Un accouchement laborieux

Déjà amis il y a plus d’un an
!Photo AFP)

C’est après un délai de plusieurs heures que, peu avant 15 heures, a été annoncée par Alexis Kohler, secrétaire général de l’Elysée, la nomination du nouveau Premier ministre, Edouard Philippe.

LES MEDIAS se sont perdus en conjectures sur ce retard, qu’ils ont attribué à diverses raisons : la plus vraisemblable eût été que M. Philippe, maire du Havre, LR tendance Juppé, 46 ans, ne fût plus disponible pour des raisons politiques, son parti d’origine faisant feu de tout bois depuis quelques jours pour empêcher tout membre du parti de rejoindre le président Macron. Edouard Philippe est donc considéré comme « une belle prise », à entendre les commentateurs, mais l’évolution des événements dans les jours à venir nous semblent plus compliqués à décrire.

Une question d’équilibre gouvernemental.

Le nouveau président, en effet, lutte pour une avoir une majorité absolue à l’Assemblée pendant cinq ans et, si possible, gouverner sans frein ou obstacle posé par une forte opposition. La nomination d’Edouard Philippe va dans ce sens, mais encore faut-il que le nouveau Premier ministre puisse faire entrer dans son gouvernement d’autres personnalités politiques de la droite. Compte tenu de l’hostilité manifestée par tous les membres de LR qui, depuis huit jours, ont pris la parole publiquement, il est probable que M. Philippe, après avoir annoncé, sans doute demain, la composition de son gouvernement, a eu du mal à satisfaire cette exigence du président Macron. Ce qui expliquerait peut-être que sa propre nomination ait été annoncée par l’Elysée avec au moins cinq heures de retard.
Quoi qu’il en soit, on saura demain soir si M. Macron aura tenu son pari de constituer une équipe qui soit à la fois de droite et de gauche. En tout état de cause, il ne peut attirer vers lui que des juppéistes, c’est-à-dire des personnalités de LR ouvertes aux réformes et prêtes, comme l’est M. Philippe, à les engager avec détermination. La démarche du président n’est pas comparable aux précédentes « ouvertures » : il ne s’agit pas de débaucher tel ou tel personnage qui serait vite mis en minorité au sein de son gouvernement et ne pourrait imprimer sa marque ; il s’agit d’associer des hommes et femmes politiques attachées à l’idée centrale que le pays doit être changé structurellement pour répondre aux défis économiques et sociaux qui lui sont posés.

Une tâche sacrée.

La droite, bien entendu, peut refuser de suivre l’exemple donné par les quelques personnalités qui rejoindront le gouvernement d’Edouard Philippe. Elle affiche son intention d’obtenir la majorité absolue pour que M. Macron soit contraint de former un gouvernement de cohabitation. Ce qui voudrait dire que l’expérience Philippe serait de très courte durée. La question, en réalité, porte non pas sur les jeux partisans dont les Français sont saturés, mais sur l’intérêt bien compris du pays. De Juppé à Fillon en passant par Sarkozy, je ne crois qu’il y a ait chez LR le moindre refus de la réforme que nous avons tant tardé à mettre en place. Un jeune homme a surgi dans le monde politique -et dans le monde tout court- qui s’est montré assez irrésistible pour obtenir la magistrature suprême. Emmanuel Macron a mis en minorité l’extrême gauche et l’extrême droite. Celles-ci ne seront durablement affaiblies que si une nouvelle gouvernance montre à nos concitoyens que les maux du pays peuvent être soignés sans que nous sombrions tous dans la paranoïa, l’intolérance et même la haine de l’autre. M. Macron n’a peut-être pas rassemblé toutes les tendances idéologiques dont il veut faire sa mosaïque, mais il a sans nul doute réuni des gens de bonne volonté pour qui le redressement de la France constitue une tâche sacrée.

Evitons une expérience négative.

C’est en ces termes que les Républicains doivent se poser la question de leur participation ou non au gouvernement. Certes, ils peuvent se targuer d’avoir été moins affaiblis par l’élection présidentielle que la gauche socialiste ou les écologistes. Mais le danger posé par les extrêmes reste vivace. En vérité, si Macron échoue, je ne suis pas certain que LR sera en mesure de ramasser les morceaux d’un pays brisé, ni que quiconque doive souhaiter une telle éventualité, car nous risquons d’être engloutis par une nouvelle expérience négative. J’ajoute que, si M. Macron présente des avantages et des inconvénients, il a déjà prouvé qu’il est assez sûr de lui pour aller au bout de ses projets. Je veux parler du couple qu’il forme avec Mme Macron, lequel, sûrement, n’a pas été bien accueilli dans la bonne ville d’Amiens mais a si bien réussi avec le temps que M. Macron a été élu président et qu’il souhaite donner à son épouse, pour la première fois dans l’histoire de nos cinq républiques, le statut de « Première dame ». Si la transgression d’il y a un quarte de siècle a réussi, les nouvelles transgressions qu’il s’apprête à accomplir pourraient elles aussi réussir parce que ce jeune président est plus adapté à son temps, à la société d’aujourd’hui, aux défis du XXIè siècle qu’aucun des compétiteurs qu’il a coiffés au poteau.

RICHARD LISCIA

PS-L’appel de 28 élus républicains (dont MM. Estrosi, Apparu, Solère, Darmanin, Riester et Mme Kosciusko-Morizet) va dans le sens d’une coopération avec le nouveau pouvoir. La direction du parti devra-t-elle, pour défendre son point de vue, exclure 28 personnalités de cette importance?

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7 réponses à Un accouchement laborieux

  1. liberty8 dit :

    Tout à fait d’accord.
    Une bonne moitié des élus LR devraient rejoindre la majorité présidentielle ; entraineront-ils le reste et garderont-ils un seul parti ? Car LR risque de se scinder en deux, la ligne dure, et la ligne du consensus.
    Question posée à mon nouveau député qui se présente sous LR. Il m’enlève un dilemme, il est pour le consensus, à demi-mot bien sûr.

  2. phban dit :

    Macron trace son chemin, qui osera le suivre ?

  3. Michel de Guibert dit :

    On ne peut qu’être admiratif et fasciné devant la réussite du parcours d’Emmanuel Macron, aidé certes par ses soutiens financiers et médiatiques, il incarne la revanche posthume de Michel Rocard, ou celle de Jacques Delors, voire celle de François Hollande.

    Réponse
    Et la revanche de Juppé, que nous ne pouvez pas ignorer !
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      On peut voir cela ainsi en effet, mais Alain Juppé a encore tweeté il y a trois jours : « La capacité d’invention et de mensonge de certains médias n’a aucune limite. Il n’y a évidemment aucun accord Juppé/Macron. »
      On ne sait plus qui croire…

  4. Alan dit :

    Tout à fait d’accord avec vous. On n’imagine pas les difficultés qu’Emmanuel Macron a dû et su affronter pour imposer sa compagne à son entourage, et ceci pendant des années. Sans même parler d’autre chose, ceci témoigne d’une force de caractère rare et admirable.
    Un couple extrêmement atypique, qui a tenu, qui est soudé : ceci donne à réfléchir (bien plus que le mariage pour tous).
    Et quelle magnifique image de femme, et de première dame !

  5. Patrice Martin dit :

    Vous écrivez que le président Macron a mis en minorité les extrêmes : sans doute fondez-vous votre analyse sur les résultats définitifs de la présidentielle. Mais si l’on se reporte aux résultats du premier tour, celui au cours duquel on choisit, l’addition des extrêmes aboutit au chiffre effarant de 45 % de l’électorat français qui s’y reconnaît : 20 % LFI, 23 % FN, DLF 2 %. Une minorité certes, mais de très peu. Cela ne me rassure pas beaucoup.
    Quant à la nomination d’Edouard Philippe, les électeurs de la droite et du centre dont je fais partie depuis 1974 et l’élection de Giscard, sont fondés à se demander s’il s’agit d’une manœuvre purement politicienne visant à fragmenter, déstabiliser, diviser, affaiblir LR+UDI afin de gagner une majorité parlementaire REM ou d’une véritable volonté politique d’appliquer au moins une partie du programme de cette droite.
    Des réformes bien sûr, mais lesquelles ? Seulement celles du candidat Macron ou aussi une partie de celles du candidat Fillon ? Au-delà des intérêts des partis et de leurs chefs, notre comportement électoral dépendra essentiellement de la réponse à cette question.
    A cet égard, pensez-vous que le Premier ministre ait reçu une assurance de la part du président qu’il pourra mettre en œuvre une partie du programme de la droite ?

    Réponse
    D’abord vous raisonnez à partir de chiffres inexacts. Le FN n’a pas fait 23 %, mais 21,3%. DLF n’a pas fait 2 % mais 4,5 %. Ensuite, comme tout le monde, vous affirmez que l’opposition à Macron représente 45 %. Et alors ? Tous les présidents de l’histoire ont été élus en dépit d’une forte opposition, cela ne les rend pas moins légitimes, sauf si on commence à chercher des poux à M. Macron, ce qui un exercice très répandu, je le rappelle juste pour vous dire que vous n’êtes pas le seul à le faire. Je vous signale que, en 2002, Jacques Chirac a fait 82 % au second tour. Il n’avait pas avec lui 82 % du pays, mais tous ceux qui ne voulaient pas de Le Pen. Je ne vois pas pourquoi un résultat comparable, mais moins élevé, de M. Macron n’aurait pas la même légitimité que celui de M. Chirac.
    Quant aux vos préoccupations relatives à l’avenir de la droite à laquelle vous tenez à dire que vous appartenez, elles sont, par définition, partisanes, n’est-ce pas ? Le salut de la France devrait être plus important à vos yeux que celui de la droite qui, en gardant M. Fillon, a assuré son échec. On peut prendre ces élections par tous les bouts que l’on veut. Moi, je continue à dire que nous sommes redevables à M. Macron car il nous a évité la peste gauchiste et le choléra fascisant. Et si 66,3 % ne vous semblent pas suffisants, présentez-nous l’homme providentiel qui fait 100 %.
    R.L.

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