La force d’Obama

Comment récupérer Trump 'Photo AFP)

Comment récupérer Trump
(Photo AFP)

Le rôle de Barack et Michelle Obama pendant la campagne électorale américaine, puis dans ce début de transition, n’a pas été suffisamment souligné et admiré.

LE COUPLE présidentiel, dont les relations avec le couple Clinton n’ont pas toujours été au beau fixe, a soutenu la candidate démocrate avec une loyauté et une ardeur exceptionnelles. Barack et Michelle ont fourni des efforts épuisants pour aider Hillary Clinton à vaincre Donald Trump et, quand elle a perdu, ils ont abandonné toute posture partisane dans le but exclusif de protéger la forte minorité de l’électorat qui, comme l’ont prouvé de nombreuses manifestations spontanées consécutives au résultat du scrutin, se sent assujettie à un joug alarmant.

Trump invité aujourd’hui la Maison Blanche.

Dans ce contexte, les amabilités du Barack Obama à l’égard de M. Trump auront peut-être déconcerté les électeurs de Mme Clinton que le président et la perdante se sont hâtés de rassurer. D’abord, Hillary Clinton, dont on imagine sans mal l’immense déception, a prononcé, après un long silence, un discours d’une dignité remarquable. Ensuite, M. Obama affirmait que la victoire de Trump n’était pas cette fin du monde dont sont convaincus les manifestants et pas mal de commentateurs. Enfin, le président a invité le président-élu à venir aujourd’hui à la Maison Blanche pour examiner les conditions de la passation « paisible et pacifique » des pouvoirs. Mélanie Trump a elle aussi été invitée et a eu un entretien avec Michelle Obama.
S’il avait voulu rester fidèle à ses propres idées, M. Trump aurait dû logiquement refuser cette première rencontre et l’ajourner jusqu’à la fin de l’année. Pourquoi ? Parce qu’il a remporté le scrutin en se présentant comme l’ennemi du système en place et contre l’Establishment. M. Obama, dont on disait qu’il n’aurait même pas la force physique de serrer la main du président-élu, se fait violence parce qu’il estime que, dans un contexte de clivage profond entre l’apparition d’une sorte d’extrême droite aux Etats-Unis et la gauche modérée qu’incarnent les démocrates, il lui appartient, et à lui seul, de faire en sorte que les fondamentaux institutionnels américains ne soient ni remis en cause, ni ébranlés. Jusqu’au 20 janvier, face à la déferlante populiste, Obama apparaît comme une protection unique contre le déluge.

Dans le giron de l’Establishment.

Il a adopté une tactique, sans doute secrètement réfléchie avant ou juste après le scrutin, qui lui interdit de sermonner un homme dont le mépris pour les garanties démocratiques est flagrant. Il a donc voulu lui montrer que le système, fidèle à lui-même, lui offrait une voie royale de retour vers la décence, la dignité et le calme. Ce faisant, il le récupère, en le plaçant dans une position d’où Trump ne pourrait sortir qu’en portant atteinte d’emblée à sa propre stature présidentielle. Ainsi le président-élu, choisi pour casser la gouvernance dont ses électeurs s’estiment victimes, se voit contraint de retourner dans le giron de l’Establishment. Bien entendu, M. Obama agit aussi dans son intérêt. Il tente d’empêcher Trump de détruire tout ce qu’a fait l’administration sortante.
M. Trump n’aura pas le moindre scrupule à trahir ses promesses électorales s’il pense que, en se laissant apprivoiser par les institutions qu’il vient de récuser, sa propre carrure y gagnera. Il peut aussi feindre de se plier aux rituels de Washington avant de lancer un programme « révolutionnaire », c’est-à-dire confus et incohérent. Il garde son mystère et son brouillard intérieur d’intentions. L’acte le plus anti-social qu’il pourrait commettre est le démantèlement de l’Obamacare, la nouvelle assurance-maladie. Mais au moins peut-on affirmer que le président sortant, dont l’intégrité et la scrupuleuse obéissance aux règles constitutionnelles ne font l’objet d’aucune contestation, aura fait tout ce qui est en son pouvoir, qui reste énorme jusqu’au 20 janvier 2017, pour ne pas compromettre la continuité de l’Etat, actuellement soumise à des pressions capables de la briser. Démocrates et républicains lui doivent déjà une fière chandelle, car Trump ne menace pas que les vaincus du scrutin, il n’a triomphé mardi qu’après avoir réussi une OPA sur le parti républicain. Sur la politique que cet homme va appliquer, je reste pour ma part très pessimiste. Je décèle un avènement du populisme aux Etats-Unis, qui suit de très près le Brexit et pourrait annoncer une victoire de Marine Le Pen en France.

RICHARD LISCIA

PS- Je m’aperçois que le blog ci-dessus est le millième que j’ai rédigé depuis sa première publication il y a quatre ans et quatre mois. J’ai également publié 1523 commentaires, preuve qu’existe une forte interaction ente vous et moi. Merci à tous ceux qui me lisent.

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8 réponses à La force d’Obama

  1. liberty8 dit :

    La différence entre Mme le Pen et M. Trump :

    -M. Trump est un homme « vierge » en politique qui ne commande ou dépend d’aucun parti. Sa victoire chez les Républicains s’est faite aux dépens du parti lui même. Certains ont même annoncé leur refus de voter pour lui.

    -Mme Le Pen est déjà bien engagée en politique, représente un vieux parti xénophobe et raciste, a déjà des histoires « familiales » dans son parti. Elle n’est pas si pure que ça. Elle critique l’Establishment mais elle en fait partie.
    Pour 2017, je ne pense pas qu’elle fera le poids face à un candidat de la droite qui aura un report des voix de gauche, surtout depuis le coup de tonnerre Trump. Le fait de savoir qu’un tel séisme politique est possible peut mobiliser les démocrates français contre un candidat populiste.
    Maintenant dire que Trump est dangereux est un euphémisme et, comme vous, je suis très pessimiste.

  2. Hank dit :

    Happy birthday, Mr Liscia ! Vous avez publié 1000 blogs, et je crois les avoir à peu près tous lus, avec un égal plaisir.

    Réponse
    Je vous remercie chaleureusement.
    R.L.

  3. stucky dit :

    Merci pour ces 1523 commentaires et ceux qui avaient précédé en « version papier », je découvre toujours un éclairage différents sur des sujets qui nous concernent tous

  4. Andre MAMOU dit :

    Félicitations Richard ! Mille blogs, ce sont des milliers d’heures de lectures, de réflexions et d’écriture. Toujours du talent depuis tes débuts à La Presse , des analyses modérées et pleines de bon sens et un style  » fluent » sans tics d’écriture ni citations de pédanterie .
    Mais la défaite de Hillary n’est pas la victoire de Marine Le Pen . Clinton était une mauvaise candidate démocrate . Elle était detestée par beaucoup trop d’électeurs de son propre camp . Obama l’a soutenue peut être un peu trop. Il a donné l’impression que si elle avait tant besoin de lui , c’est qu’elle n’avait pas les qualités nécessaires pour l’emporter seule.

  5. jlL dit :

    Félicitations M. Liscia,
    Vous lire est un plaisir, instructif et dans tous les cas passionnant.
    On attend le 1001ème et les autres…
    Merci

  6. Etienne ROBIN, néphrologue dit :

    M. Liscia, puisque ce blog est le millième que vous avez publié en quatre ans, je vous invite à en rédiger mille autres dans les quatre années à venir. Autrement dit, je vote pour vous conférer un second mandat, à l’instar de Barack Obama dont vous nous décrivez la belle envergure. Et pourquoi pas un troisième mandat de quatre ans ensuite? Il n’y a pas tant de chroniqueurs qui, de nos jours, allient discernement, concision, clarté et pensée autonome.

  7. LEROY dit :

    Oui Monsieur Liscia, merci infiniment pour toutes ces années ou vous nous éclairez si bien.
    Moi je vote pour Richard Président……
    Continuez, continuez; vous et nous aurons l’impression de rester jeunes.

  8. Galex dit :

    Merci Richard Liscia pour la qualité de votre travail, pour votre pensée indépendante, pour votre lucidité bienveillante ! Vos analyses sentent bon l’intelligence et l’humanité qui de nos jours font parfois défaut … mon profond Respect, Monsieur.

    Réponse
    Compte tenu de l’outrance de certains polémiques, votre message me va droit au coeur. Merci infiniment.
    R.L.

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