La chance de Macron

Macron à Marseille
(Photo AFP)

Il est trop facile, pour ceux qui combattent Emmanuel Macron, d’écarter d’une pichenette le contenu de son programme. L’ancien conseiller du président ne s’est pas lancé dans la campagne sans avoir mis au point un vaste projet de réforme des structures économiques du pays. Il n’ignorait aucune des difficultés qu’il allait rencontrer mais, pendant son parcours, il a été servi par une chance insigne.

PEUT-ON, en effet, attribuer à sa perspicacité la position unique qu’il occupe désormais dans le spectre politique ? Le leader d’En Marche ! ne pouvait pas imaginer que, après avoir quitté sèchement François Hollande, il apparaîtrait, à moins d’un mois du premier tour, comme le seul et amer espoir du chef de l’État, celui de trouver dans l’élection de M. Macron l’aboutissement de sa propre action. En fait, le jeune candidat a accumulé les ralliements bizarres et les rapprochements inattendus (comme sa soudaine affection pour Christian Estrosi, qui la lui rend bien) où le comique de situation le dispute à la multiplication des allégeances. M. Macron ne manque pas de culot, par exemple quand il rend visite à Philippe de Villiers et n’hésite pas à approuver abondamment ses concurrents dans les débats télévisés. On a d’ailleurs tout dit de cet oecuménisme, jugé outrancier, alors qu’il correspond au vif désir de M. Macron d’effacer les lignes idéologiques et de rassembler les bonnes volontés.

Invulnérable.

On ne peut pas se prétendre démocrate et ridiculiser une démarche conçue pour apaiser la vie politique, ou transformer la guerre verbale en discussion sur les intérêts bien compris du peuple et du pays. On voit bien d’ailleurs que, dans le champ des partis, les candidats et leurs soutiens restent impitoyables. C’est pourquoi la haine et l’acharnement dont M. Macron fait l’objet traduisent sa capacité non seulement à remporter la bataille électorale, mais à surmonter les difficultés qu’il rencontre, avec une aisance insensée. Les attaques le laissent parfois indifférent, comme s’il voulait éviter de montrer les crocs. La calomnie glisse sur lui sans entamer sa popularité. De temps en temps, il élève la voix et prétend se fâcher avec une indignation factice. Il a l’air invulnérable.

Des facteurs convergents.

Et, en plus, il a une baraka incroyable. Il ne pouvait pas savoir que François Hollande renoncerait à se présenter pour un second mandat, lui ouvrant ainsi, à lui, Macron, une boulevard vers la magistrature suprême. Il ne pouvait pas savoir que Manuel Valls perdrait la primaire, lui abandonnant, à lui, Macron, le rôle du réformiste sérieux qui veut changer le pays, économie, société, modernisation sociale et morale. Il ne pouvait pas savoir que la gauche pure et dure n’aurait plus pour homme-lige que Benoît Hamon, dont la campagne n’est nullement négligeable mais qui aurait beaucoup de mal à porter le costume du président. Il ne pouvait pas savoir que M. Hamon entraînerait le PS, et la gauche avec lui, vers une très probable déroute. Il ne pouvait pas savoir, enfin, que la droite, c’est-à-dire le camp pour lequel cette élection ne comportait aucun risque, irait s’écraser sur le mur de la probité et que, non contente d’être représentée par un candidat poursuivi par la justice, elle ne saurait rien faire d’autre que de le garder comme candidat.
Ainsi se forge un destin hors normes. Emmanuel Macron a assez d’ambition et d’intelligence pour secouer un pays sclérosé, pour créer un mouvement, pour s’imposer comme acteur majeur dans cette élection. Mais que, aujourd’hui, il soit aux marches du pouvoir et, plus encore, qu’il soit, avec M. Fillon, le dernier rempart contre une victoire toujours possible du Front national, voilà qui ne pouvait survenir qu’après les multiples ricochets de son destin.

RICHARD LISCIA

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7 réponses à La chance de Macron

  1. liberty8 dit :

    Comme un bolide dont les concurrents ont bien involontairement allumé tous les boosters il ne lui reste plus qu’a garder la ligne droite, éviter la sortie de route et continuer sur sa lancée sans toucher à l’accélérateur.
    En 2017 les planètes de la galaxie Macron étaient toutes alignées sur son soleil.

  2. Lefrançois dit :

    Enfin, vous ouvrez les yeux sur M. Macron, avec la lucidité dont vous avez souvent fait preuve, et (enfin) de l’objectivité. Pendant un temps, vous m’avez donné l’impression de « rouler pour Fillon », presque à la façon du Figaro (aussi objectif que « la Pravda » en son temps) et/ou de TF1, et si j’osais vous donner un conseil, ou du moins formuler un souhait, continuez dans cette voie,

    Réponse
    J’ai rarement lu une lettre si bien tournée, où la pire des accusations est enrobée dans le compliment. Gardez-vous de me donner le moindre conseil car vous n’avez pas le dixième de mon objectivité. On ne parle pas de M. Macron aujourd’hui comme on en parlait il y a six mois. Au demeurant, dire qu’un homme a de la chance ne veut pas dire qu’on approuve tout ce qu’il est fait. « Rouler pour Fillon », vous n’avez pas honte de m’envoyer ça à la figure ? Je roule seulement pour des lecteurs intelligents.
    R.L

    • Eve M. dit :

      N’osez rien, Lefrançois.
      Votre réponse est irritante.
      Même pour moi, simple lectrice.

    • liberty8 dit :

      « Rouler pour Fillon », on voit, Lefrançois que vous ne suivez pas le blog de façon assidue. Ce blog évolue en fonction de l’actualité et plusieurs fois il a été dit que Fillon devait se démettre, Macron a été défendu, etc.
      C’est pour cela que je le suis car il est objectif, même si je ne suis pas toujours d’accord.
      Je « roule plutôt pour Fillon », moi oui !

  3. Bastien dit :

    La chance de Macron a été bien aidée par les manœuvres de Hollande pour éliminer Fillon et surtout son programme qui est pour moi toujours le meilleur pour la France. Je ferai juste remarquer Les milliards d’euros inutilement dépensés pour l’assurance chômage universelle, le mois de service militaire obligatoire et la hausse de la CSG alors qu’il y a quelques mois Macron stigmatisait le trop d’impôts qui tue l’impôt et c’est pour cela qu’il en rajoute un de plus.
    Réponse
    Mais qui vous dit le contraire ? Il s’agit d’un article sur le parcours de Macron, pas sur ses idées, et comment il est passé de banquier à candidat à la présidence. Pourquoi m’interpellez-vous sur un sujet que je n’ai pas traité ?
    R.L.

  4. Patrice Martin dit :

    Vous croyez au hasard, moi à la nécessité. A la chance, moi à la stratégie. La première étape était de faire voter Fillon par les militants de gauche à la primaire de droite. Pas pour sortir Sarkozy comme tout le monde l’a cru, mais pour descendre Juppé qui était clairement à ce moment le prochain président de la République et contre qui on avait beaucoup moins d’arguments que contre Fillon, sans compter sa place plus au centre donc plus gênante pour quelqu’un qu’y prétend s’y situer. Archi facile, il y a un précédent célèbre quand Chirac a fait voter Mitterrand contre Giscard en 1981 ; Charles Pasqua a avoué qu’il avait signé la circulaire adressée aux responsables départementaux du RPR. C’est pour cela que les sondages se sont plantés, ils n’avaient évidemment pas pu comptabiliser les électeurs de gauche qui en ont remis une dose en faveur de Fillon au deuxième tour pour être certains de tenir la bonne victime. Normal, le score de Fillon au second tour ? Normal, que des gauchistes se déplacent à une primaire de droite en favorisant le plus à droite des candidats ?
    La deuxième étape consistait à faire déposer le paquet cadeau sur le bureau du rédacteur en chef du « Canard », avec la certitude de disqualifier définitivement le candidat de la droite et du centre.
    Quant à la primaire de gauche, on peut évoquer un mécanisme identique pour éliminer Valls, qui aurait encombré l’autoroute du centre à la présidentielle : faire « suggérer » aux militants par les ténors du parti, de voter Hamon. Je trouve très étrange que ce soit un candidat représentant une faction très minoritaire des socialistes qui ait remporté cette primaire. Et très suspects les ralliements massifs de ces ténors à Macron dès que cela a été possible.
    Macron ne pouvait pas savoir ? La seule question à laquelle je n’ai pas de réponse, c’est le nom du chef d’orchestre : Emmanuel Hollande ou François Macron ?
    Je sais que vous allez me taxer de complotisme ou de politique fiction. Chacun s’accorde à reconnaître l’étrangeté et la bizarrerie de cette campagne sans précédent. Elles s’expliquent pourtant parfaitement de cette façon.

    Réponse
    Je ne vous accuse de rien. Il me semble néanmoins que votre délicate construction intellectuelle n’a pas grand-chose à voir avec la réalité des faits absolument certains que j’ai énoncés.
    R.L.

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