Paix russe et guerre froide

Un rôle plus large que ses épaules (Photo AFP)

Un rôle plus large que ses épaules
(Photo AFP)

Bien que le cessez-le-feu en Syrie résulte de l’application de la force écrasante de la Russie, il faut se réjouir de sa mise en place. Même s’il n’est pas encore tout à fait respecté, il réduira le nombre de morts (400 000 depuis le début de la guerre civile) et d’exilés.

QUE l’Amérique et l’Europe soient absentes du théâtre proche-oriental est certes regrettable, mais ce n’est pas la fin du monde. L’Occident a besoin de réinventer sa diplomatie après la victoire de Donald Trump et la crise migratoire de notre continent. Que l’accord de cessez-le-feu soit passé entre la Russie et la Turquie, deux pays, qui, il y a un an encore, s’exécraient, donne une bonne idée du renversement des alliances : la paix russe en Syrie ne signifie pas, ou pas encore en tout cas, que Bachar Al-Assad se maintiendra au pouvoir ni que le dernier mot géopolitique a été dit. Pour le moment, un peu de silence et de calme tombe sur le champ de ruines qu’est devenu la Syrie. Les nouveaux amis pourraient bien se quereller de nouveau, la révolte syrienne n’est pas éteinte, l’État islamique continue de sévir, mais, cette fois, les Russes vont contribuer à sa destruction.

Poutine garde son calme.

Les troupes irakiennes et kurdes sont à Mossoul où se poursuit une longue bataille et elles se trouvent à 25 kilomètres de Raqqa, dernier bastion de Daech. Contrairement à ce que l’on croit, les Russes ne sont pas seuls sur le terrain et ne sont pas complètement maîtres du jeu. Mais la violence des combats est recouverte par celle des prises de position en Occident. Barack Obama ayant décidé de faire payer aux Russes leur ingérence dans le processus électoral américain (on se demande comment trois États, la Pennsylvanie, le Michigan et le Wisconsin, sont tombées dans l’escarcelle de Trump et ont ainsi assuré sa victoire, malgré une avance de 2,8 millions de voix populaires pour Hillary Clinton), Moscou renonce, au moins pour le moment à des représailles : 35 diplomates russes expulsés des États-Unis, pas de diplomates américains expulsés de Russie. C’est de bonne guerre froide mais, quoi qu’en pense cette droite française, extrême ou non, amoureuse de Poutine, il y a toujours un moment où un pays doit faire valoir sa souveraineté et combattre des comportements de voyou.

Ce que veut Obama.

Il faut aussi comprendre ce que veut Obama : il s’adresse à l’opinion américaine, indignée contre Moscou, et met en garde Donald Trump contre la gratitude que Poutine pourrait lui inspirer. Quant à la résurgence d’une Russie qui prendrait la première place à l’Amérique, c’est un rêve, ou plutôt un cauchemar, qui n’a aucune chance de devenir réalité. Je crains, quant à moi, que la politique de M. Trump n’affaiblisse les États-Unis. Mais il faudrait plus que la durée de son mandat pour qu’il défasse durablement tout ce qui fait la force unique de son pays: des institutions d’une stabilité remarquable, une production sans égale dans le monde, une puissance militaire largement supérieure à celles de la Chine et de la Russie réunies. Ce que ne voient pas les admirateurs impénitents de Poutine, c’est qu’il joue, certes avec une grande habileté, un jeu plus large et plus complexe que ses propres capacités économiques et militaires, que ses aventures à l’étranger mineront encore plus vite son pays qu’elles n’ont affaibli les États-Unis, et que, dans la durée, sa stratégie finira par s’essouffler.
Tous ceux qui, (encore Florian Philippot ce matin), accablent Barack Obama de leur mépris, sont les mêmes qui reprochaient autrefois à George W. Bush son interventionnisme intempestif. Dans son désir de changer la politique extérieure de son prédécesseur, M. Obama a certainement perdu de vue les responsabilités de grande puissance qu’a l’Amérique et qu’elle ne peut écarter au nom d’une vision pacifiste de son rôle. C’est pourtant la France qui se dressait en 2003 contre l’invasion de l’Irak qui a exigé avec la même hargne l’assaut américain contre Bachar. Certes, les circonstances étaient différentes. Mais que l’on en vienne à louer un potentat russe inquiétant et cynique et à souhaiter, comme M. Philippot (« Il est temps qu’Obama s’en aille ! »), qu’un histrion arrive plus vite au pouvoir à Washington, n’est-ce pas une aberration ?

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Paix russe et guerre froide

  1. Andre MAMOU dit :

    Appeler Donald TRUMP un histrion, c’est quand même exagéré ! Les américains l’ont choisi malgré ses défauts pour NE PAS être dirigés par HILLARY Clinton qui ne leur inspirait pas confiance.
    Obama termine son mandat sur un échec total . En Syrie , c’est la Russie qui a réussi à maintenir Bachar El Assad au pouvoir et à obtenir le cessez le feu et en Israël, Kerry et Obama se sont disqualifiés .
    TRUMP , on le jugera au fur et à mesure.

  2. admin dit :

    Réponse à M. Mamou
    1) Histrion est le terme qui convient à Trump : il n’a pas cessé de mentir, il est malhonnête, et il se moque de ses électeurs en s’entourant de personnalités qui feront le contraire de ce qu’il a promis.
    2) Les Américains n’ont pas voté contre Hillary : elle a obtenu 2,8 millions de voix de plus que Trump et on se demande de quelle manière les hackers russes sont intervenus dans le processus électoral.Une majorité populaire faisait donc confiance à Mme Clinton.
    3) On regrettera Obama. Il n’est pas juste de dire que Kerry et Obama se sont disqualifiés en Israël : un accord militaire de dix ans en augmentation de huit milliards de dollars. Tout ce que disent les dirigeants américains qui s’en vont, c’est que, s’il n’y a pas de solution à deux Etats, il y aura de terribles conséquences.
    4) Maintenir Bachar au pouvoir, c’est ça l’exploit des Russes ? Allons, allons… J’ajoute que mon commentaire est plus nuancé, sur le cessez-le-feu et même sur Obama, que votre éloge de Trump et, à moins que je n’aie pas compris, de Poutine.

    R. L.

  3. JMB dit :

    Le principe de la démocratie est: un(e) citoyen(e) = une voix. Dans le système étatsunien des grands électeurs, les voix ne sont pas égales, certaines pèsent plus que d’autres.
    Ce système est inclus dans une constitution datant de 1787, qui était un progrès par rapport à notre Ancien régime, mais mérite maintenant un dépoussiérage. Il accordait un poids plus important que leur population aux états du sud esclavagistes.
    Cinq présidents ont été élus sans être adoubés par le suffrage universel: trois au XIXè s., aucun au XXè s., mais déjà deux en ce début de XXIè s. Les premiers sont élus en ayant obtenu 0,4 à 1,5 % de voix de moins que leurs concurrents. Avec Trump, le différentiel monte à plus de 2 %: des 45 présidents des États Unis, il est le plus récusé par le suffrage universel.

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