Une campagne empoisonnée

Faire oublier le scandale?
(Photo AFP)

Objectivement, la mise en examen de Nicolas Sarkozy dans l’affaire Bygmalion renforce la candidature de François Fillon : le camp de la droite et du centre n’aurait pas été mieux loti si M. Sarkozy avait remporté la primaire.

LA BATAILLE contre la corruption est toujours aléatoire : l’ancien président de la République a fait appel et il nous a habitués à s’extraire des affaires les plus enchevêtrées. Il est poursuivi pour le dépassement du plafond des dépenses de sa campagne électorale de 2012. Mais son sort n’a pas d’influence sur la vie politique française : il n’est plus candidat. M. Fillon, en revanche, fait l’objet d’une enquête qui porte sur une affaire d’enrichissement personnel, sujet plus grave mais dont la pertinence ne sera prouvée qu’au terme d’une enquête longue et difficile alors que l’ancien Premier ministre entend rester candidat à la présidence. Sa résistance à l’adversité est tout à fait admirable ; mais, à en juger par les sondages et par les réactions populaires hier à Troyes où il tentait péniblement de reprendre une campagne qui s’annonce difficile, sa conférence de presse de lundi dernier n’a pas calmé l’indignation des Français, y compris ses électeurs. Enfin, « le Canard », qui publie ce matin de nouvelles « révélations » sur ce qu’il est convenu d’appeler le « Pénélopegate », entretient un climat de suspicion à l’égard du candidat qui minera sa popularité dans les cruciales semaines qui viennent.

Une lettre aux Français.

« Le Canard » annonce que Mme Fillon a touché des indemnités de licenciement en deux occasions, pour un montant total de 45 000 euros et M. Fillon riposte en disant que, dans le tableau des revenus de sa femme tel qu’il a été publié lundi, ces sommes sont incluses. Pour échapper à la mesquinerie de ce débat chiffré, qui commence à devenir insupportable, François Fillon publie dans « Ouest-France » une « lettre aux Français » destinée à remettre sa campagne sur les rails qu’elle n’aurait jamais dû quitter, ceux qui en établissent le contenu programmatique. Mais les conséquences du scandale sont très négatives : on ne parle plus que des salaires versés à Mme Fillon, on se perd en conjectures sur les chances du candidat de la droite, on en oublie presque les autres candidats, notamment ceux qui portent des politiques dangereuses pour l’avenir du pays. Et, pour parfaire le tableau, voilà que François Bayrou, candidat permanent à la présidence, menace de « prendre ses responsabilités » après avoir lancé contre M. Fillon une attaque venimeuse. Les moins corrompus sont les mieux placés, mais ce sont aussi les moins utiles.
L’électorat de droite et du centre n’a pas d’autre choix que d’attendre et de ne pas paniquer. Beaucoup des déçus du fillonisme auraient préféré que M. Fillon passe la main et désigne rapidement son successeur. Cette hypothèse ayant été rejetée par le principal intéressé, il ne leur reste plus qu’à espérer qu’il arrive à se maintenir malgré la casserole qu’il traîne. Le problème n’est pas lié à l’imbrication de la politique et de la justice. Elle a toujours existé, même si la coïncidence des affaires et d’une campagne électorale très importante fait régner un climat tourmenté. Le problème provient de la versatilité d’un électorat dont la colère est constamment alimentée par le soupçon terrible dont souffre l’ensemble de la classe politique.

Sur deux fronts.

François Fillon, avec stoïcisme, se bat sur deux fronts, celui de l’affaire et celui de la campagne, qui devient à la fois son objectif et son meilleur moyen de défense. C’est en multipliant les contacts avec la population, même s’ils sont encore pénibles, qu’il essaie de faire oublier le Pénélopegate. La croissance de 2016, limitée à 1 %, la rechute du commerce extérieur, le dérapage des dépenses non financées, la persistance du chômage à un haut niveau, toutes les failles de notre économie méritent un traitement de choc, alors que les candidats de la gauche, de l’extrême gauche et de l’extrême droite annoncent des recettes suicidaires. L’enjeu de la campagne ne saurait se limiter à un combat entre « le Canard » et M. Fillon. Le risque n’est pas la fin de sa carrière, c’est la disparition de la droite au moment précis où elle avait toutes les chances d’emporter la présidentielle.

RICHARD LISCIA

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9 réponses à Une campagne empoisonnée

  1. liberty8 dit :

    Alea jacta est, M.Fillon a franchi le Rubicon, la droite ne peut plus reculer , elle doit faire avec et ça sera Gergovie ou Alesia. Telle la charge de la cavalerie de Murat à Eylau ou de la garde à Waterloo, ça passe ou ça casse. C’est triste d’en arriver là pour une France aux abois, nous méritons plus une confrontation de programmes plutôt qu’un article de « Closer » !

  2. Brenner dit :

    La coïncidence des « affaires » avec les élections de première importance est navrante. Si DSK n’avait pas devancé les évènements par une pulsion incontrôlée dans une chambre d’hôtel new-yorkaise, l’affaire du Carlton de Lille l’aurait frappé en pleine face, après la primaire socialiste de 2012 qu’il aurait sans doute remportée haut la main, laissant le PS en triste état avec un plan B impossible à mettre en place en peu de temps et en conséquence, nous aurions échappé à la sous-présidence de Hollande au profit de Sarkozy, tant pis pour la France.
    La campagne du « Canard » avec l’acharnement du tueur qui frappe de plusieurs coups pour être sûr de la mort est une sorte de remake vengeur pour un résultat qui risque d’être encore plus catastrophique qu’en 2012. Qui se cache derrière le palmipède sadique ? En tout état de cause, cet anonyme qui rend la campagne électorale inaudible empêchera le déroulement d’un scrutin républicain et civilisé, accouchant d’un quinquennat qui débutera avec la démagogie la plus éhontée et risquera de se conclure en explosion sociale.

  3. Elie Arié dit :

    C’est Fillon qui s’est mis lui-même dans une mauvaise passe en déclarant qu’il renoncerait à sa candidature s’il était mis en examen : Sarkozy l’était déjà lorsqu’il s’est présenté aux primaires.

  4. JMB dit :

    Le népotisme n’est pas légal en Allemagne et en Europe du Nord.
    En Suède, deux ministres ont dû démissionner, l’une par défaut de paiement de la taxe audiovisuelle, l’autre pour avoir utilisé sa carte de crédit liée à sa fonction pour des courses personnelles.
    En France, on aurait considéré qu’elles étaient victimes de mesquineries, étant donné la modestie des sommes indues, qu’elles étaient victimes d’un complot médiatique.
    La différence de culture, de références éthiques, plutôt que de climat, au sens météorologique, explique ces divergences de réactions devant des faits de nature voisine.

    • A3ro dit :

      Je suis assez d’accord. On ne peut qu’être consterné par le degré de mauvaise foi partisane de ceux qui crient au complot de la gauche/de l’extrême droite/du système/des francs-macons/etc. Fillon le premier, d’ailleurs.

      C’est exactement ce genre d’affaire et de réactions qui rendent les politiciens de tout bord détestables pour un nombre croissant de citoyens. Les arrangements entre amis, les magouilles, le manque d’éthique en général : comment demander au francais moyen de respecter la loi et de faire des sacrifices quand on ne se soumet pas soi même au même traitement ? La légitimité du futur élu est forcément réduite a peau de chagrin, peu importe la compétence de la personne ou le bon sens du programme…

    • Michel de Guibert dit :

      … le puritanisme des pays protestants…

      • JMB dit :

        Le puritanisme a du bon: comparons le Canada et les États Unis avec les autres pays d’Amérique, en Europe, les pays du Nord et les Pays Bas (où les protestants sont maintenant minoritaires mais irriguent tout le pays de leur culture) et ceux du Club Med.

    • démerdecinegénérale dit :

      La différence de culture ?

      Dans beaucoup d’autres pays, si vous jugez quelqu’un avant l’enquête judiciaire et le verdict du tribunal, on vous demande si vous êtes le président du tribunal. Ce comportement anti-démocratique ne peut être qu’une contribution au complot médiatique.

      Pour mémoire, la révolution culturelle chinoise a tué quelques millions d’êtres humains avec le livre rouge, c’est-à-dire avec des mots et des slogans, sans avoir besoin d’une bombe atomique. C’était essentiellement une révolution médiatique et politique…pour arriver à la Chine pseudo-capitaliste d’aujourd’hui.
      Votre accusation de népotisme peut toucher, hélas, plusieurs millions de personnes sur la terre qui « emploient » les membres de leur famille (commerçants, restaurateurs, entrrepreneurs, industriels, etc).
      Rassurez-vous ! Dans quelques semaines, les Français honnêtes vont découvrir peu à peu que ce n’est ni plus, ni moins, qu’un complot médiatique si vous n’arrivez pas à trouver un vrai chef d’accusation juridique, c’est-à-dire contraire à la loi.

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