Les cartes ultimes de Fillon

Macron en meeting
(Photo S. Toubon)

Les sondages les plus récents ne confirment pas la dynamique de François Fillon, pas plus que celle de Jean-Luc Mélenchon. En revanche, il apparaît clairement qu’Emmanuel Macron arrive maintenant en tête et devance Marine Le Pen, ce qui, sauf très grande surprise, devrait indiquer que le second tour se jouera entre M. Macron et la candidate du FN.

DANS UNE DYNAMIQUE, le plus important, c’est le temps laissé au candidat pour accentuer son rebond. La moyenne des sondages publiés d’hier à aujourd’hui, étant entendu qu’il n’y en aura pas samedi et que les ultimes enquêtes seront publiées demain, accorde une avance de M. Macron sur Mme Le Pen, de l’ordre de deux à trois points, ce qui représente tout de même un million deux cent mille électeurs. Selon Harris Interactive, M. Macron se situerait à 25 %, Mme Le Pen à 22, MM. Fillon et Mélenchon ex-aequo à 19. La campagne extraordinairement puissante et fructueuse du leader de la « France insoumise » semblerait donc buter sur le seuil de 19%, ce qui est insuffisant pour qu’il se qualifie pour le second tour. En même temps, les chiffres semblent prouver que M. Fillon est dans la même situation.

La « réunification » de la droite.

La droite et le centre ont fait d’immenses efforts de réunification autour de leur candidat. Nicolas Sarkozy a diffusé une video dans laquelle il soutient M. Fillon « sans états d’âme ». Ce matin encore, les deux hommes se sont rencontrés. Alain Juppé a fait un tour de piste public avec le candidat, mais semblait peu enthousiaste. Plusieurs commentateurs ont estimé que ces soutiens arrivent un peu tard, mais si M. Juppé n’a pas caché son ressentiment contre une manoeuvre des sarkozystes qui a empêché tout désistement de M. Fillon après sa mise en examen, l’ancien président, pour sa part, s’est rallié à M. Fillon, depuis le discours du Trocadéro, le 5 mars dernier, en échange, semble-t-il, de concessions acceptées par celui-ci au sujet de la composition d’un gouvernement de droite que dirigerait François Baroin. S’agissant de M. Sarkozy, on ne peut donc pas dire que son soutien est mitigé.

Fillon tient bon.

M. Fillon s’efforce de rester lui-même. Il a refusé de participer à toute émission de radio ou de télévision où des questions lui auraient été posées sur l’affaire judiciaire qui le concerne, ce qui lui a valu un différend avec RMC et BFMTV. Il est revenu sans hésitation sur sa décision de ne pas remplacer 500 000 fonctionnaires partant à la retraite, en réaffirmant, par exemple, qu’il y a plus d’agents pour gérer la santé que de médecins et d’infirmiers pour soigner les patients. Il attaque M. Macron plus souvent que Mme Le Pen car son rêve est de se retrouver au second tour face à la candidate du Front national. Il est bon, et même utile, qu’il défende son programme plutôt que sa personne et qu’il réaffirme les principes d’une réforme adaptée au mal français.
Il porte néanmoins une lourde responsabilité : s’il ne franchit pas le premier tour, il expose la droite à un risque de décomposition comparable à celui qui menace la gauche, qui ne se relèvera pas de sitôt de l’échec annoncé de Benoît Hamon, doté de 8 % des suffrages par les enquêtes d’opinion. L’ancien Premier ministre peut encore espérer attirer vers lui des indécis, dont la proportion est relativement élevée, mais je doute, pour ma part, que leur rôle puisse être décisif. Pour la raison suivante : si, à 19% des voix, on peut se qualifier, M. Mélenchon est dans une situation identique à celle de M. Fillon. On ne voit pas pourquoi les deux challengers dépasseraient les deux premiers dans une sorte de renversement de la hiérarchie. En outre, un duel Fillon-Mélenchon au second tour ne tournerait pas forcément à l’avantage de l’ancien Premier ministre, selon les sondages.
Pour la droite, un échec à la présidentielle devrait jouer le rôle du stimulant pour les législatives. Car cette droite majoritaire existe dans le pays et elle n’a fondu que parce qu’une partie de ses électeurs porte un jugement négatif sur M. Fillon. Il demeure donc un électorat qui n’accepte pas que la victoire tant attendue lui soit « volée ». Une majorité LR-centristes à l’Assemblée écarterait durablement le danger d’une explosion de la droite et le nouveau président serait contraint de former un gouvernement de cohabitation.

RICHARD LISCIA

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3 réponses à Les cartes ultimes de Fillon

  1. Nicolette dit :

    Ce que j’admire chez les journalistes français, c’est cette capacité à nous expliquer que tout est plié avant une élection, une compétition sportive. Bien que les résultats diffèrent régulièrement des prévisions, cela n’empêche pas de recommencer la fois suivante. À quoi servent ces supputations qui permettent d’occulter le fond de la campagne présidentielle. C’est très probablement le but recherché car un seul candidat a un programme qui est le fruit de trois années de travail mais comme il n’est pas le candidat des médias, il fallait l’abattre.

    Réponse
    Rien n’est plié et les « journalistes français » ne cessent de le répéter. Il n’y a pas de candidat des médias, il y a l’observation des faits. Les sondages sont une photographie à un instant donné, ils ne préjugent pas du résultat final. Ce que je n’admire pas chez certains lecteurs, toujours hargneux sous le couvert de l’anonymat, c’est de faire des journalistes leurs boucs émissaires, comme si museler l’expression, et censurer l’analyse étaient les bons moyens de protéger leur candidat. Il existe une différence énorme entre le vote, libre et totalement secret, et l’observation des faits. « Nicolette » serait stupéfaite d’apprendre comment votent « les journalistes français ». Et de toute façon, l’attentat sur les Champs-Elysées rebat toutes les cartes.
    R.L.

  2. liberty8 dit :

    Je ne pense pas que l’attentat des Champs modifie grand chose, comme la grotte d’Ouvéa n’avait rien changé non plus. Les Français commencent, hélas, comme les Israéliens, à se faire à l’idée que ce ne sera pas le dernier, qu’il faut quand même continuer sa vie et ils ne réagiront pas de manière épidermique. N’est-ce pas le début de l’échec de la stratégie de Daech et consorts ?
    Par contre, pour revenir à la réflexion de Nicolette, tuer le messager (
    les journalistes) , même s’il n’est pas porteur des nouvelles espérées, c’est très réductif et nous conduit à des attitudes extrémistes.

  3. Gilbert dit :

    La seule donnée un peu crédible en termes de prévision ces derniers jours est celle rapportée par liberty8 en réponse à votre précédent blog parce qu’elle « croise » sondages et big-data (et pour mémoire elle propose Le Pen et Fillon au second tour).

    Réponse
    Est-ce que je dois prendre note pour vous infliger un cruel démenti dimanche soir? Non. Je dis « Vive liberty8 », et je dirai même plus : « Vive la liberté ! »
    R.L.

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