Gauche : l’hiver meurtrier

Valls : mission impossible ?
(Photo AFP)

Un bon socialiste, aujourd’hui, est nécessairement un socialiste désespéré. La confrontation, demain, entre Manuel Valls et Benoît Hamon, s’annonce violente. La réconciliation des deux finalistes au lendemain du second tour de la primaire semble hors de question.

EN FAISANT état, naguère, des « deux gauches irréconciliables », Manuel Valls ne pouvait mieux dire. Mais il ne savait pas qu’il se trouverait en position de challenger après le premier tour ; il ne savait pas qu’il devrait tenir l’engagement de tous les candidats de rejoindre et soutenir le vainqueur ; ce matin, il n’a pas voulu répondre à la question sur ce sujet : c’est assez dire l’incapacité de la gauche à se rassembler. La primaire est la meilleure et la pire des choses. Elle ajoute certes un élément démocratique de plus au choix du candidat à l’élection présidentielle, elle soumet ce choix à un vote populaire, elle traduit l’effacement des ambitions devant la volonté du peuple. Mais elle peut conduire, dans un parti divisé comme jamais à propos de thèmes idéologiques très forts, à d’insupportables contraintes. M. Valls, tout simplement, ne peut pas soutenir M. Hamon.

Sur la sincérité des résultats.

Et cette analyse est valable pour son rival : M. Hamon, s’il perdait le second tour, renoncerait-il au revenu universel, à la dépénalisation du cannabis et à la laïcité très accommodante qu’il préconise ? Pour couronner cette énorme discorde, l’organisation du premier tour, avec ses chiffres de participation arrangés, laisse planer un doute sur l’honnêteté du scrutin. Les candidats ont décidé de ne pas en faire une montagne. L’opinion, elle, se forgera une conviction sur les méthodes d’un parti donneur de leçons qui aura été incapable, malgré la présence d’une Haute autorité de la primaire de la gauche, de faire régner l’ordre et la sincérité des résultats.
La vérité est que la primaire est ratée et que le ratage porte un coup sérieux au principe même de cette procédure au moment précis où il commençait à entrer dans les moeurs politiques de la Vè République. Ce n’est pas la violence des débats qui est mise en cause : il est normal, pour deux hommes qui appartiennent à deux planètes différentes, de se heurter violemment au sujet de leurs plates-formes. Le problème vient plutôt de ce désir jamais satisfait des organisateurs de la compétition de vouloir faire régner une unité inexistante. Ce qui manque cruellement au PS, c’est une vaste explication entre les courants qui le composent et à laquelle ses congrès successifs n’ont jamais donné lieu. On y est expert pour noyer le poisson, effacer de rugueuses différences et afficher une harmonie factice. On comprend dès lors qu’Emmanuel Macron, confronté à des conflits si stridents, si dangereux, si stériles, ait préféré faire cavalier seul, même si la brutalité de Manuel Valls à son égard est pour quelque chose dans sa démission du ministère de l’Économie.

La défaite dans la tête.

En même temps, on aperçoit un fossé insondable entre la virulence des propos et la nature de l’enjeu. Je ne crois pas que M. Hamon, avec ses idées originales, ait jamais eu l’intention de devenir président; je ne crois pas non plus que M. Valls nourrisse d’autre espoir que de s’emparer du PS pour le réformer une bonne fois pour toutes et le libérer enfin de ses idiosyncrasies. Avant même la fin de la primaire, les socialistes ont accepté leur défaite à la présidentielle. Ils sont déjà dans l’alternance. Même s’ils parvenaient à se qualifier, ils ne constitueraient pas une force capable de battre le Front national. Notre société a un besoin urgent de la réforme, mais en même temps elle risque de basculer dans l’extrême droite, ce qui signifierait non plus seulement la fin du parti socialiste mais l’effacement, pour une durée inconnue, de notre démocratie. À une autre époque, nous aurions pu nous montrer indulgents pour ce va-et-vient incessant des socialistes entre le rêve et la réalité. Aujourd’hui, compte tenu de la tension extrême qui règne dans le pays, ce laxisme, cette démission devant les responsabilités, ce refus de gouverner sont inacceptables. J’ajoute que, dans ce contexte, Manuel Valls mène une bataille qui l’honore.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Gauche : l’hiver meurtrier

  1. Elie Arié dit :

    « M. Valls, tout simplement, ne peut pas soutenir M. Hamon. »

    Sauf si M. Hamon change d’idées, ce qui lui est arrivé plus d’une fois.

  2. mXmF dit :

    Notre société risque de basculer dans l’extrême droite ? Ça paraît impossible. Tout au plus le Front National, qui n’a rien d’un parti d’extrême droite, serait-il un peu moins mal représenté à l’assemblée nationale, ce qui éviterait de maintenir une grande partie du corps électoral hors de la représentation nationale… Et permettrait de se faire une idée réelle de sa position politique actuelle.

  3. Agnès Gouinguenet dit :

    Beaucoup de Français ont compris désormais que les primaires sont une mascarade organisée pour renflouer les caisses d’un parti politique de façon non illégale mais en toute amoralité. Tout est truqué, à droite comme à gauche. On perçoit mieux le pourquoi de l’attirance de beaucoup de jeunes (et moins jeunes) pour Emmanuel Macron. D’autant que le côté matador de Manuel Valls ne plaît pas à tout le monde, loin de là. Quant à monsieur Fillon, il semble avoir de sérieux problèmes avec son épouse. Ah l’honnêteté de « Tante Yvonne » vis à vis de l’argent de la France !

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