La quinzaine de tous les dangers

Mélenchon : pas de consigne de vote
(Photo AFP)

Le réveil post premier tour produit la gueule de bois des lendemains de nuit agitée. Un mouvement se dessine en effet qui pourrait offrir la victoire à Marine Le Pen au second tour.

LE DANGER représenté par l’extrême droite n’est plus perçu avec la même acuité qu’il y a quelques années encore. On n’a pas assisté lundi à l’immense sursaut anti-Le Pen que la qualification de la candidate aurait dû soulever. Rappelez-vous : en 2002, les Français avaient manifesté contre Jean-Marie Le Pen, qualifié pour le second tour. Ils auraient mieux fait de voter, mais au moins ont-ils indiqué l’aversion que le Front national leur inspirait. Cette année, la droite, soucieuse de son unité, a passé un « compromis » qui revient à dire qu’il n’y aura pas de consigne de vote pour Emmanuel Macron ; bien entendu, les suppôts du conservatisme archaïque, comme Christine Boutin, toujours en retard de cinquante ans sur l’évolution de la société, annoncent un vote pour Mme Le Pen ; et le pire, peut-être, c’est que la gauche de Jean-Luc Mélenchon se refuse, en tout cas jusqu’à présent, à soutenir officiellement M. Macron. Cette dérobade montre la vraie nature de la France dite insoumise : ce que M. Mélenchon ne peut pas avoir, il ne veut pas qu’un démocrate l’obtienne et il joue le chaos. C’est le même qui chante le mot France dans ses discours holographiques et nous cite Thucydide pour mieux nous épater. Ses hésitations à choisir le camp démocratique révèlent à la fois ses puissantes affinités avec l’autoritarisme et l’anti-européanisme de l’extrême droite et une vague idée qui lui fait croire qu’en contribuant au délitement national il finira par tirer son épingle du jeu. Il a fourni pendant la campagne diverses raisons de s’écarter de lui, voilà qu’il ajoute la paille qui casse le dos du chameau.

Gauche peau de chagrin.

Avant le scrutin, il était courant de dire que l’influence de la gauche française rétrécissait comme une peau de chagrin. Elle ne pesait pas plus de 35 % du corps électoral. Effectivement, les résultats du premier tour indique qu’en additionnant Mélenchon, Hamon, Poutou, Arthaud, on arrive à 30 % ou à peine un peu plus. M. Macron, néanmoins, peut se targuer d’avoir été élu par de nombreuses voix de gauche, d’autant que, parmi ses soutiens, on compte de multiples figures du PS. Mais il est impossible de savoir avec précision le pourcentage des socialistes qui ont voté Macron. Ce que montre le premier tour, c’est que la structure du corps électoral a été bouleversée. On compte quatre blocs : droite, En Marche !, extrême droite, extrême gauche. La gauche a pratiquement disparu et la droite a perdu un tiers de son électorat, du moins à l’occasion de la présidentielle, ce qui ne se vérifiera pas nécessairement lors des législatives.
La logique constitutionnelle exigeait une alliance tactique entre la droite et En Marche !, avec le soutien de ce qui reste de la gauche classique. Il n’en est rien. Frileuse, inquiète pour son unité, très menacée, soucieuse d’éviter « l’implosion » qui a failli, selon Gérard Larcher, emporter les Républicains, la droite fait un gros caprice, ou plutôt, elle essaie de garder ses chances pour l’avenir. On peut comprendre ses calculs stratégiques, on ne comprend pas qu’elle minimise ainsi l’enjeu du second tour. Il existe une possibilité bien réelle d’une victoire de Marine Le Pen le 7 mai. Elle ne sera écartée que par la mobilisation de tous les républicains et démocrates. Rien n’empêche ensuite la droite et le centre de reprendre leurs billes pour tenter, au troisième tour, c’est-à-dire à l’occasion des élections législatives, d’obtenir la majorité à l’Assemblée. Ce n’est pas souhaitable du point de vue de la cohérence des institutions puisque M. Macron, s’il était élu, serait contraint de cohabiter avec les Républicains et les centristes. Mais on peut espérer une émulation réformiste entre le nouveau président et la nouvelle majorité.

Soeurs ennemies.

Non seulement la bataille contre l’extrême droite n’est pas conduite avec toute l’ardeur requise, mais le danger Mélenchon n’est même plus évoqué, alors qu’il a fait un score presque égal à celui de François Fillon. Il a réussi à rassembler tous les irascibles de France, ceux qui veulent en découdre avec ce qu’ils appellent le « système » et qui risquent bel et bien de voter Le Pen pour en finir avec l’Establishment, lequel leur inspire une haine inexpiable. Que M. Mélenchon se serve de ses suffrages pour stopper la démocratie française en dit long sur la nature même de ses convictions. Je le dis tout net : il est intolérable que des gens qui se réclament de la République ne considèrent par Mme Le Pen comme une catastrophe pour le pays. Fort heureusement, il n’est pas impossible que l’électeur soit plus clairvoyant, plus courageux et plus déterminé que les partis ou les mouvements politiques. Et qu’il comprenne où se situe son devoir. M. Macron, quant à lui, doit faire ces jours-ci une campagne exemplaire et montrer qu’il constitue à lui seul une défense naturelle contre le sinistre climatique que nous préparent ces deux soeurs ennemies que sont l’extrême gauche et l’extrême droite.

RICHARD LISCIA

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9 réponses à La quinzaine de tous les dangers

  1. liberty8 dit :

    Mélenchon n’est pas ma tasse de thé, mais il me semble que la technique de La France insoumise (LFI) est de proposer un choix à ses 450.000 sympathisants Internet et de conduire ce choix. Je crois que demain sera posée une question sur le site LFI : Macron, Le Pen, blanc. Mélenchon s’étant promis de respecter ce choix et de donner la consigne en fonction. C’est ce qu’il a expliqué, que ses soutiens ont expliqué et pour une fois je trouve cette décision honorable.
    Je suis sûr que les militants de LFI voteront en grande majorité pour soutenir Macron.
    Par contre, personne ne m’imposera un vote, même mon parti préféré, et je pense que beaucoup de Français pensent comme moi. Alors posons nous la question : à quoi servent les consignes de vote ? Ne sommes nous pas assez grands pour décider, et faire les bêtises, tout seuls ?

    Réponse
    1) Pas sûr du tout que les électeurs de Mélenchon votent Macron
    2) En revanche, l’électorat en général votera Macron

    R.L.

  2. ARNOULD Olivier dit :

    Machiavel disait, « en politique, le choix est rarement entre le bien et mal, mais entre le pire et le moindre mal ».

  3. Lagriffoul dit :

    Bravo pour votre analyse très juste.
    Il est consternant de constater que 40% des électeurs ont choisi un(e) candidat(e) qui nous conduirait au totalitarisme.
    Plus que les affaires, c’est l’absence de discours en direction des jeunes et de l’électorat populaire qui explique le mauvais score du candidat de la droite et du centre. Ce mutisme a certainement accentué la distance créée par les polémiques et détourné cet électorat qui est très volatile car peu structuré idéologiquement.
    C’est à eux que M. Macron doit s’adresser en priorité.
    L’élection de Mme Le Pen serait une catastrophe pour notre pays mais son discours proche du peuple séduit. C’est un immense danger qui doit être combattu, non par des leçons de morale car elle n’ont plus de prise mais par des explications simples sur les conséquences dramatiques qu’entrainerait son élection sur l’économie, la place de la France dans le monde…
    La droite et le centre doivent participer à ce deuxième tour et à ces explications, sans rien renier, puis en préparant les législatives. Ces élections seront capitales car M. Macron est à ce jour un homme seul sur le plan politique et des institutions. Sa position ni droite ni gauche le rend compatible avec une majorité parlementaire de droite et du centre sans trop de risques pour une cohabitation « dure ».

    Réponse
    Marine Le Pen a recueilli non pas 40 des voix, mais 21,3 %. Sur la solitude de Macron. Et Marine, elle n’est pas seule peut-être ? On invente des arguments qui n’ont pas cours. Macron n’est pas seul et s’il est élu, des quantités de citoyens voteront pour En Marche !.
    R.L.

  4. mathieu dit :

    Soyons lucide, le risque d’une victoire Le Pen reste faible…comme le risque d’un cataclysme sociétal si de (més)aventure elle était élue: jamais elle ne trouvera de majorité de gouvernement, et on ne peut gouverner à coups de référendum(s) mensuels! Et, à l’instar de Mitterrand en 1981, elle aurait de bonnes chances de se glisser dans le « système » tant décrié et les habits de la Vème République tant abhorrés

    Réponse
    Erreur. L’article 16 de la Constitution permet au président de faire ce qu’il veut, sans passer par l’Assemblée, en ce qui concerne l’appartenance de la France à l’Union européenne ou s’agissant de la fermeture des frontières. Il est certain qu’en négligeant le danger Le Pen, nous finirons tous par tomber dans ses bras.
    R.L.

    • liberty8 dit :

      Au début j’ai douté qu’un tel article aille dans le sens que vous décrivez. Je l’ai lu et j’invite tout lecteur du blog a faire de même. c’est exactement ce que vous dites, j’en suis effaré !
      Il y a dans la constitution un article qui donne les pleins pouvoirs au président dans des cas imprécis et dont les gardes fous n’existe pas au début et ne sont présent qu’au bout de 30 jours .
      Bref sous prétexte de défendre la France , un président peut invoquer l’article 16 et avoir les pleins pouvoir sur 30 jours.

  5. Lagriffoul dit :

    Quand je parlais de totalitarisme, j’ajoutais les voix de Mme Le Pen et de M. Mélenchon…
    Pour une cohabitation avec une Assemblée de droite, M. Macron me parait plus compatible que Mme Le Pen

  6. Etienne ROBIN, néphrologue dit :

    Je pense que vos craintes, M. Liscia, sont parfaitement justifiées. Je vous approuve de donner l’alarme avec une netteté proche de la véhémence : le danger justifie que vous secouiez ceux qui ne sont guère inquiets. En ce moment fleurit, chez les mélenchonistes, un slogan (fort bien trouvé et bien forgé, je dois le reconnaître, sur le plan lexical) qui montre que les « insoumis » sont bien décidés, comme vous le redoutez, à ne pas faire barrage au Front national : « Ni Marine ni Macron, ni patrie ni patron ». Redoutable inconscience du danger.

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