Le général de Villiers démissionne

Le général part avec panache
(Photo AFP)

Le général Pierre de Villiers, chef d’état-major des Armées, a démissionné ce matin, devançant l’entretien qu’il était censé avoir vendredi avec le chef de l’Etat.

ENGAGE, sans doute contre sa volonté, dans une polémique avec le président de la République, le général n’a pas voulu attendre une rencontre qui lui aurait donné le choix entre soumission et démission. En prenant les devants, il rend objectivement service à Emmanuel Macron, dont les critiques adressées à Pierre de Villiers, ont été vilipendées par la classe politique et qui, s’il avait été poussé au limogeage d’un officier supérieur prestigieux, eût été contraint de procéder à un second acte d’autorité, capable de soulever une nouvelle tempête. Mais, plus important, le général, loin de se soumettre à la mécanique des décisions politiques, réaffirme avec éclat sa liberté par un geste unilatéral. Dans son épreuve de force avec le président, il pose un acte final qui lui donne l’avantage.

L’absence de concertation.

Le conflit entre les deux hommes aurait sans doute pu être réglé par un colloque singulier. Malheureusement, des indiscrétions ont révélé les propos tenus par le général lors d’un exposé qu’il a fait devant la commission de défense de l’Assemblée nationale. M. Macron n’a pas voulu passer outre un ou deux mots qui l’ont choqué, mais sa réponse, quoique dictée par la volonté de rappeler que le militaire est soumis au politique, a été violente. Les éléments d’un accord de principe entre les deux hommes sont d’ailleurs contenus dans la lettre de démission de Pierre de Villiers, qui écrit ceci : « Dans le strict respect dee la loyauté qui n’a jamais cessé d’être le fondement de ma relation avec l’autorité politique et la représentation nationale, j’ai estimé qu’il était de mon devoir de leur faire part de mes réserves, à huis-clos, en toute transparence et vérité ».
Ces mots, s’ils avaient été prononcés lors d’un conciliabule avec le président, auraient suffi à mettre un terme au conflit qui les oppose. Le général de Villiers a voulu sortir de la scène avec panache, c’est son droit absolu. Les rapports entre les Armées et le pouvoir, si bien entretenus par l’ancien ministre socialiste de la Défense, Jean-Yves Le Drian, entrent, hélas, dans une phase de tension qui pourrait durer, au moins jusqu’à ce que, dans le budget 2018, Emmanuel Macron rétablisse le budget militaire, y compris la hausse prévue.

Le dilemme de Le Drian.

La crise entre les militaires et le pouvoir a pour source la décision du président de nommer M. Le Drian aux Affaires étrangères au lieu de le reconduire à la Défense, probablement parce que le chef de l’Etat avait déjà compris que, avec ce ministre, l’armée se sentait protégée contre les décisions purement comptables du ministère de l’Economie. Cette décision constituait un début de prise en main que l’indépendance de ton et de parole du général de Villiers menaçait. Sa démission, en tout cas, pose indirectement un dilemme à Jean-Yves Le Drian, reconnu comme un ministre hors pair, qui a trop soutenu les efforts, parfois surhumains, de l’armée par le passé pour se désintéresser aujourd’hui de son sort. En outre, M. Le Drian n’a pas hésité à s’engager, quand il était encore en fonctions au sein du gouvernement de Bernard Cazeneuve, en faveur d’Emmanuel Macron. C’est dire qu’il a joué un rôle non négligeable dans la victoire électorale de M. Macron. Et que celui-ci n’a pas intérêt à le décourager.

RICHARD LISCIA

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4 réponses à Le général de Villiers démissionne

  1. Michel de Guibert dit :

    Excellent éditorial.
    Ce n’est plus Macron Jupiter, c’est Micron caporal-chef !
    Le président a réussi à faire l’unanimité contre lui avec la démission forcée du chef d’état major des armées…
    C’est un jour triste pour notre pays et pour notre armée.

    Réponse
    Ne rien exagérer.
    R.L.

  2. Num dit :

    C’est une grande perte pour notre armée et pour la France. Villiers aura eu le courage d’assumer sa vérité qui est que notre armée ne peut pas être efficace dans sa lutte contre le terrorisme si on ne lui en donne pas les moyens. Triste jour pour la France…
    Macron a commis plus qu’une erreur avec ce rappel à l’ordre intempestif et exagérément autoritaire alors qu’il avait tort sur le fond : une faute. La première de son quinquennat mais elle risque de lui coûter cher car il donne le sentiment de ne pas prendre la mesure de l’importance de la sécurité nationale qui est pourtant la première priorité des Français.

  3. Scalex dit :

    Dans cette affaire, je soutiens fortement le nouveau président. Les Français ont rejeté sans équivoque le laxisme de ses prédécesseurs. Macron fait preuve d’autorité et c’est très bien comme cela. Mais il doit faire attention à ne pas commettre d’erreur grossière, ce qui est le cas jusqu’à présent.

    • Michel de Guibert dit :

      Non, Scalex, dans cette affaire, Macron ne fait pas preuve d’autorité, l’autorité véritable n’a pas à se prouver ni à se donner en spectacle, il fait preuve d’autoritarisme..
      Le général Pierre de Villiers avait raison sur le fond, Macron avait lui-même promis une augmentation du budget de la Défense à 2 % du budget de l’État et il fait le contraire.
      Le général Pierre de Villiers ne s’est pas exprimé publiquement, contrairement à ce qu’a affirmé Macron, il s’est exprimé à huis-clos devant une commission parlementaire, c’était son devoir de répondre en vérité.
      Macron a donc commis une erreur grossière, ne vous en déplaise, la première depuis son élection, mais elle est de taille.

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