Un débat honteux

Peut-être pouvait-on se passer de ce débat
(Photo AFP)

La République n’a pas gagné en dignité avec le répugnant débat qui a eu lieu mercredi à la télévision entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Celui-ci aurait mieux fait de refuser un affrontement qui a terni une campagne déjà désagréable.

ON PEUT TOUJOURS espérer qu’une partie des indécis auront compris, à la faveur de ce pugilat, la vraie nature de Mme Le Pen. Mais ce n’est pas sûr. L’énorme amoncellement d’ordures qu’elle a déversé minute après minute sur M. Macron, mensonges, propos diffamatoires et fausses nouvelles étroitement mêlés, aura sans doute convaincu ceux qui ne demandent qu’à l’être, c’est-à-dire qui détestent le candidat d’En Marche ! bien que ses postures présentent, contrairement à sa concurrente, peu d’endroits vulnérables. Entraîné bien malgré lui dans une bataille grotesque et vulgaire, il a quand même réussi à garder son calme et à démonter quelques-unes des accusations lancées contre lui. Le bombardement au canon qu’il a subi ne l’a pas empêché de marquer quelques points, mais Mme Le Pen a certainement enfoui sous la vulgarité, l’irrespect, l’insolence et une feinte violence ce qu’il restait de présidentiel à la campagne.

Trump, ce maître en communication.

On ne s’en réjouira pas. Un sondage Elabe réalisé dans la nuit auprès de plusieurs milliers de téléspectateurs pour BFM-TV indique que M. Macron serait, selon deux tiers des personnes interrogées, vainqueur au terme du débat. En abattant ses cartes vénéneuses, en sacrifiant tout principe au besoin urgent de remporter cette manche ultime, en fabriquant chacun de ses sourires, chacune de ses poses, chacune de ses idées, chacune de ses attaques, Mme Le Pen, c’est clair, s’est inspirée de Donald Trump. Il ne s’agissait plus de convaincre, il s’agissait de faire un monstre de son rival (au risque de passer elle-même pour une créature de Frankenstein) et de faire en sorte qu’il inspire à l’électorat l’aversion qu’elle-même soulève chez ses détracteurs. Si dimanche elle réussit à réduire l’écart entre M. Macron et elle, elle présentera le résultat comme sa grande victoire, alors que, en vérité, ce qui compte à ses yeux, c’est de s’emparer de l’Elysée. C’est ainsi que Trump a gagné l’élection américaine : en n’hésitant pas à diffamer publiquement Mme Clinton.
On notera que le camp de « la France insoumise » semble avoir admiré le jeu théâtral de Mme Le Pen, sourire mécanique, regard impitoyable, propos de vaudeville, ce qui montre que les techniques fondées sur l’intimidation, l’avilissement de l’opposant, le déversement des déchets les plus malodorants ne les gênent pas particulièrement et que rien, en définitive, ne sépare l’extrême gauche de l’extrême droite. Pour tous ceux qui sont encore capables de raisonner froidement sur cette campagne détestable, Mme Le Pen a donné d’elle-même une image à la fois effrayante et déplorable. On voudrait que cette candidate ne se comporte point comme un catcheur, mais ce serait trop lui demander. Elle n’est allée au débat qu’avec la volonté de détruire M. Macron, non seulement en tant que candidat mais en tant qu’homme. Elle savait d’ailleurs que son agressivité lui vaudrait de rudes coups qui, parfois, l’ont fait taire pendant au moins trente secondes, ce qui constitue un exploit, compte tenu de l’avalanche d’injures et de menaces (« Mme Merkel va souffrir avec moi ») sous laquelle elle a tenté d’ensevelir M. Macron.

De Gaulle confisqué.

On ne manquera pas de nous dire que, pour une affaire qui engage l’avenir de la nation, tous les coups sont permis. Les coups, oui, mais pas les mensonges, pas ce poison qui imprégnait chacun de ses mots, pas ce jeu ignoble qui consistait à répondre à une question embarrassante par un nouveau flot de diffamations. Si vous vouliez savoir ce que Mme Le Pen nous réserve, il suffit que vous ayez assisté au débat. Pur produit de l’extrême droite, elle a confisqué de Gaulle, comme s’il était possible que ses idées les plus brutales puissent ressembler à celles du gaullisme. Championne du détournement de fonds en tant que députée européenne qui a rejeté deux convocations de la justice, elle prétend instaurer une éthique, absente, selon elle, des cercles politiques. Prête à réduire en cendres les fondements de notre économie, elle affirme représenter le peuple et les pauvres. Comme Trump, elle ignore les limites de l’imposture. Le seul moyen de la faire taire, c’est de la renvoyer définitivement dans ses foyers.

RICHARD LISCIA

PS-Le lecteur voudra bien me pardonner de n’être pas entré dans le détail des propositions formulées par les deux candidats. Il m’a semblé que plus de deux heures et demie de débat étaient bien suffisantes.

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12 réponses à Un débat honteux

  1. liberty8 dit :

    Un débat agressif, sans aucune avancée, aucune explication. Des coups et des parades, un match de boxe entre deux mauvais amateurs qui se crachaient au visage.
    L’une n’a répondu à aucune question ramenant tout sur l’image de son concurrent qu’il fallait détruire à tout prix, un torrent d’injures. L’autre n’a encore rien dit sur son programme de manière concrète.
    Donc , cher M. Liscia , vous êtes tout pardonné pour l’explication des propositions, ce n’était décidément pas encore à l’ordre du jour hier soir.
    Bref au bout d’une heure, nous avons préféré arrêter la nausée.
    Il faut voter pour éliminer le pire et ensuite passer aux législatives pour espérer conduire le pays avec une majorité efficace.

  2. DUDUCHE dit :

    Ce n’est pas une surprise: Mme Le Pen, qui a été à bonne école (chassez le naturel il revient au galop) nous a, non pas révélé, mais confirmé sa vraie nature. Il n’est plus temps de « disserter sur le sexe des anges » car il y a le feu en la demeure. On ne peut qu’être avec ou contre elle.
    M. Macron est la seule alternative possible: celle-ci ne doit souffrir aucune abstention (complice). Il faudra ensuite aller jusqu’au bout du raisonnement et le soutenir massivement pour les législatives.
    France, mère des armes et des lois, éveille toi, la patrie est en danger.

  3. phban dit :

    Macon devait absolument l’affronter dans un débat, sans quoi on l’aurait agoni d’injures sur les réseaux sociaux et dans les médias, à base de « lâche », « bourgeois qui fuit la vérité » et autres billevesées. Il a résisté au mieux face aux tombereaux d’énormités déversés par une Marine redevenue 100 % Le Pen. Il a réussi à lui faire tomber le masque, c’est déjà un grand pas en avant.

  4. JUVI dit :

    J’acquiesce ; toutefois sans faire l’amalgame entre Le Pen et Trump, car un océan les sépare.
    Bien que le danger persiste pour les 48h à venir, je pense que le masque de MLP est tombé dès les premières minutes du « débat ». Elle a bifurqué sur le chemin de l’Élysée. Aucun de tous les prétendants n’ayant ma faveur, j’ai pourtant apprécié la prestance et la prestation du favori, sa maîtrise face a$à son adversaire, qui n’a pas réussi à le désarçonner et à le dégonder. Pour sortir du cauchemar d’une présidence avec cette harpie, il ne reste qu’un seul moyen ce dimanche.

    • Eve M. dit :

      Il reste, au-delà d’une piètre « prestation » qui déshonore notre pays, que l’usage de la Shoah-Veldiv- Oradour par les deux candidats me donne la nausée.
      Je voterai pour Macron, la main forcée.
      Les procédés de nos politiques sont ignobles, les juifs bafoués.
      Réponse
      Remarque indécente : c’est Le Pen qui a décidé, par calcul politicien, de mettre le sombre passé de la France au coeur de la campagne. Loin d’être bafoués, les juifs appuient la démarche de Macron.
      R.L.

      • Eve M. dit :

        Merci pour l’indécence, Mr Liscia.
        Il faut croire que vous avez approuvé les allégations de Peillon qui a osé comparer le sort des juifs en France et des musulmans.
        Et que répondre à la boue verbale dans laquelle se vautre Le Pen en évoquant le Vél d’Hiv, par un déplacement de son adversaire à Oradour a votre faveur.
        C’est magnifique.
        Où est l’indécence… pour moi, elle est là.
        Réponse
        J’assume le mot « indécente ». Vous jouez imprudemment avec des notions que vous ne maîtrisez pas. Vous ne pouvez mettre sur le même pied la manoeuvre scandaleuse de Le Pen et la riposte de Macron qui est allé à Oradour pour mieux montrer la face réelle du FN.
        R.L.

        • mathieu dit :

          Il reste, peut-être au diapason de Eve M., qu’un passage à Oradour après la campagne, loin de toute récupération électorale, aurait eu plus de sens, plus de panache, de grandeur, de sincérité, de dignité…oui, peut-être de décence. Pour ne pas jouer dans le même registre que Le Pen!

          Réponse
          Et un candidat parfait, immense, indiscutable, adulé par 66 millions de Français, vous pouvez le proposer ?
          R.L.

          • Eve M. dit :

            Merci Mathieu.
            Vous avez bien compris le fond de ma pensée.
            Pas la peine d’être parfait, immense, indiscutable et adulé pour cela.

          • mathieu dit :

            Je n’ai bien sûr aucun candidat parfait dans la manche, et n’en aurai jamais, mais comme vous, je me réserve le droit de critiquer…celui pour qui je vais voter! Conscient que les candidats trop parfaits (ou pas assez démago, car il ne s’agit que de ça, péché bien véniel en somme)…ne sont jamais présidents (Barre, Juppé, ou Rocard, Jospin…pour respecter la parité!).

  5. liberty8 dit :

    62/38 post débat, le masque est tombé, c’est plié.
    Macron président !

    Réponse
    Je ne souhaite pas affaiblir votre optimisme, mais le mot plié ne veut rien dire. Macron devra gouverner et il a besoin d’une majorité. Vu l’ambiance de la campagne, il risque fort de ne pas l’avoir.
    R.L.

    • liberty8 dit :

      Macron sera président et le danger lepéniste va être écarté. Ca c’est la première étape.
      La deuxième c’est d’avoir un gouvernement efficace. Les législatives vont venir. Je suis assez confiant dans l’évolution de LR, le programme de Woerth sera probablement plus de centre droit que celui de Fillon, donc assez proche des idées de Juppé. Les LR sont très bien implantés dans les départements à la différence de EM qui né à peine. Auront ils la majorité a la chambre ? Je l’espère. Macron devra alors gouverner avec eux.
      Si le programme LR est trop « droitiste » le risque d’une chambre mosaïque existe, et là tout peut se passer.

      Réponse
      Vous avez le droit de faire cette analyse, j’ai celui d’en faire une autre.
      R.L.

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