Tiens, voilà la gauche !

Hamon en campagne à Guéret
(Photo AFP)

Contre toute attente, Benoît Hamon a gagné la primaire de la gauche. Contre toute attente, il semble avoir maté l’opposition interne du PS qui rassemble les vallsistes. Contre toute attente, il semble en mesure de réunifier son camp en passant un compromis avec l’extrême gauche de M. Mélenchon.

CERTES, M. HAMON n’a pas encore gagné la partie. Mais il a bénéficié d’un avantage inespéré, les démêlés judiciaires de François Fillon. De sorte qu’il devient crédible quand il propose à Jean-Luc Mélenchon, qu’il a déjà rencontré et qu’il rencontre de nouveau aujourd’hui, de faire alliance avec lui, ce qui, quand on additionne les intentions de vote de l’un et de l’autre, fait de M. Hamon un homme capable de franchir le cap du premier tour. De son côté, Emmanuel Macron, qui, depuis quelques jours, semblait le seul en mesure de lui barrer la route, a commis une bévue en allant dire complaisamment en Algérie que la colonisation française avait été un « crime contre l’humanité », ce qui a fait bondir l’opinion, comme en témoignent les commentaires publiés sur ce blog et qui lui sont consacrés alors que je n’avais même pas mentionné le faux-pas de M. Macron.

L’erreur de M. Macron.

Car c’est une erreur, pour de multiples raisons : la première est que, si la colonisation est une méthode violente de conquête de territoires, elle contribue aussi à l’émancipation des peuples colonisés. Dans leur lutte pour obtenir une indépendance qu’ils n’avaient pas sous l’empire ottoman, les Algériens ont eux-mêmes commis des crimes. La deuxième est que M. Macron a donné à Marine Le Pen, championne du souverainisme, un argument qui convaincra des électeurs que, décidément, on ne peut pas faire confiance à ces « élites » honnies qui prononcent des énormités pour se rendre intéressantes. La troisième est que, si M. Macron est dans de telles dispositions et qu’il a du temps à perdre dans d’inutiles polémiques, il n’est peut-être pas le présidentiable qu’il prétend incarner. Du coup, M. Hamon qui, lui-même, n’a pas vraiment la stature d’un président, devient presque plus acceptable que M. Macron, lequel a continué à se défendre avec acharnement mais pas forcément de manière convaincante.

Un concours de circonstances.

Le candidat du PS bénéficie donc de paramètres qui n’ont rien à voir avec le contenu de son programme. Beaucoup de lecteurs se plaignent de polémiques qui polluent la campagne et remplacent l’analyse des propositions des candidats. Mais, d’une part, il n’est pas nécessaire d’approfondir la discussion sur des plates-formes qui n’ont aucune chance d’entrer en vigueur. Qui s’intéresse aux idées de M. Poutou ? Et, d’autre part, il serait absurde de relativiser l’énorme partie qui se joue en dehors des contenus programmatiques et dont les ingrédients sont les caprices d’un électorat plus apte à écarter les candidats qu’il n’aime pas qu’à choisir ceux dont il épouse les idées, la chute des totems, le bouleversement de l’échiquier politique, les enjeux posés par une France en crise prête à sombrer dans le désespoir si celui ou celle qui sera élu(e) entend secouer une société qui n’a jamais été aussi fragile depuis la fin de le Seconde Guerre mondiale. Oui, le choix du président sera, pour la majorité silencieuse, au moins aussi important que les idées qu’il véhicule. Oui, si le prochain président n’a pas le sang-froid, la sagesse, la clarté des concepts, la ténacité, le souffle inépuisable des plongeurs de fond, nous manquerons collectivement une occasion historique, celle de redresser le pays en tirant justement notre force des craintes que nous inspire l’avenir.
Ce qui s’est passé depuis quelques semaines en France, les coups de théâtre, les rebondissements incroyables, les changements soudains et inattendus, explique que nous ne soyons pas tous plongés dans l’étude minutieuse des programmes. Car chacun d’entre nous a une idée assez précise de ce qu’il faut faire et de ce qu’il ne faut pas faire. Pour ceux qui ne sont affiliés à aucun parti, une gauche Hamon-Mélenchon représente un danger, celui de mettre en place une utopie qui achèverait le pays. La gauche, sociale-démocrate ou non, est pourtant largement minoritaire. Si elle reprend du poil de la bête, c’est par un concours de circonstances.

RICHARD LISCIA

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9 réponses à Tiens, voilà la gauche !

  1. Michel de Guibert dit :

    Autant le rapprochement entre Hamon et Jadot est en bonne voie d’aboutir, autant le rapprochement entre Hamon et Mélenchon ma paraît hautement improbable ; trop de choses les séparent et aucun ne voudra renoncer à sa candidature sans doute…

  2. Liberty8 dit :

    Politique fiction : M. Hamon propose à M. Mélenchon le poste de Premier ministre, il récupère dans un programme  » commun » (qui me fait penser à quelqu’un) une partie des idées mélenchonistes. Il propose à M. Jadot une orientation nette écologique (avec un poste ministériel de premier plan, bien sûr). Sur l’Europe, le grand sujet qui les divise, il demande un referendum (type Frexit). 14+12+6 = 32. Deuxième tour Le Pen / Hamon = victoire Hamon courte tête.
    Heureusement, c’est juste une fiction avant de devenir un cauchemar.

  3. mXmF dit :

    Fillon n’est pas plus vertueux que tous les autres ? Tant pis, lui au moins a le programme adapté à la situation et peut-être les capacités à l’appliquer : c’est là l’essentiel.
    L’Histoire regorge de chefs d’États peu rigoureux moralement : ils n’ont pas fait les plus mauvais rois, les plus mauvais empereurs ou les plus mauvais présidents.
    Tout le reste n’est que bavardages témoignant de l’efficacité de la propagande médiatico-politique qui a, très curieusement, ignoré, jusqu’ici toutes les « casseroles » de tous les autres candidats susceptibles d’être élus.

    • mathieu dit :

      Le problème est que Fillon est désormais considéré par l’opinion comme moins vertueux que tous les autres (à tort ou à raison) et qu’il risque d’hériter de ce fameux plafond de verre électoral (apanage de Le Pen jusqu’ici), son réservoir de voix se limitant aux conservateurs libéraux, plutôt âgés, plutôt nantis, plutôt éclairés des choses économiques… bref une peau de chagrin en volume électoral! Contrairement à Juppé, qui reprenait le même électorat, augmenté des jeunes et d’une large part du centre.

  4. Alan dit :

    Hamon n’est pas sûr de gagner s’il se retrouve face à Le Pen au deuxième tour.

    • Alan dit :

      Ni Fillon d’ailleurs, une grande partie de la gauche ne voterait pas pour lui. J’espère qu’il y aura d’autres raisons de voter pour Macron que par élimination.

  5. Num dit :

    Tout cela me conduit de plus en plus à penser qu’il est temps de mettre fin à cette exception française qu’est l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct et de remettre les élections législatives au centre de la politique, telles – entre autres – l’Allemagne et l’Italie.
    Ce suffrage direct fait que le débat politique porte sur la personnalité des candidats et non sur leur programme, a des effets malsains et atteint ses limites en 2017.
    Je rappelle qu’il n’a été instauré qu’en 1962 par De Gaulle qui voulait être plébiscité et que sous les IIe, IIIe, IVe et même début de la Ve République, le président était élu au suffrage indirect. Je ne pense pas (ou plus) que ce fut un réel progrès démocratique.

    • Liberty8 dit :

      Je suis très enclin à penser comme vous.
      Dans le contexte mondial et économique actuel, ce double pouvoir (président/assemblée) revient à mettre un freinage systématique à une voiture qui veut avancer.
      Arrêtons les frais !

  6. Andre MAMOU dit :

    Jamais Melenchon ne cédera sa place à Hamon !
    En politique, il ne faut jamais dire jamais mais dans ce cas je me risque .Tous les torrents de discours, les milliers d’heures à répondre à des journalistes, le million de lectures ingurgitées, et Merluche s’effacerait devant un perdreau de l’année ?
    Et Hamon investi par le PS ne peut que se maintenir en candidat présidentiel.
    Si Macron continue à dire tout et le contraire, il finira par être lâché par la gauche (qui aurait humilié les anti-GPA) les anciens pieds-noirs (crime contre l’Humanité) les juifs (crime contre l’Humanité ) et Fillon ferait un candidat à 20 % qui pourrait être qualifié.

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