Fillon : défense politique

Pénélope dans la tourmente
(Photo AFP)

François Fillon politise le scandale qui menace sa candidature. Il évoque un « coup d’État institutionnel » et accuse la gauche de recourir aux pires procédés pour l’écarter de la course présidentielle et l’emporter, en quelque sorte, au terme d’une compétition faussée.

LA THÈSE de l’ancien Premier ministre n’est pas forcément erronée et ne relève pas nécessairement de l’imaginaire. Il est certain que beaucoup de journalistes se demandent d’où le coup est parti et tentent de le savoir, ce qui apporterait un nouveau rebondissement à l’affaire. Mais la politisation de la polémique relève de la spéculation en l’absence de preuves, alors que les éléments relatifs à l’emploi de Mme Fillon constituent déjà un acte d’accusation que M. Fillon se garde bien de réfuter point par point. L’affaire, rappelons-le, est entre les mains de la justice. Et chaque jour apporte une révélation confondante, comme la diffusion ce soir sur France 2 d’une video, qui remonte à 2007, alors que M. Fillon venait d’être nommé chef du gouvernement et où Pénélope déclare qu’elle n’a jamais été l’assistante parlementaire de son époux. On peut soutenir M. Fillon à mille pour cent, on peut souhaiter une campagne présidentielle équilibrée où la droite majoritaire exprime ses convictions, mais personne n’a la capacité d’arrêter la marche de la justice sous le prétexte qu’il y aurait un complot politique derrière tout ça. Il y a les faits bruts, qui rendent perplexe, et il y a l’usage qui en est fait, mais qui ne suffit pas à éteindre l’incendie.

Recul dans les sondages.

La stratégie de M. Fillon est à la fois claire et mal inspirée. Il veut tenir, il espère un non-lieu, il demande à ses troupes quinze jours de patience et il croit encore qu’il retrouvera rapidement le tonus, la dynamique et la popularité qui assureront sa victoire. Mais comme la torture chinoise du goutte à goutte, des faits implacables s’ajoutent chaque jour au dossier. Sa popularité baisse et, dans les sondages, Emmanuel Macron et même Benoît Hamon le rattrapent. Son camp risque d’arriver exsangue au premier tour. Or M. Fillon a une responsabilité bien plus importante que la continuation de sa carrière. Son rôle est de battre le Front national qui, depuis cinq ans, nourrit son expansion des erreurs de gestion de la gauche au pouvoir. Même l’électeur qui a pour Macron les yeux de Chimène sait que l’alternance est le puissant moyen d’écarter Marine Le Pen. Ce rôle spécifique du candidat de la droite et du centre est en train de disparaître. Si Mme Le Pen n’a pas face à elle au second tour un candidat capable de rassembler tous les démocrates, elle gagnera.

Voix dissidentes.

Hier, la droite et le centre ont donné leur bénédiction à la stratégie de M. Fillon, tandis que s’élevaient des voix dissidentes d’élus de droite qui réclament publiquement la réunion du conseil national des Républicains pour désigner un nouveau candidat, certains n’hésitant pas à mentionner Alain Juppé qui, pourtant, a refusé sèchement et soutient M. Fillon. La minorité des Républicains a peut-être raison : il ne s’agit pas de contre-carrer une manoeuvre pernicieuse de la gauche encore impossible à prouver, il s’agit de conquérir le pouvoir dans un moment de grande confusion, avec des candidats assez nombreux pour que l’électorat en définitive ne sache pas grand-chose de leurs programmes, avec des menaces extérieures, avec un marasme économique auquel François Hollande n’a pas su mettre un terme. La vérité est que M. Fillon lui-même, et en dépit du soutien relativement vigoureux qu’il a obtenu de ses amis, ne sait pas si, dans les heures ou les jours qui viennent, la paille qui brise le dos du chameau ne l’obligera pas à renoncer.

RICHARD LISCIA

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27 réponses à Fillon : défense politique

  1. Liberty8 dit :

    Avec les nouvelles révélations, tout évoluant très vite, ce que je pensais hier pour le maintien de M. Fillon n’a plus lieu d’être.
    Si M. Fillon a un non-lieu, il pourra se maintenir et rebondir, surtout si on trouve d’où vient la fuite, encore plus si on trouve qu’elle vient de la gauche ou de M. Macron. Un buzz en chassant un autre.
    Si l’affaire est transmise à la justice, même avant toute mise en examen, il sera obligé de partir.
    Maintenant tout repose sur les épaules des enquêteurs, pas seulement la carrière, l’honneur d’un homme; mais surtout une forme d’avenir pour notre pays. Je n’aimerais vraiment pas être à leur place, quelle responsabilité !
    Nous aurons alors le choix entre un populisme de droite (Le Pen), un populisme du centre (Macron), un populisme de gauche (Mélenchon) et des chimères.
    L’année 2017 pour la France et le monde risque d’être celle de tous les dangers.
    Pour la première fois de ma vie, l’avenir me fait peur !

    Réponse
    L’expression « populisme du centre » est certes originale, mais, à mon avis, on ne peut pas donner le qualificatif de populiste à n’importe qui; en outre, vous êtes probablement le seul à qui M. Macron fait peur.
    R.L.

    • liberty8 dit :

      Ce n’est pas l’homme qui me fait peur c’est l’inconséquence de son programme et le fait de miser sur son charisme à la place de ses idées.

    • Labro François dit :

      Ne croyez pas que la vacuité et l’absence de programme de Macron font peur à beaucoup de monde. Macron est un homme de gauche. C’est reparti pour cinq ans de hollandisme

  2. Andre MAMOU dit :

    Que penser de l’hypothèse Gerard Larcher pour remplacer Francois Fillon ?

    Réponse
    Aucun des leaders de la droite, à part Juppé, n’a la dimension suffisante pour battre tous les autres.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Si François Fillon devait se retirer, il me semble que Gérard Larcher serait le mieux placé, il est proche de Fillon pour le programme qu’il soutenait et il a une réelle stature d’homme d’Etat, même s’il est encore peu connu du grand public, comme président du Sénat (et président de la République intérimaire en cas de vacance du pouvoir).
      Je ne vois pas comment un de ceux qui ont été battus aux primaires pourrait maintenant prétendre remplacer François Fillon…
      De surcroît Alain Juppé a déjà été condamné pour emplois fictifs, on ne va pas remettre le couvert !

      • admin dit :

        Gérard Larcher est un homme en tous points estimable, il n’a pas la notoriété suffisante pour conquérir les votes de 51 % des Français en 80 jours.
        R.L.

      • lionel dit :

        Alain Juppé a été condamné pour emplois fictifs : c’est vrai. Cependant, c’était pour financer le RPR, il n’y a pas eu d’enrichissement personnel ni pour lui ni pour un de ses proches. A l’époque les partis n’étaient pas financés par l’Etat.

  3. gegau dit :

    Toutes les chances pour que Marine Le Pen soit élue sont réunies : si la gauche est à l’origine de ce coup bas porté à la démocratie par l’élimination du candidat désigné par plusieurs millions d’électeurs elle portera une responsabilité historique dans la prise du pouvoir par le FN

  4. Agnes Gouunguenet dit :


    Cette histoire Fillon est très malsaine pour la France.Car elle réveille de façon aiguë la terrible lutte des classes.
    Comment faire accepter à des artisans indépendants qui travaillent dur, de telles rémunérations chez des châtelains ultra-privilégiés, de surcroît avec l’argent des impôts. M. Fillon ne cesse de répéter qu’il a eu raison de salarier sa femme; mais c’est le montant des salaires qui hérisse les partisans de la fraternité, de la solidarité, de la charité.
    Quant à certains de ses soutiens, personne n’est dupe. Ils tiennent à leur poste de ministre promis.
    Charles de Gaulle (sens de l’honneur) et Pierre Mendès-France (honnêteté viscérale) doivent se retourner dans leurs tombes.

    • Michel de Guibert dit :

      … et Edmond Michelet !
      En 1946, Edmond Michelet était ministre des armées. Son chef de cabinet lui passe une note l’informant qu’il est encore possible d’obtenir une grosse cylindrée sur un stock réduit réservé aux privilégiés du pouvoir. La réponse manuscrite du ministre est vérifiable aux archives Edmond Michelet à Brive : « Je ne veux rien devoir à l’Etat. Je garde mon vieux clou »…

      • JMB dit :

        Edmond Michelet ne prêtait pas au reproche de Gandhi;
        « La foi n’est pas faite pour qu’on en parle mais pour qu’on en vive ».
        …et Raymond Poincaré, qui payait ses billets de train lors de ses déplacements privés dans sa famille de Bar-le-Duc, et affranchissait son courrier personnel avec des timbres qu’il achetait.

  5. Luca dit :

    Si tous les ministres, ou députés, qui ont utilisé de façon optimale les avantages liés à leur fonction devaient être blâmés, on ne parlerait pas de M. Fillon. On parlerait de beaucoup de gens.

    • JMB dit :

      Les hommes politiques qui utilisent les avantages liés à leur fonction ne sont pas tous des donneurs de leçon.
      Imagine-t-on De Gaulle stipendiant son épouse pour une fonction à l’Élysée ?

  6. Etienne ROBIN, néphrologue dit :

    Permettez-moi, M. Liscia, de vous exprimer pour une fois ma divergence, à regret car habituellement j’approuve vivement vos analyses et votre hauteur de vue.
    Mais cette fois, vous me paraissez bien silencieux sur le plan moral.
    Certes, il est difficile de reprocher à M. Fillon une faute tant qu’elle n’est pas judiciairement prouvée. Cependant, compte tenu des « aveux » involontaires de Pénélope Fillon, on ne prend aucun risque à avancer que son mari a été malhonnête (au dépens du contribuable) et qu’il est aujourd’hui menteur en affirmant le contraire de ce que dit son épouse.
    Personne n’est parfait, et mieux vaut peut-être, pour le pays, un président immoral et compétent qu’un président vertueux et inepte. Mais personnellement, j’apprécierais que les médias appellent M. Fillon à avouer et à regretter sa faute, plutôt que d’uniquement s’interroger sur l’irresponsabilité des auteurs des révélations, et sur les conséquences désordonnées pour les élections.
    Si c’est naïf et infantile de réclamer que nos dirigeants, malgré les tentations, respectent les règles de la vie en société, alors j’assume d’être un enfant naïf.

    Réponse
    Vous m’avez lu un peu vite. C’est le quatrième blog que je consacre à cette crise, sans compter ma chronique dans le Quotidien du médecin et il n’y a aucune indulgence dans mes propos. Je demande clairement à M. Fillon de se retirer de la course présidentielle. Je n’ai pas besoin de l’abreuver d’épithètes à chaque occasion. Enfin, je ne crois pas qu’un président vertueux mais incompétent serait bon pour le pays.En revanche, je respecte la présomption d’innocence.
    R.L.

    • Gilbert dit :

      Peut-on réellement prétendre respecter la présomption d’innocence, et demander à M. Fillon de se retirer ?

      • admin dit :

        Oui, car la question porte sur la capacité de M. Fillon à gagner. Il l’a déjà perdue, même s’il est innocent. Il y a d’un côté l’éthique, de l’autre la politique.
        R.L.

  7. Claudia dit :

    une info de qualité c’est rare, alors merci beaucoup

  8. CHEMILA dit :

    Nous sommes dans un pays où le fait de gagner trop bien sa vie, même si c’est légal, est mal vu. Alors, si en plus on est à la limite de la légalité, on perd quelques points que la droite ne peut pas se permettre de perdre. M. Fillon aime sa femme et ses enfants, il a songé à leur avenir ? J’en suis fort aise. Eh bien, qu’il songe à son parti et à la France, maintenant. Le « Canard enchaîné » tiendrait-il en réserve des dossiers sur tous les candidats de droite ? On se croirait dans Topaze…Faites entrer Monsieur Rebizoulet…

  9. mXmF dit :

    Ne serait-il pas correct de la part du « Canard enchaîné » de lancer une enquête tout aussi minutieuse et diligente sur tous les candidats à la présidentielles pour vérifier qu’ils n’ont pas commis de fraudes?
    Cela n’enlèverait rien à la faute de M. Fillon, s’il y a effectivement faute, mais cela permettrait de voter en connaissance de cause.
    Si l’enquête d’un journal aussi indépendant et vertueux que le Canard Enchaîné (ou à défaut un organisme vraiment indépendant), concluait (et elle conclurait évidemment) à des culpabilités multiples, alors il faudrait annuler l’élection, provoquer de nouvelles candidatures, faire des enquêtes et organiser un nouveau scrutin.
    Sinon, il faudrait voter pour les candidats actuels, chacun muni de sa ou de ses casseroles.
    Fillon étant le candidat qui paraît à une majorité de Français le plus apte à résoudre les problèmes actuels du pays, il pourrait être élu.

    • Michel de Guibert dit :

      Amusant, mais cela n’aura pas lieu car le canard en question ne mène pas un combat éthique, mais un combat politique…

      • JMB dit :

        Une motivation première du journal en question est sa répulsion des personnes qui pratiquent le hiatus entre leurs discours et leurs actes.
        Ceux qui multiplient les objurgations envers autrui, mais se dispensent d’appliquer à eux-mêmes ce qu’il professe pour les autres.

  10. Michel de Guibert dit :

    Le problème principal est que ce lynchage médiatique occulte les vraies questions et qu’il n’y a plus de débat politique… la quintessence du degré zéro de la démocratie, fruit venimeux de la politique spectacle.

    • admin dit :

      Le degré zéro de la démocratie, c’est la corruption. S’il n’y a pas de débat démocratique, c’est parce que la question de l’enrichissement personnel de M. Fillon n’est toujours pas réglée, tout simplement parce qu’il ne peut pas dire la vérité. Il n’y a pas de lynchage médiatique. Ce n’est pas le « Canard » qui a pris de l’argent au contribuable. Ce ne sont pas les médias qui ont inventé cette affaire. M. Fillon est un candidat sur lequel comptaient des millions d’électeurs, mais qui ignoraient à quels dangers il exposait le pays.
      R.L.

      • Michel de Guibert dit :

        Certes, vous avez raison, et j’attends que M. Fillon dise la vérité, mais pourquoi cela sort seulement maintenant et seulement sur lui ?

        • Michel de Guibert dit :

          Néanmoins, en réfléchissant à tout cela, ce que l’on demande d’abord à un homme politique, c’est de faire une bonne politique, et je ne suis pas certain que la vertu en soit nécessairement la qualité première ; le peuple non plus n’est pas vertueux et le voilà qui s’érige en juge…
          Ce qui choque davantage, c’est que M. Fillon demande des efforts sans s’imposer la même exigence, au moins dans le passé.
          Par ailleurs on ne peut pas dire que M. Fillon a pris l’argent du contribuable puisque cette enveloppe est donnée à tous les parlementaires, qu’ils aient ou non un assistant parlementaire…
          Cela dit, je en vois pas bien à quels dangers nous expose M. Fillon en dehors de la déception que peuvent éprouver ceux qui le soutenaient.

  11. admin dit :

    Ce blog a donné lieu à 22 commentaires et réponses, un record depuis cinq ans. La contradiction entre absence de vertu et bon programme a déjà été évoquée à plusieurs reprises. De toute évidence, vous souhaitez, comme des millions d’autres, que M. Fillon soit élu. Donc, vous êtes prêt à l’absoudre. Je comprends cela et l’article que je publie demain dans le Quotidien du médecin va dans ce sens. Mais la question ne porte pas sur la probité perdue de M. Fillon. Elle porte, très précisément, sur sa capacité à être élu président. Chaque jour qui passe montre qu’il n’y parviendra pas, chaque reportage dans les régions montre que le coeur de la droite n’y est plus, chaque attaque des autres camps l’affaiblit un peu plus. Ce qu’il faut bien comprendre, ce sont les alternatives qui nous sont proposées. Benoît Hamon a choisi d’augmenter le chômage et les déficits ; Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont prêts à détruire notre monnaie et notre économie ; Emmanuel Macron ne dit encore rien de ce qu’il compte faire. Il se peut que M. Fillon redevienne subitement le grand patron de la droite. Mais rien n’est moins sûr. Le résultat est que son programme, qui prend autant de valeur que les autres programmes sont rédhibitoires, ne sera pas appliqué et que, pour des raisons d’enrichissement personnel (c’est en ce sens que ce qu’il a fait est grave), il prive le pays d’une chance.
    R.L.

    • Liberty8 dit :

      Tout a fait d’accord et très bon résumé de ce qui a été dit.
      Oui comme vous le dites, le programme est souhaité mais il sera pas appliqué car les français vont éliminer l’homme sur ce qu’il a fait et non le choisir pour ce qu’il va faire. Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises dans cette élection complètement inhabituelle

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