Banlieues : l’incendie

Manifestants contre gendarmes
(Photo AFP)

L’affaire Théo, ce jeune d’Aulnay-sous-Bois qui a été brutalisé par quatre policiers et se trouve à l’hôpital, a déclenché des manifestations, puis des émeutes que le gouvernement ne parvient pas à maîtriser. En pleine campagne électorale, l’équilibre est introuvable entre la justice et l’ordre.

BEAUCOUP d’observateurs se réfèrent aux émeutes de 2005, qui avaient pris une tournure insurrectionnelle. Le gouvernement a d’abord tout fait pour stigmatiser les policiers et exprimer sa sympathie à la victime. François Hollande s’est même rendu au chevet de Théo, lequel a demandé l’apaisement aux jeunes qui lui expriment leur soutien par des actes de violence. Hier, à la suite d’une déclaration du ministre de l’Intérieur, Bruno Le Roux, encore très sévère pour les forces de l’ordre, le Premier ministre, Bernard Cazeneuve, a mis les choses au point en dénonçant les exactions et en annonçant d’inévitables mesures de répression.

L’occasion rêvée pour détruire.

Le problème est que, dans un premier temps, les pouvoirs publics devaient impérativement reconnaître la grave injustice commise contre Théo. Il n’en fallait pas plus aux émeutiers pour achever les manifestations par des attaques contre la police, des incendies d’automobiles et des destructions de boutiques et de mobilier public. Une fois de plus, ce sont les habitants de la banlieue appartenant à la classe moyenne qui subissent les pires outrages au nom d’une colère incapable d’apporter la moindre solution à cette nouvelle crise. Le ras-le-bol des jeunes est compréhensible, mais quand il dure trois semaines, il devient insupportable. Il n’est pas possible de dire aujourd’hui que les bandes d’agresseurs agissent sous le coup de l’émotion. La sympathie exprimée par le gouvernement était à la fois sincère et tactique : il s’agissait de calmer le jeu. Malheureusement, les émeutiers ont interprété la mansuétude gouvernementale comme une occasion rêvée de détruire.

Un remède, la lutte contre le chômage.

Les experts nous expliquent que la jeunesse des banlieues est abandonnée à son sort depuis trente ans que se succèdent des gouvernements de gauche et de droite et que le problème, gigantesque, n’est ni racial ni politique, mais social. A quoi on peut quand même répondre que, si la question du chômage en France avait été traitée avec toute la rigueur et les moyens requis, nous n’en serions pas là. Car il n’y a rien de mieux pour un jeune tenté par la violence que de trouver un emploi stable. Au moment où l’on parle avec insistance de revenu universel, je ne vois pas pourquoi ceux qui le toucheraient resteraient complètement oisifs et ne recommenceraient pas à casser quelques vitrines pour passer le temps ou pour se venger de mauvais traitements infligés par la police. Sur la trentaine de milliards affectés à la formation professionnelle, à peine cinq bénéficient aux chômeurs. Non seulement on n’enseigne pas un métier aux jeunes défavorisés, mais on jette dans la rue de jeunes policiers qui ne savent pas du tout ce qui les attend et qui, une fois confrontés à la délinquance, au trafic de drogue ou à l’agression pure et simple, ne trouvent pas en eux-mêmes assez de force d’âme pour oublier ce qu’on leur a fait subir.
Il n’y a pas de pause sociale pour les élections. Les jeunes des banlieues se moquent bien d’un processus démocratique qui, pour eux, ne change jamais rien. Ils ne font aucune différence entre la droite et la gauche. Ils ne pensent pas que la stabilité du pays soit nécessaire au moment où des dizaines millions de leurs concitoyens s’apprêtent à voter. Le gouvernement, censé expédier les affaires courantes, est au contraire confronté à une crise sérieuse dont je veux bien admettre qu’il n’a pas la responsabilité mais qu’il lui appartient de déminer.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à Banlieues : l’incendie

  1. Num dit :

    Ce n’est pas un problème social. Des milliers de jeunes qui sont également au chômage ou dans des conditions précaires ailleurs en France ne recourent pas à la violence, ne cassent pas de vitrines, ne brûlent pas de voitures.

  2. Là, François Hollande n’est vraiment pas à la hauteur de sa tâche. Au lieu de médiatiser sa visite au pauvre Théo, de lui demander en plus de calmer « le jeu » alors qu’il est cloué au lit, le chef de l’Etat aurait du pratiquer un acte de haute valeur symbolique égalitaire : demander à la justice d’agir très vite et de décider la mise en détention du policier responsable de l’explosion d’un rectum innocent. Maintenant c’est trop tard, car il y a récupération par des casseurs politisés. Prison ferme pour deux jeunes manifestants qui n’ont blessé personne, et seulement une mise en examen pour un policier qui a mutilé un jeune homme innocent ? C’est inadmissible, et cela met le feu. C’est normal. Cela n’a rien à voir avec des histoires sociales de chômage ou autre. C’est une réaction tout à fait légitime à une injustice flagrante.
    Réponse
    Vous jugez un peu vite. Hollande n’a pas le pouvoir de mettre un délinquant en détention. Hollande n’administre pas la justice.
    R.L.

  3. abdoun dit :

    L’affaire Théo, ce jeune d’Aulnay-sous-Bois qui a été brutalisé : NON ! Théo a été violé !

    Réponse
    Désolé si je suis obligé d’attendre les conclusions de l’enquête avant d’utiliser certains termes. Vous n’avez pas les mêmes responsabilités que moi.
    R.L.

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