Valls soutient Macron

Une décision qui lui en coûte
(Photo AFP)

Les trois mots qui forment le titre de ce blog ne sont pas du tout anodins. Si on ne s’y attendait pas, Manuel Valls aurait déclenché ce matin une tempête politique.

MAIS BENOÎT HAMON lui-même avait prédit le ralliement de l’ancien Premier ministre à l’ancien ministre de l’Economie. M. Macron a remercié M. Valls avec satisfaction, mais il s’est empressé de ne prendre aucun engagement en matière de gouvernement. Autrement dit, M. Valls était libre d’imiter d’autres ministres, comme Jean-Yves Le Drian, mais il n’obtient rien en échange. M. Valls explique sa décision par la nécessité, pour l’ensemble de la classe politique, d’empêcher l’élection de Marine Le Pen à la présidence. Il estime que M. Hamon n’apporte pas les garanties suffisantes pour éloigner le danger du populisme. Il exprime une forme de désintéressement en ne briguant aucun poste.

Premier coup dur.

Il n’avait pas vraiment le choix, mais il a dû lui en coûter d’apporter à M. Macron un soutien qu’il ne lui a guère donné quand celui-ci n’était que son ministre et, à ce titre, a subi quelques colères de M. Valls, parfois publiques. Objectivement, M. Macron a su, avec l’habileté du vétéran qu’il n’est pas, ravir son projet à M. Valls. Il n’y a pas quatre mois, M. Valls suppliait François Hollande de dire publiquement s’il était candidat ou non. A peine le chef de l’Etat annonçait-il son renoncement que Valls démissionnait et entrait en campagne. Premier revers, et pas des moindres : après une campagne très médiocre, il a perdu la primaire au profit de Benoît Hamon, l’un de ces frondeurs socialistes qui avait déjà tenu tête à l’exécutif. Pour lui, déjà, c’était bien mal parti.
Comme tous les candidats socialistes, M. Valls avait pris l’engagement de soutenir le vainqueur. Mais M. Hamon ramenait le parti vers l’école dogmatique, avec un programme qui représente l’anti-Valls absolu. Ce qui explique d’ailleurs que tant de chefs de file du PS refusent de servir les intérêts d’une cause dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. On ne le dit pas assez : M. Hamon, concurrencé sur son extrême gauche par Jean-Luc Mélenchon, champion de « la France insoumise », ne représente plus que les archaïques du parti. Le soutien de tous ceux qui croient en lui, depuis le brillant économiste Thomas Piketty, jusqu’à l’ancienne ministre Aurélie Filipetti, compagne d’Arnaud Montebourg, ne lui suffit pas pour conquérir les éléments de la majorité silencieuse sans lesquels il n’existe pas de victoire possible.

S’il n’existait pas…

Dans les sondages, et pour autant qu’ils aient une valeur prédictive, M. Mélenchon est passé devant M. Hamon, de sorte que le candidat du PS perd toute crédibilité dans sa lutte contre l’ascension du Front national. Lorsque, au lendemain des élections on comptera les soldats qui auront survécu à ce Waterloo, M. Hamon mesurera sa solitude, M. Macron, de toute façon, aura avec lui une partie de l’électorat socialiste et Manuel Valls cherchera à reconstruire le parti avec ce que la défaite lui aura laissé. A propos de la présidentielle, on ne parle pas assez des législatives qui vont suivre et qui risquent bien de confirmer le déclin durable du PS. Dès aujourd’hui, cependant, on embrasse toute l’étendue de l’action d’Emmanuel Macron : il a obtenu le soutien d’un Premier ministre et d’anciens ministres auxquels il devait naguère le respect ; il a créé une sorte de parti hybride ou « trans-courants », qui se présente comme le melting pot de la France qui change ; depuis que François Fillon est en perte de vitesse, M. Macron est le seul, aujourd’hui, a être capable d’infliger une défaite à Marine Le Pen au second tour. Ce qui fait la force de Macron, c’est que, pour les deux tiers des Français, s’il n’existait pas, il faudrait l’inventer.

RICHARD LISCIA

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8 réponses à Valls soutient Macron

  1. Michel de Guibert dit :

    … mais ce qui fait la faiblesse de Macron, c’est que, même s’il était vainqueur des présidentielles, il n’aurait pas de majorité aux législatives qui suivront l’élection présidentielle.

    Réponse
    Vrai. Mais on dit ça depuis le début de son aventure. Résultat : il est dans les sondages parfois deuxième et parfois premier. Si, au second tour, les gens votent pour lui, ce sera pour bloquer Marine Le Pen. Une fois qu’ils auront fait, pourquoi ne donneraient-ils pas une majorité à Macron ?
    R.L.

    • Liberty8 dit :

      Ils ne donneront pas une majorité à Macron car son parti n’est pas encore fonctionnel sur le terrain, on va se retrouver avec un nombre de triangulaires importants ( je ne sais s’il est possible de faire des quadrangulaires ?) et tout dépendra du renoncement des socialistes en faveur du candidat « En Marche! » et réciproquement. Donc il faudra une entente entre partis et, à mon avis, c’est loin de se produire
      En revanche, après un ou deux ans à la présidence, après avoir monté les bases intra- départementales de son parti, une dissolution et une majorité peuvent se profiler si les résultats sont bons .. ou trop mauvais avec une cohabitation.

  2. Liberty8 dit :

    Que l’on ne me dise pas que Valls ne connaissait pas le programme de Hamon avant les primaires. Il connaissait l’attitude à gauche toute. Il a signé la charte promettant d’accepter la décision des primaires et de se mettre au service du candidat vainqueur. C’est un parjure. Ca risque de lui coûter très cher dans le futur. Mélenchon a dit des mots très durs à son sujet, mais non dénués de vérité.

    Réponse
    Si Mélenchon veut sauver la gauche, il lui suffit de rejoindre Hamon, ce qu’il refuse de faire obstinément. Il a sa part de responsabilité dans l’échec programmé de la gauche. Quant aux noms d’oiseaux lancés à Valls, ils décrivent fort bien la vulgarité de la campagne.
    R.L.

    • Num dit :

      Hamon n’a fait que trahir le gouvernement et la majorité dont il était issue sans hésiter à manifester contre leur politique et même à voter une motion de censure contre le Premier ministre Valls qui l’avait pourtant nommé ministre. Ce, au nom de ses convictions de gôche.
      Et maintenant, il reproche à Valls de lui rendre la monnaie de sa pièce ?
      Il ne récupère que ce qu’il a cherché. Qu’il ne vienne pas pleurnicher. Il est capable de faire moins de 10%.

      Réponse
      Tout à fait d’accord
      R.L.

  3. Patrice Martin dit :

    J’avais écrit que Valls ne serait que l’enseigne de vaisseau de l’amiral Macron, en fait ce sera simple matelot. Sait-il au moins qu’il risque de s’embarquer pour un tour de la Guyane à la voile ? Rendons justice à l’amiral : quand il déclare que la culture française n’existe pas, il n’hésite pas à le prouver par ses propres propos…

  4. Num dit :

    N’allez pas trop vite en besogne, cher R.L.: les jeux sont loin d’être faits. Les sondages ne valent rien. Le vote est loin d’être cristallisé. Tout va se jouer dans les derniers jours. L’électorat de Macron est très fragile avec des gens susceptibles de changer d’avis voire de ne pas se déplacer. Il sera beaucoup plus bas qu’on le croit pas. Dire que deux tiers des Français l’attendent me paraît exagéré.
    De plus, je trouve que maintenant qu’il fait figure de favori, il fait de plus en plus de langue de bois, ne prend plus de risque et fait surtout tout pour ne déplaire à personne. Ca a coûté cher à certains dans un passé récent, cette tactique…

    Réponse
    Les sondages ne valent rien ? Et l’état réel du rapport de forces : la campagne de M. Fillon est-elle en train de s’envoler ? M. Hamon n’est-il pas en perte de vitesse, lâché par certains, dépassé par M. Mélenchon ?
    Pour justifier votre analyse, vous dites que Macron parle la langue de de bois, qu’il ne prend plus de risque, qu’il veut plaire à tout le monde. Cela signifie-t-il qu’il n’est pas populaire, qu’il n’est pas à peu près sûr de se retrouver au second tour ? En résumé, on peut nier les sondages, nier la réalité du terrain, nier les rapports de forces, on ne peut pas, à 24 jours du scrutin (je trouve votre expression « aller vite en besogne » injuste et inexacte), ignorer les probabilités et tourner le dos à la raison, signe d’ailleurs incontestable d’un certain désespoir. Si votre dernier argument, c’est que Macron devient antipathique, adieu le commentaire politique.
    R.L.

    • Num dit :

      Je pense seulement que les sondages ne sont pas significatifs parce que les votes ne sont pas cristallisés et qu’il faut les prendre avec beaucoup de pincettes. On a vu notamment lors des primaires ou des élections américaines, que les jeux se faisaient dans les tout derniers jours. Donc oui, je pense qu’il n’est pas sûr que Macron soit au second tour.
      Je ne dis pas qu’il devient antipathique, je dis qu’il est comme paralysé et que cette stratégie d’immobilisme propre aux favoris a coûté cher récemment, à Juppé, Valls ou Hillary pour les nommer.
      Réponse
      Non, rien n’est sûr. Le cas de Macron, cependant, n’a rien à voir avec celui de M. Valls, de M. Juppé ou de Mme Clinton. Macron, lui aussi, et à sa manière, est un populiste. L’idée qu’on peut prévoir bien ou mal n’a aucun intérêt. Le propre de la démonstration, c’est la logique. Macron est en tête, il a les plus grandes chances d’y arriver. Il peut aussi se casser la figure dans l’escalier.
      R.L.

      • Liberty8 dit :

        C’est ce que j’appelais il y a deux mois « le populisme du centre ». On en a un à droite, un à gauche et maintenant un au centre et le populisme a le vent en poupe dans les dernières élections mondiales. Donc oui, Macron a de grandes chances de passer la barre du premier tour et du tour suivant entre deux populistes. Mais ensuite il y a ce que j’appelle le deuxième round, celui des législatives, et la droite a de grandes chances de sortir vainqueur. C’est en fin de compte avec le FN (hélas) le seul parti qui reste encore groupé, avec des relais départementaux .

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