Bayrou tire Juppé vers le bas

Un apparente sérénité (Photo AFP)

Un apparente sérénité
(Photo AFP)

Valérie Pécresse, qui soutenait François Fillon, a décidé de rallier Alain Juppé, volant ainsi vers une victoire espérée. Renforcé par le soutien de poids de la présidente de la région Île-de-France, M. Juppé n’en subit pas moins un léger effritement de son avance (dans les sondages) sur Nicolas Sarkozy.

COMME M. JUPPÉ, Mme Pécresse se semble pas avoir donné suffisamment d’importance à la querelle Juppé-Sarkozy au sujet des avantages que le maire de Bordeaux a accordés à M. Bayrou. Certes, le maire de Pau est centriste, mais d’un centrisme particulier, en ce sens qu’il a voté Hollande en 2012, et qu’il a souvent voté contre la majorité de droite pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy. L’ancien président affirmait ce matin sur France Info qu’il n’a pas de problème personnel avec François Bayrou. Il est toutefois de notoriété publique que les deux hommes se détestent. Le candidat à la primaire de la droite a voulu surtout exposer ses différences idéologiques avec le maire de Pau. « Son projet est aux antipodes des idées que je porte, a-t-il dit. Il veut une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu et veut l’augmenter. Il est contre l’interdiction du voile. Il veut le droit de vote pour les étrangers. Il ne veut pas la suppression du regroupement familial. » Et d’ajouter que M. Bayrou s’est prononcé sur la fermeture de la centrale de Fessenheim, ce que M. Sarkozy refuse.

LR otage du MoDem ?

En conséquence, M. Sarkozy imagine son parti, Les Républicains, otage du MoDem de M. Bayrou, d’autant que M. Juppé, dont la stratégie repose sur une large ouverture au centre, ce qui fut d’ailleurs l’idée de l’UMP, a fait au MoDem et à l’UDI des promesses sur les circonscriptions que les deux partis pourraient obtenir à l’occasion des législatives. En réponse à M. Sarkozy, M. Juppé rappelle sa propre stratégie, inscrite dans une démarche qui remonte à la refonte de la droite à laquelle il a contribué avant l’élection présidentielle de 2002, ce qui a conduit Jacques Chirac à choisir comme Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, qui vient du giscardisme. Il demeure que les objections de l’ancien président ne se limitent pas à des différences idéologiques entre les deux candidats les plus populaires de la droite. Elles portent sur l’action de la nouvelle majorité qui pourrait émerger des élections de 2017. Au fond, la question est la suivante : François Bayrou est-il vraiment centriste ? Est-il compatible avec les programmes des candidats de la droite, y compris celui d’Alain Juppé ?

Le risque d’une primaire agitée.

Certes, on ne voit pas comment, à 18 jours du premier tour de la primaire de la droite, M. Juppé pourrait signifier à M. Bayrou et au MoDem qu’ils ne sont plus dans la partie. Il n’empêche que, déjà, la querelle Juppé-Sarkozy inquiète les militants de droite, plus nombreux, ces derniers jours, à rallier M. Sarkozy, selon un récent sondage. En outre, se pose une question d’équité : le maire de Bordeaux ne peut pas écarter d’un revers de la main les objections de M. Sarkozy. Il faut qu’il les prenne en compte pour assurer la sérénité de la primaire. À première vue, il ne s’aliénerait pas l’UDI s’il prenait ses distances avec M. Bayrou, qui inspire autant d’aversion chez les centristes UDI que chez LR. Il a quand même cru bon d’appuyer sa stratégie sur un rapprochement sans failles avec M. Bayrou qu’il a aidé à reconquérir la mairie de Pau. On ne voit pas comment il va trahir cette amitié, mais il y va de ses propres chances à remporter la primaire et, au-delà, l’élection présidentielle. Un schisme au sein de LR serait suicidaire. Il priverait de toute autorité celui qui sera désigné par la droite. M. Bayrou a si bien compris le danger d’exclusion qu’il encourt qu’il s’est livré, ces derniers jours, à d’excessives attaques contre M. Sarkozy, ce qui ne peut qu’embarrasser M. Juppé, qui a horreur de la tension et souhaite une primaire apaisée. On peut craindre, toutefois, que le maire de Bordeaux tente de régler le problème en ignorant les doléances de M. Sarkozy. Peut-être croit-il qu’il dispose d’une avance suffisante pour ne pas faire de concessions.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Bayrou tire Juppé vers le bas

  1. F drouet dit :

    Sarkozy prend les électeurs pour des imbéciles et les certains électeurs tombent dans le panneau.Il çherche à leur faire peur avec Bayrou …mais enfin : vous voyez une assemblée UMP voter l’investiture à Bayrou ? Franchement ridicule, impossible. La seule réponse de Juppé est de dire que Bayrou ne sera jamais Premier ministre. Et c’est la réalité électorale.

  2. Pierre T dit :

    Le fait que Bayrou veuille se présenter à la presidentielle pour faire soi-disant barrage à Sarkozy, au cas où ce dernier serait désigné par la primaire de droite, résume la duplicité du personnage. Bayrou tout en soutenant en apparence Juppé espère bien plomber sa candidature et se retrouver contre Sarkozy à la présidentielle, rafler les voix de la droite modérée, du centre et des déçus du hollandisme et se placer ainsi en deuxième position derrière Le Pen. Le second tour ne serait alors qu’une formalité. La seule boussole de Bayrou, qui l’a guidé toute sa vie, c’est la croyance absolue en son destin : devenir president de la République. Cette année 2017 est sa dernière occasion,il ne va pas la laisser passer. Il est prêt plus que jamais pour cela à tous les reniements, toutes les outrances, toutes les trahisons, toutes les conversions. Comme disait son modele et compatriote, le béarnais Henri IV : « Paris vaut bien une messe ». Ce pourrait être sa devise.

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