Irrésistible Macron

Macron triomphant
(Photo AFP)

Pour la droite républicaine, les nouvelles ne sont pas bonnes : selon un sondage publié ce matin par « le Figaro », François Fillon n’arrive qu’à la troisième place au premier tour, avec 20 % des voix, contre 25 % (plus 4) à Emmanuel Macron et 27 % à Marine Le Pen.

M. MACRON bénéficie de l’alliance qu’il a conclue avec François Bayrou, du soutien que vient de lui apporter Daniel Cohn-Bendit et de l’indulgence de l’électorat pour ses déclarations hâtives sur le « crime contre l’humanité » commis par la France en Algérie. L’ancien ministre de l’Économie n’a pas commis que cette erreur au cours de la campagne. Son désir de ratisser large et d’attirer vers lui des suffrages de droite et de gauche l’a incité à prononcer plusieurs propos contradictoires. On peut se dire à la fois de droite et de gauche, mais on ne peut pas effacer ce qui les différencie, comme lorsque M. Macron a déploré « l’humiliation » infligée par le pouvoir aux forces hostiles au mariage pour tous. Cependant, la vraie question porte sur les conséquences des bévues commises par les candidats. M. Macron semble indemne, ou invulnérable, en dépit des critiques qui ne l’épargnent pas. Mme Le Pen a des démêlés avec la justice au moins aussi sérieux que ceux de François Fillon, elle n’en pâtit pas du tout en dépit d’une attitude faite de mépris de la justice et du refus de se soumettre aux convocations des juges.

Tactiques identiques.

M. Fillon, malheureusement, a pratiquement adopté la tactique de Mme Le Pen. Comme elle, il ne veut pas que la campagne soit faussée par des procédures judiciaires qui, visiblement dans son cas, minent son électorat. Il accuse même le pouvoir d’entretenir à dessein ce climat délétère. La communauté d’intérêts avec l’extrême droite tend à placer la droite républicaine dans le camp du Front national, ce qui permet à la gauche d’appliquer le même jugement aux deux candidats. Justement, ce qui fait la force de M. Macron aujourd’hui, c’est l’impasse dans laquelle se trouve la gauche. Certes, Benoît Hamon a conclu un accord avec Yannick Jadot, accord qui a été entériné par les militants écologistes, mais il n’a pas réussi à convaincre Jean-Luc Mélenchon qui, comme on devait s’y attendre, refuse de se retirer de la course à son profit. M. Mélenchon, au cours du déjeuner qu’il a eu avec M. Hamon, a donc pris le risque d’envoyer la gauche à la défaite. Non seulement son passé récent ne la qualifie guère pour rester au pouvoir sous quelque forme que ce soit, mais elle a trouvé le moyen de se déchirer au moment où pointe un danger mortel pour le pays, la conquête du pouvoir par une extrême droite décidée à ruiner les Français en abandonnant l’euro et l’Europe.

Le seul rempart sérieux.

Le pire, pour la candidature de M. Fillon, c’est que M. Macron apparaît comme le seul rempart sérieux contre l’avènement du FN. On peut même penser que tous ceux qui estiment qu’ils ne peuvent décidément pas pardonner M. Fillon iront grossir ses troupes, ainsi que les électeurs exaspérés par le clivage gauche-droite et par le jeu des alliances et renversements d’alliances.
Le week-end a néanmoins apporté une clarification, en ce sens que la gauche semble s’être résignée à la défaite et que le nouvel homme fort, face à Marine Le Pen, c’est M. Macron et non M. Fillon. Bien entendu, il reste huit semaines d’ici au premier tour de la présidentielle et, bien entendu, les sondages nous ont cent fois prouvé qu’ils se trompaient. Le candidat des Républicains peut encore améliorer sa cote de popularité, comme il l’a prouvé à la veille du premier tour de la primaire de la droite et du centre, en surgissant dans les sondages quelques jours à peine avant la consultation, puis en prenant la tête de la course. Une des anomalies ahurissantes de la campagne, c’est que la droite républicaine est en train de disparaître, et avec elle l’alternance. L’autre surprise, c’est le parcours triomphant d’Emmanuel Macron. L’histoire, cette année, s’écrit à coups de hache.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Irrésistible Macron

  1. Liberty8 dit :

    « A coup de hache » c’est exactement çà : les têtes tombent dans la violence .
    Ce dimanche lors d’un repas familial avec les enfants et leur amoureux (se) ( environ 30 ans) , je leur ai demandé pourquoi ils soutiennent Macron. La réponse a fusée immédiatement : « il est jeune, les autres ont eu leur chance sans résultat, on en a marre du clivage droite / gauche ».
    Sur le fait qu’il n’a pas de parti derrière lui et qu’il ne pourra gouverner sans compromis sérieux : « on s’en fout, on veux essayer autre chose qu’une répétition de vos erreur passées. C’est nous qui allons payer la facture, c’est a nous de choisir notre candidat et le notre c’est Macron ».
    J’en suis resté bouche bée, d’habitude c’était plutôt : » – bons les enfants va falloir aller voter dimanche / bof ya rien qui nous plait ! »
    J’en ai déduit que je me faisais sacrement vieux et qu’il fallait que je lise avec application les propositions du candidat du 2 mars pour voir s’il a décidé ou pas d’équilibrer ses comptes. Fillon va avoir beaucoup de mal a remonter la pente, c’est bien dommage !

  2. Michel de Guibert dit :

    Votre juste remarque à propos de la gauche « son passé récent ne la qualifie guère pour rester au pouvoir sous quelque forme que ce soit » vaut tout autant pour Emmanuel Macron !
    Il est tout de même paradoxal que cet ancien ministre de l’Economie de Hollande apparaisse comme un homme nouveau !
    Quant à ses soutiens, Pierre Bergé, Patrick Drahi, Lagardère, Bolloré, Arnault, Pigasse, Xavier Niel, tout le gratin de la finance et des médias… pour recommencer… jusqu’à l’inénarrable Cohn-Bendit !
    J’ose tout de même espérer que la baudruche se dégonflera…

    Réponse
    On peut toujours « espérer ». Je ne crois pas du tout que M. Macron mérite le jugement que vous lui réservez. Il a saisi un moment de l’évolution historique du pays et il tente de faire une offre politique qui satisfasse le ras-le-bol populaire. Quant à Cohn-Bendit, il n’est plus l’agitateur de mai 68. Il ne faut pas condamner les gens pour ce qu’ils ont été mais les juger pour ce qu’ils sont.
    R. L.

    • Num dit :

      Macron s’installe dans la peau du favori, celui soutenu par les médias et l’intelligentsia, de celui qui va gagner, celui qui doit gagner, celui qui ne peut que gagner.
      Or cette position a coûté très cher, ces derniers temps… Je ne me hâterai donc pas à titrer des conclusions définitives.

    • JMB dit :

      Daniel Cohn-Bendit, expulsé au cours des événements de mai 68, a été l’occasion de ce beau slogan. Après son expulsion de la France, les manifestants portèrent cette banderole: « Nous sommes tous des Juifs allemands ».
      Bien avant son ralliement à Macron, ses interviews révélaient des idées plus stimulantes, un discours plus éloigné du catéchisme que la moyenne.

  3. Jité portraitiste dit :

    Je ne sais pas qui sortira du panier de crabes mais je ne lui donne pas 6 mois pour être à son tour détesté par la majorité des Français.

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