L’exemple néerlandais

Rutte ne cache pas sa joie
(Photo AFP)

Le Premier ministre libéral hollandais, Mark Rutte, a clairement remporté les élections législatives dans son pays. Il obtient 33 sièges à la chambre basse du Parlement, une perte de huit sièges par rapport à 2012, mais le parti populiste de Gert Wilders, qui dispose désormais de 19 sièges et en a gagné quatre, n’est pas en mesure de former le prochain gouvernement.

LA VICTOIRE de M. Rutte, homme de 50 ans aux habitudes simples et bon enfant, réside principalement dans le coup d’arrêt porté au populisme dans son pays. Les Pays-Bas, nation de 17 millions d’habitants, risquaient en effet de basculer cette année dans l’hostilité à l’Europe, ce qui, après le Brexit, aurait été un très mauvais signal envoyé à l’Union européenne. D’où les chaleureuses félicitations adressées par François Hollande et Angela Merkel à l’homme qui semble en mesure de former un gouvernement de coalition. Les Néerlandais restent néanmoins clairvoyants. Ils savent que Gert Wilders pourrait un jour fédérer une série de petits partis. Le mode de scrutin est la proportionnelle intégrale, de sorte que 28 partis sont représentés au Parlement. On ne répètera jamais assez que la proportionnelle, réclamée à gauche et à droite en France, représente le véhicule d’une irruption de l’extrême droite à l’Assemblée nationale. Un journaliste hollandais indiquait ce matin qu’il est possible, sur le papier, de former un gouvernement populiste disposant de la majorité absolue à la chambre basse.

De vrais Européens.

Les Pays-Bas sont l’un des pays fondateurs du marché commun. Leur comportement européen a toujours été exemplaire, jusqu’au moment où une forte immigration a fini par provoquer chez les Néerlandais une vive acrimonie que M. Wilders a su capter à son avantage. De ce point de vue, la Hollande n’est pas différente de plusieurs pays de l’Union, tous confrontés à d’énormes flux migratoires qu’ils ont beaucoup de mal à contenir et qui entraînent la radicalisation d’une forte proportion de citoyens. De ce point de vue, le résultat obtenu par M. Rutte représente un exploit parce qu’il semble marquer la fin, ou tout au moins une pause, dans la dérive populiste de l’Europe. Le succès de M. Rutte montre que l’on peut limiter l’influence des milieux intolérants et xénophobes en introduisant assez de didactisme dans une campagne pour convaincre les électeurs de se détourner des choix dangereux.

La France n’est pas la Hollande.

François Fillon s’est félicité de la victoire « de la droite et du centre » en Hollande, sans cacher qu’il y voyait un signe prémonitoire de sa propre victoire à l’élection présidentielle. Mais les situations des deux pays sont très différentes. Il n’y a pas de scandale judiciaire affectant tel ou tel candidat aux Pays-Bas, monarchie où les élections législatives précèdent la désignation comme Premier ministre de l’homme (ou de la femme) capable de former un gouvernement. En revanche, il est vrai que M. Rutte apparaît comme le meilleur leader de la droite et du centre et que sa politique du statu quo tend à rassurer ses concitoyens alarmés par les vents mauvais qui soufflent sur l’Europe. En France, Marine Le Pen méditera à souhait sur la difficulté, pour un parti comme le sien, à passer de la protestation aux responsabilités gouvernementales. Sa stratégie est fondée sur la respectabilité qu’elle aurait donnée au Front, notamment en éliminant les éléments inspirés par le fascisme, le révisionnisme historique ou le négationnisme. Mais l’existence du Front sert de recours à tous ceux que fascinent encore l’hitlérisme et ses succédanés ; et Mme Le Pen ne peut garantir à personne qu’elle a nettoyé son parti de tous les suspects habituels.
L’exemple hollandais apporte en tout cas une bonne dose d’oxygène aux démocrates européens. Il montre que la dérive populiste n’est pas une fatalité, en dépit des sérieux problèmes d’immigration qui affectent l’Union. Au second tour, en France, il nous appartiendra de suivre cet exemples. Marine Le Pen étant à peu près certaine de franchir le premier tour, les électeurs hostiles au FN doivent faire de sa défaite une priorité.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à L’exemple néerlandais

  1. JMB dit :

    Le populiste Geert Wilders partage avec l’extrême droite française l’hostilité à l’Europe et à l’islam. Mais il professe des idées libérales quant aux mœurs, et c’est la base de son hostilité à l’islam. Il lui reproche son sexisme, l’inégalité entre homme et femme, son intolérance à l’égard des homosexuels. Il ne semble pas rejeter les innovations sociétales de son pays, en particulier le mariage entre homosexuels dont les Pays-Bas se sont faits les précurseurs, ni même la consommation régulée du cannabis.
    À la différence, en France, il y eu la Manif pour tous, Sens commun, l’hostilité à la régulation du cannabis, la prévention à l’égard des salles de shoot. Il y a même des contempteurs de la loi sur l’IVG qui a plus de 40 ans.
    Malgré la poussée du populisme aux Pays-Bas, n’est pas remis en question le vote des étrangers non communautaires aux élections locales. Il a eu lieu pour la première fois en 1986. Dans le même temps, en France, par le biais d’un scrutin législatif départemental proportionnel, étaient envoyés à l’Assemblée nationale des députés du Front national. Ce vote des étrangers non communautaires aux élections locales existe donc depuis 30 ans aux Pays-Bas et est entré dans les mœurs; en France, il a toujours une fonction de chiffon rouge.
    Incontestablement, les Pays-Bas sont différents de la France.

    • Michel de Guibert dit :

      Je vous laisse la responsabilité de votre éloge des positions libérales-libertaires de Geert Wilders… à chacun ses héros !

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