Fillon en bout de course

Sauver son camp, sinon lui-même
(Photo AFP)

Au point où en sont les diverses révélations faites par le « Canard enchaîné » sur les salaires versés à Pénélope Fillon et à ses enfants pour leur activité, fausse ou réelle, d’assistants parlementaires, il est pratiquement impossible de trouver une analyse rationnelle permettant d’imaginer que François Fillon puisse rester le candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle.

CE CONSTAT provient d’informations convergeant dans la même direction, des interventions du parquet financier, avec de longs interrogatoires de l’ancien Premier ministre et de son épouse, du montant des sommes perçues, qui sont considérables bien qu’étalées sur une longue durée, de la démoralisation visible du camp du candidat, de l’écheveau inextricable du processus électoral, de la cote du popularité de M. Fillon, en baisse très sensible, et des commentaires de la presse qui ne laissent guère de crédibilité à l’hypothèse de son maintien dans la course. François Fillon dénonce l’attaque « sans précédent » lancée contre lui et qu’il attribue à une officine vouée à le détruire. Il n’a sans doute pas tort, même s’il ne peut rien prouver. Il faudrait être sourd et aveugle pour ne pas comprendre que, sur la matérialité des faits, « le Canard » est sûr de lui, et que si la justice concluait que les emplois ainsi rémunérés étaient bien réels, ce serait un miracle.

La vraie question.

Encore une fois, il faut bien distinguer le rôle joué par l’hebdomadaire, qui n’a fait que son travail (et sans lequel la vérité n’aurait jamais été connue) et les personnages invisibles spécialisés dans la délation dont M. Fillon continue à dire qu’ils l’ont calomnié. Aujourd’hui, le degré de culpabilité du candidat n’est plus l’essentiel. La question porte sur sa capacité à gagner l’élection alors qu’il y a à peine quelques jours il en était le favori. Sa chute, éventuelle ou probable, poserait une équation qui concerne tous les démocrates. Parce que 2017 est une année de changement historique, parce que l’électorat est déjà éparpillé entre des tendances idéologiques puissamment centrifuges, parce que de ce bouillon de culture peut émerger un candidat ou une candidate qui, loin de représenter une majorité cohérente, aura vaincu par défaut. Rien, en l’état des choses, n’est impossible. C’est en effet le Front national qui tire le plus grand profit du scandale. Non seulement Marine Le Pen est assurée de se retrouver au second tour, mais l’affaiblissement ou la disparition de M. Fillon risque de lui apporter la présidence de la République sur un plateau d’argent.

Sinistre hypothèse.

En effet, s’il n’y a pas un candidat capable de rassembler la quasi-totalité des électeurs de la droite et du centre, les suffrages vont se disperser au premier tour entre trois ou quatre candidats à 15 %, un peu plus ou un peu moins. Celui qui se qualifierait pour le second tour n’aurait sur les autres qu’une avance négligeable alors que Mme Le Pen, elle, afficherait un score deux fois supérieur. Dans la pléthore des ex-aequo, un autre candidat populiste, par exemple Jean-Luc Mélenchon, pourrait être le numéro deux, de sorte que l’électorat majoritaire, celui qui ne veut pas d’un tel choix, s’abstiendrait, assurant la victoire de la plus forte. Cette sinistre hypothèse ne me semble pas du tout absurde.
Il faut donc crever l’abcès. La droite et le centre doivent exiger de François Fillon qu’il prenne très rapidement ses responsabilités, ce qui signifie en clair qu’il doit se démettre. Le temps est trop court pour organiser une deuxième primaire. Un homme (ou une femme) doit être choisi par les bureaux politiques de LR, de l’UDI et du MoDem. On voit François Bayrou tâter le terrain et annoncer une décision à la mi-février ; on évoque quelques figures de la droite qui ont expérience et compétence. Mais, attention ! C’est une rude partie qui s’annonce et le choix doit se porter sur l’homme politique que le peuple connaît le mieux, qui lui inspire le plus de confiance et qui, surtout, présenterait un programme novateur, cohérent et capable de rendre ses capacités économiques au pays. François Fillon semble vouloir tenir bon, gagner du temps, obtenir de la justice une décision rapide. Mais chaque jour perdu accroît un peu plus les incertitudes de cette élection à nulle autre pareille. Le bon sens commande de ne pas faire de sentiment.

RICHARD LISCIA

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15 réponses à Fillon en bout de course

  1. liberty8 dit :

    Mais dans quelle société sommes nous arrivés ?
    Comment une minorité infime va décider d’une élection présidentielle ? Certes les journalistes ont fait leur travail, mais pourquoi pour une personne et pas pour tous ceux qui ont fait la même chose avec leurs allocations, pourquoi pas sur Macron et sur ses frais de bouche, pourquoi pas sur les scandales du FN ?
    Oui, ils font leur travail. Mais bien ciblé. A qui profite le crime ?
    Comme dirait Chirac,  » calomniez, calomniez, il restera toujours quelque chose ! »
    Oui, on me vole mon élection, oui, on la vole à des millions de Français !
    Je veux choisir un programme et je me fous de savoir si le couple Fillon a profité légalement d’une situation en cours depuis des années. Ce qui compte c’est l’avenir de mon pays, c’est faire mon choix et pas qu’on m’impose des candidats parce que d’autres ne sont pas politiquement correct pour certaines élites intellectuelles de notre pays !
    On veut quoi ? Un front national, des extrêmes ?
    Je ne pense pas que Fillon cèdera sa place, même si une action est ouverte. Cette affaire arrive trois mois avant l’élection, dans un mois il y aura eu des meetings, des échanges de programme, de l’eau aura coulé sous les ponts et le microcosme journalistique aura peut être trouvé un autre pigeon à scandale pour faire vendre sa presse !
    Mais que les Français se réveillent, qu’ils arrêtent de se faire manipuler, qu’ils regardent comment la presse américaine a mis (contre sa volonté première) un Trump au pouvoir !
    Pardon pour le ton agressif, mais franchement ce matin, comme on dit,  » j’ai les boules  » !

    • Num dit :

      D’accord avec vous

    • jlL dit :

      Tout à fait d’accord, enfin…!

    • Entrepreneur et créateur d'emplois dit :

      Sauf erreur de ma part :
      1) Le « Canard » n’a jamais osé toucher certaines institutions européennes où les salaires sont « encore plus élevés » que ceux de Pénélope.
      2) Aucune loi française n’interdit l’embauche d’un membre de sa famille.
      3) Aucune loi française n’impose un plafond des salaires d’assistant parlementaire.
      4) Aucune loi française ne définit clairement le travail d’assistante parlementaire (bureau, pointage, déplacements, heures hebdomadaires, indemnités, etc).

      Je ne suis pas militant pour Fillon. Mais en tant que entrepreneur et créateur d’emplois, je me pose la question de rester en France si dans ce pays, quelques journalistes peuvent se permettre de « descendre » aussi facilement un candidat, même si ce dernier n’aurait commis aucun acte contraire à la loi.

  2. Elie Arié dit :

    Ce ne sont pas les tribunaux qui décideront du maintien de la candidature de Fillon, mais d’autres juges, auxquels aucun politique ne résiste : les instituts de sondages. S’ils continuent à donner longtemps Fillon éliminé au premier tour (comme aujourd’hui), il sera remplacé, même si la justice le proclame innocent.

  3. mXmF dit :

    Il ne pourra pas se maintenir ou s’il se maintient il perdra.
    Mais s’il était malhonnête, on peut préférer un malhonnête de droite à un malhonnête de gauche ou du centre, c’est-à-dire Macron, la presse se gardant bien de déclencher le Macrongate que les pratiques de cet individu, et dans l’exercice de ses fonctions de ministre en plus, justifierait au moins autant que celles de Fillon.
    Alors une solution pour la droite et le centre : Valérie Pécresse !

    • Agnès Gouinguenet dit :

      Monsieur Macron ne s’est pas enrichi personnellement lorsqu’il était à Bercy.

      Il avait une enveloppe de frais de représentation égale à 150 000 euros pour 12 mois, soit 12 500 euros par mois. Il a utilisé 120 000 euros en 8 mois, soit 15 000 euros par mois, ce qui fait un excès de 2500 euros par mois pendant 8 mois. Cela valait peut-être le coup pour savoir qui allait soutenir François Hollande, et se présenter si François Hollande était lâché par ceux qui ont permis son élection en 2012.

      La droite de FF est bien compromise car le programme de FF est devenu inaudible. Pour la présidentielle et pour les législatives. Sauf surprise, Benoît Hamon a peu de chances d’arriver au second tour. Il faut donc une alliance franche entre François Bayrou et Emmanuel Macron, sinon nous aurons un deuxième tour MLP / JLM.

      • liberty8 dit :

        Chère madame,
        Le problème ne vient pas de savoir combien il a dépensé mais pour quoi ? Dans la conjoncture d’une recherche extrémiste de la vérité, si M. Macron a réuni des chefs d’entreprises pour leur parler social ou charges, c’était dans ses fonctions. Mais s’il a utilisé une fois le mot  » en marche », c’était déjà une utilisation frauduleuse de fonds publics.
        Voilà où nous mène un dévoiement d’une presse intégriste à la recherche de toute vérité.
        Quand à M. Macron, je l’ai écouté écouté hier soir présenter son programme qui ressemble à du morse tellement c’est décousu et je le classe dans ce que j’appelle un « populisme du centre ». Et tout populiste me fait peur.

    • Jacques Pernès dit :

      Valérie Pécresse ? Ah oui, c’est celle qui change de veste, mais qui s’emmêle les pinceaux et ne mise pas sur le bon cheval. Pas persuadé que ce soit la bonne solution .

  4. Andre MAMOU dit :

    Les militants LR sont désemparés. Leur candidat va être éliminé, soit qu’il abandonne la course soit que les électeurs l’abandonnent. On ne peut pas laisser Fillon représenter la droite et le centre pour appliquer un programme paille de fer alors que durant sa carrière Il n’a pensé qu’à s’enrichir. De faux contrats pour du travail fictif même si les juges n’arrivent pas à réunir les preuves, ça va peser lourd pour ceux qui hésiteront entre deux bulletins. C’est pitoyable, ça inspire la pitié pour cet homme que sa cupidité en a fait une proie pour ses adversaires connus ou secrets.

  5. Atarax dit :

    Même si on peut préférer l’efficacité, c’est-à-dire maintenir coûte que coûte la candidature de Fillon dans l’espoir qu’il va permettre à la droite de remporter la victoire,
    Même si Fillon n’a pas commis d’acte illégal,
    Même s’il y a eu »complot » pour faire « sortir » cette affaire au moment « opportun »
    Il n’en est pas moins vrai que le candidat s’est présenté comme le champion de l’intégrité et que, quelles que soient ses protestations, les emplois rémunérés sont fictifs et les dégâts dans l’opinion sont définitifs. Le grand chevalier blanc est un cavalier noir, secret et menteur.

  6. JMB dit :

    Petit rappel.
    En 1972, le « Canard » publie la feuille d’impôt de Jacques Chaban-Delmas, négative quant à sa contribution grâce à l’avoir fiscal: il n »obtient que 15% à l’élection présidentielle de 1974.
    En 1980, est publié l’affaire des diamants de Bokassa: Giscard d’Estaing est battu plus nettement en 1981 qu’il n’avait gagné en 1974.
    En 1993, est révélé que Bérégovoy a bénéficié d’un prêt à taux zéro de Roger-Patrice Pelat: la gauche est sévèrement battue.

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