Le pesant héritage de Hollande

Responsable, sinon coupable (Photo AFP)

Responsable, sinon coupable
(Photo AFP)

Le premier débat de la gauche n’a pas été particulièrement enthousiasmant, mais il ne faut pas attribuer son manque d’intérêt aux personnalités présentes. La gauche a inventé la primaire en France. L’exercice, cette année lui échappe.

LA RAISON principale de l’ennui du public est la suivante : la gauche souffre de la décision trop tardive de François Hollande de ne pas se présenter pour un nouveau mandat présidentiel, ce qui a contraint les autres candidats à conduire une campagne accélérée qu’il n’ont pas tellement bien préparée. Certes, Benoît Hamon et Arnaud Montebourg avaient déjà pris la décision de tenter leur chance et ont donc eu plus de temps pour rédiger leur programme. Mais la primaire elle-même n’a pu démarrer qu’après le 1er décembre, date de la déclaration (historique) du président de la République. Vincent Peillon a d’ailleurs expliqué que, s’il se présente, c’est parce qu’il veut porter quelques-unes des idées du hollandisme, soudain rendues orphelines par le forfait du chef de l’État.

La primaire aggrave les divisions à gauche.

Mais le malaise profond, dans cette primaire, vient surtout des profondes divisions au sein du parti socialiste qui, loin d’être comblées par la primaire, sont aggravées par elles. Les anciens « frondeurs » se retrouvent dans les candidatures de MM. Montebourg et Hamon ; Manuel Valls les combat tous les deux au sein de la compétition après avoir résisté à la « fronde » quand il gouvernait; Emmanuel Macron et Jean-Luc Mélenchon, qui appartiennent à deux camps résolument hostiles l’un à l’autre, ont décidé d’aller directement à la campagne présidentielle sans passer par la primaire. Cela fait beaucoup de conflits de tendances pour une seule élection. Du coup, le public ne s’y retrouve pas parce que les nuances programmatiques affichées par les candidats ne suffisent pas à les départager, n’empêchent pas les querelles d’ego, même si, hier soir, les candidats se sont prudemment ménagés, et amènent l’électorat à souhaiter une nécessaire clarification des idées sous la forme d’un regroupement des candidats.

Un bruit sourd.

Les électeurs ne seront pas exaucés parce que le principe de la primaire repose sur la possibilité, pour tout personnage politique, de se porter candidat, pourvu qu’il ait obtenu ses parrainages. La modération des propos tenus hier recouvre un bruit sourd que l’on n’entendait pas sur le plateau de TF1 mais qui écorche les oreilles quand on sait à quoi il correspond : le conflit interne qui a empoisonné les deux Hollande, celui des promesses électorales et celui qui s’est rallié au pragmatisme économique, se poursuit. Le président n’a pas su imposer son point de vue, n’a pas vraiment permis à Manuel Valls d’exercer toute l’autorité d’un chef de gouvernement et n’a pas donné au pays une direction claire, laissant ainsi à la droite dure un vaste espace pour s’affirmer lors de la primaire de la droite et du centre.
Non seulement la bataille idéologique se poursuit en dehors de la primaire, mais les Français eux-mêmes, qui semblaient préférer l’alternance, se laissent de nouveau séduire par les sirènes du socialisme angélique, ce qui donne à M. Mélenchon une force considérable, capable en tout cas de modifier tous les pronostics relatifs au second tour de la présidentielle. On peut dire que, en 2012, la France a fait un choix fondé sur les propositions intenables de François Hollande et que, en 2014, le président de la République n’a pas su adopter l’option stratégique rigoureuse, et même implacable, qui devenait indispensable au redressement du pays. Certes CICE et pacte de croissance ont produit des effets positifs, mais hélas très incomplets. Ils ont surtout déclenché une guerre civile au sein du PS qui, aujourd’hui, ne s’en remet pas et semble bien avoir perdu une faculté, celle de gouverner.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Le pesant héritage de Hollande

  1. DANTEC dit :

    OK avec votre dernière phrase  » le PS a perdu la faculté de gouverner »

    YM DANTEC

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