Un suspense sans précédent

La surprise de cette campagne
(Photo AFP)

Il est désormais bon et utile d’observer la scène électorale avec humilité. Le jeu incessant des pourcentages en hausse ou en baisse obtenus par les candidats dans les enquêtes d’opinion ne permet aucune prédiction fiable.

FRANÇOIS FILLON a encore une chance de se qualifier pour le second tour. On note un frémissement à la hausse de sa popularité, qu’il a encore le temps d’améliorer, sans que l’on puisse encore parler de dynamique. Jean-Luc Mélenchon s’y voit déjà, mais il n’est pas certain de franchir le cap du premier tour. Marine Le Pen faiblit (d’au moins deux points, à qui la faute ?) mais elle reste en tête de tous les sondages. Emmanuel Macron perd un peu de terrain et ce pourrait être la conséquence d’une légère remontée de M. Fillon.

Une dynamique Mélenchon ?

Mais le tableau général qui s’imposait encore il y a une ou deux semaines n’est pas radicalement transformé. Mme Le Pen semble indestructible et M. Macron la talonne. Le seul changement, c’est l’ascension de M. Mélenchon, susceptible de modifier la donne. En effet, sa progression peut encore évoluer de deux manières : soit il atteint un plafond que son programme marginal ne lui permet pas de crever ; soit au contraire, il attire comme un aimant tous les électeurs mécontents, et Dieu sait qu’ils sont nombreux, et alors il prend un point chaque jour, double Fillon, puis dépasse Macron. Le choix laissé à l’électorat au second tour serait entre deux candidats qui se ressemblent : anti-européens, anti-OTAN, et décidés à balayer structures et institutions pour instaurer un ordre nouveau. M. Mélenchon n’aimerait pas qu’on le compare à Mme Le Pen et vice versa. Ils ont pourtant et quoi qu’ils en disent de curieuses mais profondes affinités.
Cet état des lieux au second tour semblerait confirmer l’extraordinaire évolution des esprits, à l’image de ce qui s’est produit aux États-Unis, où le peuple n’a eu de cesse d’abattre l’Establishment. Il démontrerait que, après avoir empêché des hommes prestigieux, Hollande, Sarkozy, Juppé, les Français s’attelleraient à la démolition systématique des deux grandes forces qui se partagent le pouvoir depuis 57 ans, le PS et la droite. Et accepteraient tous les risques que présenterait une aventure de type révolutionnaire.

Entre Charybde et Scylla.

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que, si M. Mélenchon et Mme Le Pen sont qualifiés au second tour, la droite de gouvernement votera massivement pour la présidente du Front national et la gauche pour le chef du parti de gauche. Un électorat capable d’écarter à la fois M. Fillon et M. Macron n’hésitera pas à afficher sa volonté de changement. La droite votera pour conjurer le danger d’une gestion trotskiste et la gauche pour écarter le néo-fascisme. C’est Charybde et Scylla, un choix insupportable pour tous les démocrates. L’admirateur de Chavez et de Castro, l’homme qui annonce sans ambages qu’il va dépouiller les épargnants, l’islamo-gauchiste impénitent n’a rien à envier, dans le genre destructeur, à la femme qui a cru bon de relancer le débat sur les responsabilités de l’État français pendant l’Occupation, qui nous présente un programme propre à nous ruiner tous et qui, en dépit de la menace qu’elle fait peser sur tous les Français, est acclamée par ses partisans.
Dans ce tableau consternant, MM. Fillon et Macron apparaissent comme des planches de salut. Malheureusement, M. Fillon est convaincu qu’il ne peut gagner des points qu’en les prenant au leader d’En Marche ! tandis que celui-ci critique M. Fillon dans l’espoir de l’empêcher de se qualifier. Il ne reste plus qu’à attendre que les événements se décantent, mais il demeure que jamais campagne n’aura été aussi hargneuse, jamais les enjeux n’auront été aussi importants et jamais l’offre politique n’aura été aussi médiocre, incertaine, insuffisante.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Un suspense sans précédent

  1. ARNOULD Olivier dit :

    Un petit commentaire sur la défense de M. Fillon, faite par des professionnels qui semblent autant hors du coup que lui :
    -soit il est coupable, sans doute comme beaucoup, et de toutes manières, il paiera, maintenant ou plus tard. Donc, amnistie relative.
    -soit il n’est pas coupable. Alors, cela veut dire qu’une simple rumeur peut détruire l’avenir d’un pays. Que le créateur de cette rumeur va être responsable, si les élections nous donnent le match Le Pen/Mélenchon, de la totale destruction du rêve européen, et de l’avenir de notre pays. Quid des puissances étrangères qui redoutent l’Europe? Je n’ose imaginer que le coup vienne de chez nous.
    Le pire serait qu’il ne soit ni élu au premier tour, ni condamné.

    Réponse
    Bonne hypothèse;
    R.L.

    • mathieu dit :

      Au-delà de l’effet diabolique de la rumeur, toxine incontrôlable emportant sa victime dans un choc réfractaire, métastase qui repousse inexorablement dans un organe où on ne l’attend pas (cf le feuilleton hebdomadaire du « Canard »), noyau de réacteur nucléaire en fusion incontrôlée, on ne dira jamais assez que la droite s’est auto-détruite en trois mois, par le jeu tout aussi diabolique de ses trois leaders:
      – Fillon, parti pied au plancher dans son bolide de course dont il a verrouillé les portières et bloqué le régulateur de vitesse, roule sans espoir vers la barrière de péage fermée;
      – Sarkozy a tout fait pour saborder le plan B, et qu’il n’y ait personne après lui;
      – Juppé qui, le 6 mars, a renversé rageusement le plateau où toute la droite (parfois la mort dans l’âme) venait lui apporter, tels les bourgeois de Calais, les clefs de l’élection (premier de tous les candidats au sondage du 5 mars).
      Electorat capricieux, rumeur maléfique, mais aussi, leaders politiques irresponsables!

      Réponse
      Ce que vous dites sur Juppé est inexact : il était prêt à y aller le 5 mars, Sarkozy l’en a empêché.
      R.L.

  2. Num dit :

    Tout à fait d’accord avec votre analyse, cher R.L. Cette campagne électorale ridiculise la France aux yeux du monde. Il suffit de voir le débat à 11 candidats de la semaine dernière ou 8 (voire 9) de ceux-ci disent absolument n’importe quoi sans honte ni retenue. On touche le fond.

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