Les couteaux sont tirés

Guerre sans merci (Photo AFP)

Guerre sans merci
(Photo AFP)

François Fillon ayant largement gagné le premier tour de la primaire, il est devenu l’homme à abattre, à la fois pour son challenger Alain Juppé et pour la gauche, qui le décrit comme un insupportable réactionnaire.

LE MAIRE de Bordeaux a compris la leçon : vaincu par sa tiédeur, il sort ses griffes, et probablement à son corps défendant. Sa situation est si compromise qu’il ne peut espérer un redressement qu’en se livrant à ce combat de coqs que la foule réclame avec avidité. Cette semaine est donc la phase la plus laide de la primaire, avec des attaques contre François Fillon qui ne sont pas toutes justifiées. Car Alain Juppé et ses amis ne se contentent plus de reprocher à l’adversaire un projet trop libéral pour être réalisable, ils l’attaquent sur ses engagements en faveur du retour de l’ordre moral, d’une Europe moins intégrée, d’un rapprochement entre la France et la Russie. M. Fillon s’indigne aujourd’hui d’une « clarification » qu’Alain Juppé lui a demandée au sujet de sa position sur l’avortement. « Jamais je n’aurais pu penser que mon ami Alain Juppé aurait pu tomber aussi bas », a déclaré le député de Paris, qui rappelle que pas une fois il n’a pris position contre l’IVG.

Fruits amers.

M. Fillon doit comprendre néanmoins qu’il est obligé de goûter les fruits amers d’une fulgurante victoire. Dans la panique, la camp Juppé envoie une volée d’obus quelquefois mal ciblés et la gauche, qui attend avec impatience que le pays cesse de se concentre sur la droite uniquement, tente de faire de M. Fillon une sorte de Sarkozy-bis, ce qu’il n’est pas, pas plus qu’il n’a l’intention ou le désir d’appliquer des idées du Front national. Il est logique que les rapports entre vainqueurs et vaincus du premier tour de la primaire se tendent, à la veille d’un débat important et quatre jours avant un second tour qui pourrait bien désigner le futur président de la République. Lors du débat, Alain Juppé va-t-il révéler une nature plus agressive, plus déterminée, plus cynique, comme semblent le souhaiter des électeurs qui voient les élections comme un sport de combat ?

Deux hommes pourtant proches.

Le plus étrange, c’est que rien de profond ne différencie les deux hommes. Ils ont été, tous les deux, chacun à son heure, des réformateurs. L’un, en 1995, a redressé l’assurance-maladie, l’autre, plus tard, a accommpli une réforme des retraites. Ce qui les distingue, mais si peu, c’est l’attachement de M. Juppé à Jacques Chirac, et celui de M. Fillon à Philippe Seguin, son mentor pendant sa jeunesse. Il faut quand même évaluer l’influence des racines sur le comportement sans y voir l’explication de chaque mot, chaque décision, chaque mesure. L’un et l’autre savent que les gouvernements français qui se succèdent depuis une vingtaine d’années n’ont pas su procéder au grand changement qui aurait rajeuni l’industrie française, augmenté la production, ouvert de nouveaux marchés, accru la compétitivité des entreprises et créé suffisamment d’emplois. Il nous faut un président conscient des enjeux, qui sache que la grande réforme est notre dernière chance, et qui, à terme, réinstalle la France dans son rang. François Fillon et Alain Juppé sont également capables de conduire ce programme. Si M. Fillon l’emporte dimanche, c’est que, pour remplacer Nicolas Sarkozy, la droite non-frontiste, réclame un homme plus à droite qu’Alain Juppé. Au fond, le flot historique qui nous entraîne aujourd’hui, est celui d’une revanche de la droite pure et dure sur la gauche, laquelle, par ses erreurs de gouvernance, a préparé elle-même ce retour. Jamais le mot de rassemblement, qui est un peu le slogan de M. Juppé, n’aura aussi peu enthousiasmé des électeurs, qui sont plus des deux tiers aujourd’hui à rejeter la gauche, et n’entendent faire aucune concession.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Les couteaux sont tirés

  1. Num dit :

    Voilà une analyse sérieuse et objective à propos de cette primaire. Merci !

  2. Andre MAMOU dit :

    Alain Juppé accuse François Fillon d’être contre l’avortement. Qui peut être pour ? L’avortement ne saurait être un moyen de contraception et seules les femmes ont le droit de choisir cette extrémité. On peut être contre du point de vue religieux ou éthique et respecter la décision prise .
    Alain Juppé s’abaisse en soulevant ce ( faux) problème.

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