La déferlante Macron

Macron au Touquet
(Photo AFP)

Conformément aux prévisions des sondages, la République en marche va bénéficier, après le second tour des législatives, d’une majorité d’au moins 400 députés sur 577.

LES PARADOXES de cette élection sont nombreux, notamment le fait que quatre candidats seulement aient été élus au premier tour, ce qui n’empêche pas la REM d’avoir la certitude d’obtenir une majorité écrasante après le second tour. Ce triomphe sera en partie assuré par une abstention historique de plus de 50 % des suffrages. Troisième paradoxe, c’est l’abondance d’analyses fallacieuses, comme la déclaration de Jean-Luc Mélenchon, selon qui l’abstention prouve l’hostilité populaire à la réforme du code du travail, alors que les électeurs d’extrême gauche et d’extrême droite auraient dû se mobiliser contre un programme qu’ils sont censés réprouver, ce qu’ils n’ont pas fait. Un peu comme si, au contraire, ils n’étaient pas opposés aux réformes engagées par le président.

A gauche, une hécatombe.

Certes, l’abstention profite au parti majoritaire, notamment grâce à la barre des 12,5 % des inscrits que tout candidat devait dépasser pour se qualifier pour le second tour. Dans certaines circonscriptions, on a vu des candidats atteindre 50 % ou plus sans être qualifiés pour autant. En revanche, le nombre de personnalités politiques battues dès le premier tour est impressionnant : Jean-Christophe Cambadélis (écarté comme d’une pichenette par Mounir Mahjoubi, 36 ans, ministre du Numérique), Benoît Hamon, Cécile Duflot, Christophe Borgel, Aurélie Filipetti, Patrick Mennucci, le frondeur Pascal Cherki, pour citer ceux de gauche, alors que Manuel Valls réussit à se qualifier dans l’Essonne, parce que REM n’a pas présenté de candidat dans sa circonscription. Ce qui renforce encore un plus la suprématie de M. Macron, faiseur de rois. Tandis que Richard Ferrand est en passe de gagner son pari : celui de n’être jugé que par l’électorat et non pas la justice, puisqu’il est en ballottage très favorable pour le second tour.

Un vote d’adhésion.

Aucun des partis défaits n’a su donner la seule explication valable à cette déroute : au lieu d’admettre une vérité simple, à savoir que l’électorat s’est détourné des partis traditionnels pour se reporter sur la REM, non seulement par lassitude à l’égard de la vieille politique mais par adhésion aux réformes proposées par REM, y compris chez un certain nombre de mélenchonistes et de lepénistes. C’est le seul moyen d’expliquer que la France insoumise soit passée de 19,30 % des suffrages au premier tour de la présidentielle à un peu plus de 11 % au premier tour des législatives (13,74, si l’on compte les voix communistes) et que le Front passe de 21,3 % à 13,20, soit une chute de dix points. Seuls les Républicains améliorent leur score en progressant de 19,90 % des voix pour François Fillon au premier tour de la présidentielle à 21,56 au premier tour des législatives. Ce qui n’empêchera pas la droite d’obtenir un nombre de sièges particulièrement faible (moins de 120).

Il y a des précédents.

L’abstention traduit la certitude des électeurs des partis perdants que le président Macron aura une majorité très élevée et que leur bulletin de vote, dans cette configuration, serait inutile. Le FN n’espère plus avoir un groupe à l’Assemblée (15 sièges au moins), la France insoumise en aura un, le PS va sans doute tomber à son étiage le plus bas (moins de 40 députés) depuis 1969. Pour faire taire les explications qui ne rendent pas compte de la faillite morale et politique des partis, il faut d’abord rappeler que ce n’est pas la première fois qu’une majorité aussi grande est obtenue et que celle du 18 juin prochain ne fera que ressembler à la majorité gaulliste de 1958, de 1962 ou de 1993 ou à la majorité de gauche de 1981.

Le faux débat sur la nature du scrutin.

Et souligner ensuite l’inanité du débat de plus en plus frénétique sur le scrutin proportionnel, d’aucuns se disant choqués que des partis comme le FN ou la France insoumise n’aient pas plus de députés. Portés par la vague populiste, ces deux formations auraient remporté des scores bien plus élevés si En Marche ! ne s’était interposé, allumant un énorme contre-feu à la dynamique des extrêmes. Ils ne nous reparlent du scrutin proportionnel que parce que le vote d’hier les a mis de nouveau en minorité. S’ils s’étaient rapprochés des 30 %, ce qui n’est pas impensable quand on observe le miracle macronien, ils auraient été très satisfaits du scrutin uninominal majoritaire à deux tours, qui donne une prime au candidat obtenant le plus de suffrages au premier tour. C’est de cette manière que M. Mélenchon a battu M. Mennucci à Marseille et que Mme Le Pen va s’emparer d’Hénin-Beaumont.
Pour le meilleur ou pour le pire, la France est en train de se doter d’un pouvoir fort, mais pas plus fort que celui des socialistes en 2012, c’est-à-dire à l’époque où ils avaient tout : l’Elysée, l’Assemblée, les villes, les départements et les régions, toutes majorités qu’ils ont perdues pendant les cinq années du mandat de François Hollande. M. Macron, à son tour, aura tous les pouvoirs naguère accordés au président Hollande. On attend de lui qu’il gère le pays autrement et, s’il ne le fait pas (ce qui n’est pas souhaitable car nous n’avons plus le temps de commettre des erreurs), il subira le même sort.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à La déferlante Macron

  1. liberty8 dit :

    Le blitzkrieg est passé et, cette fois, il n’y aura pas de Dunkerque, les troupes adverses sont atomisées, éclatées.
    Demain sera un autre jour, Raffarin parle de « big bang ».
    Macron se retrouvera sûrement avec une assemblée LREM pléthorique. Il devra faire face a deux pièges : structurer et faire vivre cette assemblée qui ne soit pas juste une chambre d’enregistrement et surtout éviter que, comme dans les grands empires, des micro-partis ne sortent pas de cette majorité et lui pourrissent la vie.
    Toutefois, il donne suffisamment de signes d’intelligence politique pour éviter ces écueils.
    Bravo, M. Liscia, vous aviez prévu ça dés la fin des présidentielles, contrairement à moi.

  2. Michel de Guibert dit :

    Reste qu’une abstention aussi massive (plus de 50%) est préoccupante…

  3. Num dit :

    Je tempèrerai le triomphalisme ambiant en soulignant que :
    1. Moins d’un électeur sur trois a voté pour la majorité présidentielle (ce qui ne fait pas exactement de cette élection un plébiscite)
    2. 32% est le plus bas score de 1er tour d’un parti majoritaire depuis au moins 40 ans.
    Le nombre de députés REM est un miroir déformant rendu possible par le mode de scrutin.

    Réponse
    Qui a parlé de plébiscite ? Pas moi en tout cas. Le mode de scrutin n’ayant pas changé depuis 1958, je me demande comment il peut servir de miroir déformant cette fois-ci et pas les fois précédentes. Votre raisonnement est tellement logique qu’on se demande bien par quel tour de passe-passe la République en marche a gagné ces élections.
    Si je vous suis bien, elle les a perdues. Il était infiniment plus simple de dire que les abstentionnistes se sont pas allés voter pour le parti qui leur convient, mais que tous les marcheurs ont voté. Le mode de scrutin n’y est pour rien, il aurait joué en sens inverse si les électeurs l’avaient souhaité.

    R.L.

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