Macron candidat

Quelle campagne ! (Photo AFP)

Quelle campagne !
(Photo AFP)

A Bobigny ce matin, Emmanuel Macron a annoncé sa candidature à la présidence de la République. Dans un discours solennel, il a estimé que la France ne pouvait répondre aux défis de ce siècle « avec les mêmes hommes et les mêmes idées ».

LA CANDIDATURE de M. Macron ne surprend personne. Il n’a pas créé son propre parti, En marche !, sillonné le pays, multiplié les discours, demandé et obtenu des financements, sans avoir eu pour objectif la consécration suprême. Pour l’instant, on dispose de peu d’éléments sur le contenu de son programme, dont on sait seulement qu’il est un mélange de libéralisme économique et de souci du sort des jeunes et des déshérités. Dans son discours, il a mis l’accent sur le chômage, un non-sens selon lui, car la France possède assez d’atouts pour mettre fin à la crise sociale qu’elle vit depuis tant d’années.

Valls : « Rien ne me gêne ».

Les réactions sont presque toutes négatives, la gauche et la droite tentant de discréditer la candidature de M. Macron, qui, à 38 ans, serait trop jeune, trop libéral pour la gauche et tout simplement gênant pour les candidats de la droite, déjà nombreux : ils n’ont pas besoin d’un nouveau concurrent qui marche allègrement sur leurs plates-bandes, au risque de les affaiblir. Un élu socialiste a cru bon de dire que M. Macron n’embarrasse pas la gauche car il défend le libéralisme. Manuel Valls, à qui on demandait s’il était gêné par l’initiative de son ancien ministre a répondu sèchement : « Rien ne me gêne ». C’est vite dit. Un candidat de plus, c’est quelqu’un qui prend des voix aux autres. Et, comme nous l’avons écrit, MM. Valls et Macron se bousculent dans le même tourniquet, celui de la réforme.
L’analyse qui vient immédiatement à l’esprit repose sur l’idée suivante : le nouveau candidat, ne l’oublions pas, ne participera pas à la primaire. Il se trouvera au premier tour de la présidentielle au même titre que Jean-Luc Mélenchon, siphonnant ainsi de nombreuses voix de gauche. Il a donc poursuivi et achevé sa trahison, pour ne pas dire qu’il a achevé politiquement François Hollande. Le président de la République, pour autant que les enquêtes d’opinion soient encore crédibles, risque de subir une humiliation sans précédent dans les annales de la Ve République s’il maintient sa candidature et se retrouve troisième au premier tour en 2017. Comme nous l’indiquions hier, Manuel Valls, toujours selon les sondages, ferait un meilleur score contre M. Macron et M. Mélenchon si le président abdiquait et remettait le sceau et le sceptre au Premier ministre.

Juppé en danger.

Peut-être plus important, l’ancien ministre de l’Economie va bousculer une droite déjà chamboulée par la vive progression de François Fillon, laquelle, comme nous l’expliquions hier, affaiblit Alain Juppé au profit de Nicolas Sarkozy. A quatre jours du premier tout de la primaire de la droite, il faut s’attendre à des surprises. M. Juppé perd du terrain au moment crucial de son parcours. Il risque d’être devancé par M. Sarkozy ou, plus improbable, par M. Fillon, ou pire, par les deux. Or il suffit au maire de Bordeaux d’arriver en tête au premier tour pour être assuré de l’investiture des Républicains. S’il manque cette marche, il risque d’être battu au second tour. Les centristes n’auront plus d’autre choix que de voter Macron.
M. Sarkozy peut donc estimer que ses chances s’améliorent. Un dernier coup de Jarnac a été tenté contre lui, sous la forme d’une video où le peu recommandable Ziad Takkiedine affirme qu’il a livré trois valises contenant cinq millions d’euros à Nicolas Sarkozy et Claude Guéant en 2006 et 2007. Il s’agirait d’argent libyen destiné à la campagne de M. Sarkozy. La prudence suggère de ne négliger aucune information, mais force est de constater que les gens qui font métier d’accuser M. Sarkozy en permanence sont guidés par des considérations personnelles, le « scoop » ou le règlement de comptes, et restent incapables d’apporter la moindre preuve à leurs assertions. Il me semble que cette apparente manipulation, qui ressemble comme deux gouttes d’eau à l’ingérence du FBI dans la campagne de Hillary Clinton, n’aura pas les mêmes effets ici qu’aux Etats-Unis. L’ancien président bénéficie, au sein de son parti, d’un soutien ardent. Pour le moment, les attaques multiples dont il fait l’objet le transforment en victime et ses partisans sont galvanisés comme jamais.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Macron candidat

  1. Num dit :

    « Or il suffit au maire de Bordeaux d’arriver en tête au premier tour pour être assuré de l’investiture des Républicains. »
    Vous allez un peu vite en besogne et oubliez que si Fillon est deuxième au premier tour et élimine Sarkozy, il a de fortes chances de battre Juppé au second tour.

    Réponse.
    Non. Il faudrait, pour cela, que les centristes votent pour M. Fillon, ce qu’ils ne feront pas.
    R.L.

    • Num dit :

      François Fillon sortirait vainqueur en cas de duel avec Alain Juppé (54% contre 46%)
      Enquête OpinionWay pour Atlantico, réalisée en ligne du 13 au 15 novembre auprès de 828 personnes se disant certaines de participer à la primaire, issues d’un échantillon de 10 760 personnes de 18 ans et plus (méthode des quotas).

      Rendez vous lundi.

      Réponse.
      Effectivement, ce sondage montre que Fillon a toutes ses chances au second tour, contrairement à ce que j’affirmais hier. Il n’est pas impossible que sa poussée soit forte. Ce qui veut dire qu’on ne peut rien affirmer aujourd’hui.

  2. Beson dit :

    Toujours aussi intelligentes les chroniques de M. Liscia.
    Merci

  3. VUILLEMET dit :

    Félicitations pour la pertinence de votre analyse.
    L’homme, en tout cas, tourne avec facilité la barre, de bâbord à tribord ou réciproquement, le cap restant, du coup, assez flou, vu de l’extérieur -car celui d’arriver à un but personnel, évident celui-ci- apparaît, en revanche, d’une clarté limpide-.
    « un mélange de libéralisme économique et de souci du sort des jeunes et des déshérités ».
    Messie ou bien chimère (au sens étymologique du terme, bien sûr) ?
    Avec une tête d’économiste et un corps de philanthrope ou bien le contraire ?

  4. désirdechangement dit :

    M. Macron n’a pas le niveau pour pouvoir bien gouverner la France dans les années à venir. Si l’on suit ces gens qui ont une très haute idée d’eux-mêmes (alors qu’en fait la trace qu’ils laissent dans la mémoire collective est insignifiante) il n’y a pas de problème dans les hôpitaux, dans les campagnes, dans la police, dans l’enseignement (y compris supérieur), dans la jeunesse. Tous les enjeux majeurs qui nous occuperont demain, qui mobilisent pourtant déjà la réflexion, l’énergie, l’intelligence de très nombreux Français sont tout simplement passés sous silence, oubliés, escamotés. C’est la raison pour laquelle ces « responsables » amusent les électeurs depuis déjà assez longtemps. Non seulement les problèmes ne sont jamais pensés mais en plus de cela les préconisations avancées ne peuvent que faire empirer la situation. Un exemple : l’idée absurde consistant à ne plus faire peser les prélèvements sociaux sur les revenus du travail mais sur la fiscalité (directe ou indirecte). Le démantèlement de la Sécurité sociale (à laquelle pourtant même la droite s’est ralliée), envisagé à terme inévitablement est d’une stupidité sans nom. Ces « responsables » politiques dont la légitimité ne repose même pas sur le suffrage universel sont d’un niveau tellement affligeant qu’ils portent atteinte à la dignité du peuple français. C’est une source de désespoir. Nous devons renouer avec la politique en nous appuyant sur des leaders dignes de ce nom,à la hauteur des enjeux,des évènements,des défis.Yannick Jadot,Benoït Hamon,Jean-Luc Mélenchon ont le niveau pour faire face à une situation difficile pour la France :de nombreux problèmes trouvent des solutions,les vrais enjeux sont dits et pensés. Des millions et des millions de Français aspirent au vrai changement.Nous pouvons changer le cours des choses.

    Réponse`
    Le seul moyen sérieux de relancer l’emploi, le seul qu’on n’ait jamais utilisé, c’est le transfert des charges sociales vers une autre forme de fiscalité, par exemple la TVA. Donc dire que c’est une stupidité sans nom, sans apporter le moindre argument, ne peut convaincre personne. Oui nous aspirons au changement, mais un changement qui crée des emplois au lieu d’y renoncer complètement en payant les gens à ne rien faire.
    R.L.

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