Le Brexit le plus long

L'héritage empoisonné de Mme May (Photo AFP)

L’héritage empoisonné de Mme May
(Photo AFP)

Vous souvenez-vous du « Brexit » ? Mais oui, vous savez, cette opération colossale par laquelle la Grande-Bretagne sort des institutions européennes. Eh bien, le moins que l’on puisse dire, c’est que le Brexit prend du temps. Un peu comme ces lois françaises pour lesquelles il n’y a pas de décret d’application.

LA PREMIÈRE ministre britannique, Teresa May, est une femme qui inspire le respect. Elle le dit et le répète, il n’est pas question de priver, par je ne sais quelle entourloupe, le peuple britannique de sa décision. En même temps, Mme May a déclaré aussi que la sécession de son pays était une affaire bien trop compliquée pour qu’elle soit réglée en trois coups de cuiller à pot. On la comprend. Mais enfin, le traité de Lisbonne, qui prévoit bel et bien, dans l’un de ses articles, la rupture d’un pays membre avec l’Union européenne, n’a pas été appliqué à ce jour, c’est-à-dire près de trois mois après le référendum britannique (26 juin). Or c’est le gouvernement du Royaume-Uni qui doit signifier aux instances européennes sa volonté de quitter l’Union, pas l’inverse. Les dirigeants européens ont très bien compris ce qui freine Mme May, à savoir l’affreuse complexité du processus, le danger de ne pas veiller suffisamment aux intérêts bien compris du royaume, les risques commerciaux et financiers très réels que présente le Brexit. Elle cherche donc à faire d’une pierre deux coups : quitter l’Union, et faire une bonne affaire, ce qui n’est pas du tout l’avis de ses anciens partenaires européens : ils veulent principalement que, dès lors que le Brexit est mis en oeuvre, l’Europe n’en subisse aucun inconvénient.

Gueule de bois.

Mme May travaille dans une ambiance irréelle. Elle dirige un peuple qui, ayant vécu une nuit très alcoolisée, a la gueule de bois. Quelque millions d’Anglais, notamment ceux des grandes villes, les moins favorables au Brexit, ont demandé, par pétition et manifestations, que le gouvernement britannique renonce au Brexit. Mais Mme May n’est pas quelqu’un qui joue avec le droit, elle a fait campagne contre le Brexit et elle entend bien donner suite à la volonté du peuple, quoi qu’il en coûte à la Grande-Bretagne. Elle cherche seulement les moyens obscurs et fatalement indéchiffrables par lesquels la sécession serait la moins douloureuse possible pour son pays.
C’est tout à fait admirable, mais il ne faut pas oublier que, en définitive, il y a un contenu idéologique dans le Brexit et un affrontement indiscutable entre partisans de l’UE, attachés aux racines historiques de l’Union et à ce qu’elles impliquent sur les plans historique, économique, éthique et ses détracteurs, qui ne s’embarrassent guère de tels scrupules et estiment que, dans une indépendance sans réserves, le Royaume-Uni redeviendra la grande nation qu’elle fut autrefois. Leur conviction ne résiste pas à l’analyse. L’Irlande du Nord ne souhaite pas sortir de l’Europe, pas plus que l’Écosse. Et ce qui menace le plus la Grande-Bretagne, c’est son explosion, ce que personne ne souhaite, sûrement pas, en tout cas, les pays européens.

On apprend de ses erreurs.

On verra bien de quelle manière l’Union et le Royaume-Uni pourront sortir de ce guêpier sans précédent sans en subir d’excessifs dommages. Une chose est sûre : le séparatisme britannique est de plus en plus mal vécu par les Britanniques eux-mêmes. Un seul exemple : le Royaume-Uni vient de donner son feu vert à la construction de deux réacteurs nucléaires de nouvelle génération, les fameux EPR. Une affaire de 20 milliards d’euros. Un projet pharaonique. Une exclusivité française puisque c’est la France qui a mis au point cette filière. Malheureusement, c’est aussi la France qui a essuyé les plâtres de cette invention. Aucun EPR ne fonctionne encore, ni celui que la Finlande a commandé il y a plus de dix ans et qui, à ce jour, a coûté trois fois le prix initial, ni celui que nous construisons en France et qui prend beaucoup de retard. On apprend de ses erreurs, nous dit le gouvernement, enthousiasmé par la décision de Londres. Vive l’Europe.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le Brexit le plus long

  1. Michel de Guibert dit :

    « L’Angleterre est une île entourée d’eau de tous côtés » (André Siegfried)

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