Mossoul, mère de toutes les batailles

Lavrov et Kerry à Lausanne (Photo AFP)

Lavrov et Kerry à Lausanne
(Photo AFP)

L’armée irakienne, avec le soutien des peshmergas kurdes et des militaires américains, s’apprête à lancer contre Mossoul, la deuxième plus grande ville d’Irak après Bagdad, une bataille qui risque de durer plusieurs mois. Les forces de l’État islamique (EI) y sont retranchées, qui contrôlent plus d’un million de civils, ont creusé des tunnels, et piégé la plupart des rues et des immeubles.

LA PRISE de Mossoul n’aura aucun sens si elle n’est pas assortie d’un accord entre sunnites, chiites et kurdes pour un gouvernement équitable qui respecte les trois composantes ethniques de l’Irak. On est loin, cependant, d’un dénouement politique de la guerre d’Irak, qui dure depuis treize ans. Les Etats-Unis ont évacué le pays, mais l’occupation d’une partie du territoire irakien par l’EI les ont contraints à envoyer sur place des conseillers, qui se comptent par plusieurs centaines, peut-être par milliers. Vladimir Poutine, sommé en ce moment par le secrétaire d’État, John Kerry, d’accepter un cessez-le-feu à Alep (Syrie) a informé la coalition dirigée par les Américains qu’elle devait éviter toute victime civile au cours de la bataille de Mossoul.

Pourquoi les Russes négocient encore.

Cette mise en garde, comme tout ce que dit et fait Poutine, n’est pas innocente. Elle tente de faire pièce aux terribles jugements internationaux qui accompagnent le bombardement par les Russes d’un convoi humanitaire et les assauts impitoyables contre un quartier tenu par les forces hostiles à Bachar Al Assad, le protégé du président russe. La tension entre Washington et Moscou a atteint un degré pratiquement insupportable. Elle est accompagnée par des commentaires russes qui évoquent « l’hystérie » du gouvernement américain alors que l’acharnement de Poutine et de Bachar contre les civils d’Alep est décrit par l’ONU comme une liquidation pure et simple de la population de la ville. Malgré les dissensions très sérieuses entre les deux pays, John Kerry a convaincu Serguei Lavrov, son homologue russe, de reprendre les négociations sur le cessez-le-feu à Alep. On peut se montrer sceptique sur les chances d’un arrêt des bombardements : les Russes semblent vouloir en finir au plus vite à Alep pour assurer une ligne de défense durable pour les forces de Bachar Al Assad. Mais on doit aussi se demander pourquoi Poutine, si intraitable, accepte encore de négocier.
Il est possible que Barack Obama détienne une preuve de son ingérence dans les affaires intérieures américaines. Le système informatique du Conseil national démocrate (DNC) a subi en effet une invasion par des hackers inconnus et il accuse publiquement Moscou d’avoir organisé ce cambriolage numérique. Plus récemment, Wikileaks a diffusé de nouvelles « révélations » concernant Hillary Clinton et là encore, c’est Moscou qui a été accusé. M. Kerry a donc dû expliquer à M. Lavrov qu’il détient des preuves sur l’action hostile des Russes. La publication de telles preuves provoquerait un scandale mondial. Car ainsi serait révélée la volonté de Poutine de favoriser l’élection de Donald Trump et la défaite d’Hillary Clinton. Sur les intentions de Poutine, sur sa préférence pour Trump (les deux hommes ne cessent d’échanger des amabilités), sur son mépris pour Barack Obama et le parti démocrate, il n’y aucun doute. Mais si la preuve d’une ingérence russe dans les affaires intérieures américaines est apportée, la Russie se trouverait dans une situation délicate.

Trump aux abois.

Ce qui explique peut-être que les ponts ne sont pas complètement rompus entre Moscou et Washington. Vladimir Poutine a introduit dans les relations internationales un cynisme, une hypocrisie, un recours systématique au mensonge qui montrent au moins deux choses essentielles : d’une part, il veut obtenir, et plus vite possible, une victoire militaire en Syrie pour consolider le pouvoir de Bachar et donc la présence militaire russe en Méditerranée ; d’autre part, il fera tout ce qu’il peut pour aider Trump à vaincre Mme Clinton. Poutine a une bonne chance de renforcer le statu quo en Syrie. Pour les élections américaines, en revanche, il a pratiquement perdu la partie. Donald Trump est aux abois. Il réclame un test anti-dopage pour Hillary Clinton avant le troisième débat et il sait qu’il est en très mauvaise posture puisqu’il annonce déjà que les élections sont truquées par les démocrates, ce qui lui vaut une nouvelle rafale de commentaires furieux de ses « amis » républicains. Mme Clinton, pour sa part, se tait. Elle a compris que Trump, indécrottable, s’enferre un peu plus chaque fois qu’il ouvre la bouche.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Mossoul, mère de toutes les batailles

  1. A3ro dit :

    Il faut savourer l’hypocrisie de Poutine, quand même. Le type bombarde froidement des hopitaux à Alep et se permet de mettre en garde les Etats-Unis sur les victimes civiles de la bataille de Mossoul a venir.

    Le parallèle entre lui et Trump est saisissant. En permanence, ils cherchent à accuser leurs opposants de crimes ou actions qu’eux-mêmes commettent. Trump qui demande un test de dépistage de drogue alors qu’il y avait eu du buzz (infondé, à mon sens) comme quoi ses reniflements dans le premier débat étaient dus a de la cocaine. Qui accuse Clinton d’avoir un caractère instable, ou de maltraiter des femmes. Et Poutine qui dit « c’est pas grave d’envahir l’Ukraine, après tout c’est ce que les USA ont fait en Irak » ; ou qui appuie lourdement sur les erreurs militaires en Irak comme le bombardement de MSF, pour les mettre au même plan que son ciblage délibéré de civils et d’hôpitaux en Syrie. A croire que la réalité observable a pris des vacances.

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