hypothèse d’une victoire de Trump par défaut. La vérité plus exacte, c’est que l’électorat américain n’est nullement enthousiasmé par le choix qui lui est offert. À deux mois de l’élection, une majorité à peu près certaine rejette avec force, et même aversion, la candidature du magnat de l’immobilier, qui a poussé l’excentricité jusqu’à la farce, ne semble pas capable de se corriger et qui, bien qu’il ait renouvelé son équipe de campagne, n’a pas atténué d’un iota la démagogie de ses propos : retour du Mexique où il a prononcé des mots plus lénifiants que d’ordinaire, il a de nouveau juré qu’il construirait un mur de séparation entre les deux pays et qu’il expulserait tous les immigrants clandestins.
Pour mieux engager le pays dans le rejet de cette candidature historiquement anormale, il aurait fallu que sa rivale fût immaculée. Les analystes les plus sérieux de l’actualité politique pensent en général que, devant le danger que Trump représente pour la stabilité même de l’Amérique, le choix, pour l’électorat, est contraint, que la majorité silencieuse n’obéit pas à l’émotion mais au rationalisme et que Hillary Clinton doit gagner, parce qu’elle sera toujours le mieux-disant de la politique. Je défends moi-même ce point de vue. Mais personne ne peut ignorer aujourd’hui les dégâts infligés par les « affaires » à la popularité de la candidate démocrate.
Car le « populisme » ou plus exactement le brouillard que les passions humaines ont créé autour de la campagne demeure le critère central du choix des Américains. Les partisans de Bernie Sanders, par exemple, continuent d’adhérer à sa candidature bien qu’il ait été mis en minorité et se soit rallié à Mme Clinton, obéissant ainsi à la discipline démocratique. On me rapporte que certains de ses électeurs ne se résolvent pas à accorder leur voix à la candidate et que, avec une confondante absence de logique, ils refusent d’admettre que le suffrage dont ils la priveraient irait automatiquement renforcer Donald Trump. Les enquêtes d’opinion n’accordent à ce phénomène qu’une importance toute relative, mais elles montrent aussi que la suprématie d’Hillary s’effrite de manière inquiétante pour tous ceux qui craignent que Trump n’entraîne le pays dans une mésaventure dont il risque de ne pas se relever.

La double tâche d’Hillary.

Mme Clinton a pu penser jusqu’à présent que, moins elle répondait à ses détracteurs, plus sa popularité augmentait. Ce n’est plus le cas. Elle doit donc faire deux choses : la première consiste à ne plus rien laisser passer, à prouver son honnêteté, en prenant le temps de dire tout ce qu’il y avait dans ses fameux courriels et en publiant les comptes de la fondation Clinton, accusée d’avoir perçu des fonds d’un montant élevé de quelques dictateurs. Elle s’est déclarée innocente, elle ne l’a pas démontré. Ensuite, il est temps qu’elle entre dans le détail des mesures qu’elle prendra si elle était élue, car il ne faut pas qu’elle se contente de se justifier moralement, elle doit prouver ce qu’elle considère comme déjà acquis, à savoir qu’elle est, et de loin, la candidate la mieux outillée, la mieux entourée, la plus compétente pour gérer la politique intérieure et extérieure des États-Unis.
Elle doit abandonner l’idée, décidément trop simple, qu’elle va être élue parce que c’est son tour, parce qu’elle est la candidate « naturelle », parce qu’elle représente le lieu géométrique de toutes les tendances qui s’affrontent sur la scène politique. Elle ne peut plus se contenter d’être préférable à Trump sous prétexte que Trump est ce qu’il y a de pire. Non seulement elle doit se réinventer, mais elle doit renaître, être « born again », mais dans un sens non religieux. En d’autres termes, il faut qu’elle apparaisse comme une candidate rénovée, sinon neuve.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à L’Amérique dans le brouillard

  1. cro-magnon dit :

    En son temps, Giscard accusé dans l’ affaire des diamants jugeait préférable de ne pas répondre aux attaques, on sait ce qu’il en advint.

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