Les passions négatives

Macron ne craint pas de s’exposer
(Photo AFP)

La formation du gouvernement dirigé par Édouard Philippe a déclenché, y compris dans cet espace, un déluge de critiques. Elles s’expliquent sans doute par le fait que peu de Français, surtout ceux qui sont affiliés à un parti, réalisent que l’homme qui a été élu président de la République s’appelle Emmanuel Macron.

LE PRÉSIDENT a composé un gouvernement qui correspond pleinement aux engagements qu’il a pris avant son élection. Sur les 22 ministres et secrétaires d’État, 11 sont des femmes. On y trouve trois hommes de droite, deux du MoDem, d’anciens socialistes et plusieurs personnalités de la vie civile. Tous sont tenus à une discipline de fer, notamment en ce qui concerne l’abandon de leurs autres mandats. Cette diversité fait l’objet d’un scepticisme affiché par les partis et leurs affidés qui veulent, et c’est bien normal, faire le meilleur score aux législatives. Sans nous dire d’ailleurs comment un président qui n’aurait pas la majorité absolue ou qui aurait une opposition majoritaire pourrait gérer le pays utilement. On peut tout imaginer, y compris un triomphe de la droite qui forcerait M. Macron à cohabiter. La formule est cependant peu propice aux thérapies exigées par les maux économiques et sociaux de notre société. En outre, elle donnerait un coup de frein à un mouvement original qui nous propose une autre façon de gouverner. On peut donc dire que souhaiter l’affaiblissement d’un président qui a été élu par deux Français sur trois ne correspond pas vraiment à l’intérêt national.

Macron est compatible avec la droite.

D’autant que M. Macron n’est ni Mme Le Pen ni M. Mélenchon. Il ne nous offre pas une aventure dans des abysses révolutionnaires. Il ne procède pas à une aventure à la Sarkozy où des ministres venus de l’opposition ou de la vie civile ne représentent qu’un habillage électoraliste. Il veut gouverner en prenant dans les diverses et nombreuses idéologies qui coexistent dans ce pays ce qu’elles ont d’utile. Par exemple, la droite hurle au débauchage de MM. Philippe, Darmanin et Le Maire ; elle pourrait aussi considérer que trois hommes de droite dont l’un est le chef du gouvernement vont participer aux grandes réformes, ce qui est valorisant pour elle. Je n’ai cessé de répéter ici que le réflexe d’autodéfense des Républicains est éminemment compréhensible. Ils voient trois membres de leur famille comme des dissidents ou des déserteurs. Ils constatent que l’électorat de la droite et du centre risque d’être déboussolé par cet étrange appareil gouvernemental qui est et de droite et de gauche. Ils ressentent leur défection comme une agression.
Leur perplexité, parfois leur colère et même leur rage sont de très mauvais conseilleurs quand passe le vent de l’histoire. M. Macron est élu pour cinq ans et il faut que chaque électeur, chaque parti s’y adapte. Je ne défendrais pas cette idée, bien sûr, si Mme Le Pen avait été élue ; elle aurait logiquement provoqué une forte opposition. En revanche, on ne peut pas combattre avec la même vigueur un gouvernement dirigé par un homme venu de la droite, mais désireux de réconcilier les partis de gouvernement. M. Philippe n’est pas responsable de l’élimination d’Alain Juppé au second tour de la primaire ; il n’est pas responsable de l’entêtement de François Fillon à rester, avec l’aide de Nicolas Sarkozy, le candidat de LR et de l’UDI ; il n’est pas responsable de l’élimination d’un Fillon avec lequel, peut-être, il aurait consenti à travailler. D’un autre côté, le débat sera tranché par les législatives. Leur résultat nous dira si ce gouvernement hybride est capable d’imposer le changement tant attendu par la société française.

Des sondages encourageants pour le président.

J’ai mentionné hier un sondage qui montrait que le gouvernement d’Édouard Philippe ne bénéficiait que d’une faible cote de confiance. Mais d’autres sondages tendent à prouver le contraire. Une enquête Opinion Way-Orpi pour « les Échos » accorde 27 % des suffrages à la République en marche aux législatives, contre 20 à la droite, 20 au FN, 14 à la France insoumise, 11 au PS. « Les Échos » en concluent que LREM a une bonne chance de remporter entre 280 et 300 sièges à l’Assemblée. Mais un autre sondage, celui de Harris-Interactive pour LCP, donne 32 % des voix à LERM, ce qui assurerait à Emmanuel Macron la majorité absolue de 289 sièges (19 % au FN, 18 % à LR, 16 % à LFI). Enfin un sondage Odoxa diffusé ce matin par France Info situe à 69 % le taux d’opinions favorables au nouveau gouvernement. Bien sûr, ces chiffres ne prouvent rien et ne préjugent pas du résultat réel du 18 juin. Mais ils montrent que, parmi les innombrables paris pris par le président (qui, à ce jour, n’en a perdu aucun, dois-je le rappeler à mes lecteurs les plus sceptiques ?), celui d’une majorité absolue à l’Assemble n’est pas le plus fou en apparence.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Les passions négatives

  1. Michel de Guibert dit :

    Oui, mais attention au fait que les sondages sont globaux et que l’on ne vote pas à la proportionnelle, et donc qu’il nous faudrait des sondages par circonscription.

    Réponse
    Merci pour cette remarquable précision qui m’avait échappé complètement !
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      « Mais un autre sondage, celui de Harris-Interactive pour LCP, donne 32 % des voix à LERM, ce qui assurerait à Emmanuel Macron la majorité absolue de 289 sièges ».

      Réponse
      Les prévisions doivent être certes très prudentes. Mais l’expérience a montré les effets du scrutin majoritaire à deux tours : il donne un avantage important à la formation qui dispose du plus grand nombre d’électeurs. La barre des 12,5 % des suffrages exprimés contribue encore à renforcer le parti leader. Enfin, puisque vous me citez, je me cite aussi :« Ces chiffres ne prouvent rien », donc à quoi bon me reprendre ?
      R.L.

    • liberty8 dit :

      Monsieur Liscia vous êtes taquin !

  2. liberty8 dit :

    LREM aura une majorité sauf gag de dernière minute, soit seul soit avec un apport en particulier de députés des LR proches du courant Juppé et de ceux qu’ils vont entrainer. Les socialistes n’auront que peu de sièges mais la moitié sera acquis à LREM.
    LREM pourra donc se reposer sur ses alliés des deux « bords » , ce qui lui sera confortable.
    On va peut être voir la politique autrement, un gros espoir.

  3. BOYER dit :

    J’espère que le cabinet de notre ministre sera mieux géré que Humanis, entreprise avec laquelle je n’ai que des problèmes depuis de nombreuses années pour la gestion de la prévoyance et de la retraite complémentaire de mes salariés (double prélèvement pendant 2 ans environ, relances pour des échéances déjà payées, changements d’adresse et d’interlocuteurs itératifs). Le privé n’est pas toujours gage d’efficacité…

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