Macron : la première épreuve

Bayrou à Philippe : c’est moi, le chef
(Photo AFP)

Pour tous ceux qui, ayant voté ou s’étant abstenus, sont allergiques aux pouvoirs accumulés par le président Macron, voici de quoi les satisfaire : le gouvernement est confronté à un très sérieux problème avec sa composante MoDem.

DEPUIS quelques semaines, le MoDem est soupçonné d’avoir pratiqué la méthode illégale des emplois fictifs, celle-là même qui a valu à François Fillon d’être battu au premier tour de la présidentielle. « Le Canard » de ce matin apporte de nouveaux éléments d’information sur ce sujet sensible. Jusqu’à présent le MoDem et son président, François Bayrou, également ministre de la Justice, étaient considérés comme des modèles d’intégrité. La justice a diligenté une enquête préliminaire. M. Bayrou a exprimé sa colère à plusieurs reprises devant ce qu’il perçoit comme des allégations mensongères. Il est même allé jusqu’à téléphoner à Radio France pour donner son point de vue non sollicité à des journalistes qui s’apprêtaient à diffuser une enquête sur le MoDem.

Le droit à l’information.

Le premier problème concerne les relations du nouveau pouvoir avec la presse. Dans son désir d’échapper à la constante présence des médias et à la diffusion prématurée d’informations susceptibles de compromettre les dossiers en cours, l’Elysée et Matignon semblent avoir tendance à écarter sans ménagements les journalistes, attitude qui n’est pas d’essence démocratique. Dans la presse française, le mécontentement est d’ailleurs clairement exprimé et nombre d’organismes de presse souhaitent que les relations du pouvoir avec la presse soient normalisées, c’est-à-dire qu’elles soient rétablies dans le respect du droit du public à l’information.
Le deuxième problème concerne l’intégrité du gouvernement qui, dans une période très courte, a été absorbé par l’affaire Ferrand et par l’affaire MoDem et a réagi en disant qu’aucune sanction ne serait prise tant qu’il n’y aurait pas de mise en examen. Cette position a été efficace dans le cas de M. Ferrand, ministre de la Cohésion des territoires, qui est en passe d’être élu au second tour des législatives. Elle n’a pas du tout effacé le malaise provoqué par les soupçons relatifs au MoDem. Conscient que l’intervention quelque peu intempestive de M. Bayrou auprès de Radio France avait quelque chose qui rappelle un régime autoritaire (Paris n’est pas Moscou), le Premier ministre, Edouard Philippe, a mis le comportement du ministre sur le compte d’une indignation excessive, incompatible avec ses fonctions et affirmé que cela ne se reproduirait plus. M. Bayrou a déclaré qu’il n’avait pas tenté de modifier le contenu de l’enquête de Radio France et encore moins d’empêcher sa diffusion mais qu’il devait à la vérité des faits de fournir son point de vue. Et il a ajouté : « Tant que j’aurai quelque chose à dire, je le dirai ».

Bayrou contre Philippe.

Le ministre de la Justice, qui, par une coïncidence dont l’ironie n’échappera à personne, présente aujourd’hui en conseil des ministres un projet de loi de moralisation de la vie publique, a donc mis au défi le Premier ministre. M. Bayrou, évidemment, n’est pas n’importe qui. Candidat à la présidence de la République à trois reprises, mais sans succès, il a apporté son soutien à Emmanuel Macron en 2017 au lieu de se présenter une quatrième fois, ce qui a certainement contribué au triomphe de M. Macron, qui lui doit donc une fière chandelle. De son geste généreux mais fort bien calculé, il a tiré l’idée que En Marche ! ne pouvait plus rien lui refuser. Quand il a réclamé un plus grand nombre d’investitures pour les candidats MoDem, contre l’avis de Richard Ferrand, grand appariteur des candidatures, il a fini par les obtenir. Voilà maintenant que, pour satisfaire ses ambitions et surtout son narcissisme, il n’hésite pas à affaiblir l’autorité du Premier ministre, poste qu’il convoitait sans doute secrètement, bien qu’il ait présenté son soutien à M. Macron comme dénué de tout intérêt personnel.
L’enquête dira s’il y a quoi que ce soit de fondé dans l’affaire des emplois fictifs du MoDem ; mais les précédents ont prouvé que de simples dénégations ne suffisent pas. Entretemps, le président Macron va bénéficier, dans quelques jours, d’une majorité suffisante pour qu’il n’ait pas besoin du soutien du MoDem, ce qui lui permettra de réagir, peut-être avec plus de fermeté, aux foucades d’un ministre qui s’est toujours cru plus important qu’il ne l’était, a un ego boursouflé et qui, confronté, pour la première fois, à des démêlés avec la justice, réagit avec arrogance et d’une manière identique à celle des hommes politiques qui l’ont précédé dans la descente aux enfers judiciaires. M. Macron devrait réévaluer la question posée par la conduite extrêmement agressive de M. Bayrou en début de semaine prochaine, quand il sera rassuré sur sa majorité. Et se rappeler alors que, en politique, la gratitude est parfois plus un signe de faiblesse qu’une qualité.

RICHARD LISCIA

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11 réponses à Macron : la première épreuve

  1. Michel de Guibert dit :

    Il est tout de même incroyable que l’on puisse dire ou laisser entendre que, dans le cas de M. Ferrand, les électeurs seraient chargés d’arbitrer la culpabilité ou l’innocence d’un candidat ou d’un ministre à la place de la justice !

    Réponse
    Ce n’est pas du tout ce que j’ai dit, ce n’est pas la thèse que j’ai défendue dans tous mes articles. Je dis que M. Ferrand n’a pas subi les conséquences des soupçons qui pèsent sur lui, puisqu’il est en ballottage favorable au second tour. N’essayez pas de me donner des leçons d’intégrité en pratiquant l’indignation feinte.
    R.L.

    • Michel de Guibert dit :

      Pourquoi prenez-vous ma remarque pour vous ? Bien sûr ce n’est pas vous qui avez dit ou laissé entendre cela, vous avez même de fait explicitement dit le contraire.
      Celui que je visais par ma remarque est notre Premier ministre, Edouard Philippe.
      Il suffit de se reporter à ses déclarations à ce sujet en réponse à des questions.

  2. Andre MAMOU dit :

    François Bayrou est fidèle à son personnage. Il a donné des consignes de vote en faveur de Francois Hollande et il a donné son appui à la candidature d’Emmanuel Macron. Il se prend pour un faiseur de rois ! Et il veut parler à la place du Premier ministre. Le président Macron, qui n’a plus besoin de lui, devrait le renvoyer à Pau, « dans les honneurs obscurs de quelque obscure région ».

    • Michel de Guibert dit :

      Renvoyer celui dont on a plus besoin… belle mentalité !

    • liberty8 dit :

      Tout à fait d’accord, Bayrou sème la zizanie partout où il passe. C’est vraiment un boulet à tirer. S’il est mis en examen il devra démissionner et cela enlèvera une épine du pied de Macron.
      Il fait partie de la classe des égocentristes en tout genre et tient probablement la première place dans cette catégorie.
      Dimanche il va falloir compter les députés LREM et voir s’ils obtiennent seuls la majorité. Ferrand avait bien vu le coup venir mais Macron a respecté son contrat.

    • lionel dit :

      Dommage que le même zèle journalistique appliqué à François Fillon début 2017 n’ait pas été appliqué à François Bayrou à partir de février (voire à Richard Ferrand).

      Réponse
      A partir de février ? Il fallait être devin pour parler d’emplois fictifs concernant le MoDem. Le « zèle » journalistique n’épargne nullement M. Bayrou et j’aimerais que l’on cesse de mettre en cause des journalistes qui n’ont pas inventé mais révélé les turpitudes des hommes politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche.
      R.L.

      • Num dit :

        Euh… l’affaire Modem ne date pas d’hier, semble-t-il. Tout comme l’affaire Fillon. Pourquoi l’une sort trois mois avant l’élection et l’autre un mois après ? Il y a des coïncidences troublantes.

  3. Num dit :

    Bayrou : fallait pas l’inviter…

    • liberty8 dit :

      Bien d’accord, mais Macron sans Bayrou n’aurait peut être pas passé le premier tour.
      C’est le prix à payer.
      Cet homme est quand même incroyable, il a tourné sa veste de nombreuses fois, a choisi politiquement par convenance et vengeance personnelle (2012), a multiplié les erreurs, et a une fidélité proche de la girouette : en fonction du vent.

      • Michel de Guibert dit :

        Ce que vous dites de Bayrou pourrait s’appliquer aussi à Macron… l’ancienneté en moins !
        La seule différence, c’est que Macron a réussi là où Bayrou a échoué.

        Réponse
        Aucun rapport. Bayrou se conduit en faiseur de roi, Macron est roi.
        R.L.

  4. dupont dit :

    Un mot juste pour les retraités à qui on va ponctionner encore la CSG , alors que leurs pensions ne sont pas réévaluées et que leur pouvoir d’achat baisse
    C’est une honte quand on voit tous les avantages de ces ex presidents et ministres et députés avec leurs avantages pour retrouver du travail etc.. On comprend qu’ils aient tous envie du gâteau, il est très bon et Bayrou le raté aurait vendu son âme pour y être Nous, les vieux sans dents, on peut toujours nous piquer et nous piquer encore jusqu’à ce que l’on ne puisse plus rien dépenser. Honte à cette politique qui s’en prend à ceux qui on travaillé toute leurs vies pour donner à ceux qui ne foutent rien.

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