Maison Blanche, bateau ivre

John Kelly
(Photo AFP)

Le président Donald Trump a engagé un nouveau secrétaire général de la Maison Blanche, John Kelly, un ancien général et, dans la foulée, il s’est débarrassé du nouveau directeur de la communication de la Maison Blanche, Anthony Scaramucci, engagé il y a à peine dix jours.

DÉCIDÉMENT, le président des États-Unis n’est pas au bout de ses peines. Il avait suffisamment critiqué son porte-parole, Sean Spicer, pour que celui-ci, à bout de forces, épuisé par les contradictions répétitives auxquelles il était exposé, démissionnât. Qu’à cela ne tienne. Donald Trump a trouvé la perle, un homme d’affaires du nom irremplaçable de Scaramucci, qui se crut obligé de lancer contre Reince Priebus, le secrétaire général de la Maison Blanche, une algarade dont la sémantique grossière le disputait à la diffamation. La vulgarité de M. Scaramucci a lassé M. Trump, qui a finalement trouvé son maître dans ce domaine. Et il a décidé de demander au général Kelly de remettre de l’ordre dans une maison secouée par les scandales, les propos indignes, les difficultés insurmontables. Il lui a mâché le travail puisque, pour nommer le général, il devait se débarrasser de son prédécesseur, Reince Priebus.

L’expulsion de 755 Américains.

L’opinion américaine, cependant, se montrera sceptique au sujet d’une pacification de l’entourage de M. Trump. Depuis un peu plus de six mois qu’il est au pouvoir, le président a prouvé à plusieurs reprises qu’il ne savait pas choisir ses collaborateurs, qu’il changeait de conviction comme de chemise et qu’étant imprévisible, avec ses tweets vengeurs mais puérils, il a abaissé sa fonction, peut-être de façon irrémédiable. D’autant que sa lamentable communication résulte principalement de son incapacité à convaincre ses concitoyens de l’harmonie de sa pensée et de son action et que ses volte-face plongent les Américains dans la perplexité, l’incertitude et l’inquiétude liée aux divers dossiers dont Donald Trump, semble-t-il, a perdu le contrôle.
Par exemple, la Corée du Nord multiplie les provocations en lançant des missiles en direction de l’Alaska et clame que, dans peu de temps, elle sera en mesure de frapper n’importe quel coin des États-Unis. M. Trump se contente de la menacer, réclame en vain une action diplomatique chinoise qui ne se produit jamais, et se perd dans des commentaires qui font apparaître son pays comme une puissance de seconde zone incapable de se faire respecter. Certes, cela montre au moins qu’il veut éviter une guerre mondiale. Mais, pendant ce temps, la Russie se réjouit de l’affaiblissement américain auquel elle vient de contribuer en fermant des locaux américains en Russie et en expulsant pas moins de 755 diplomates. Comme ce genre de mesure appelle la réciprocité absolue, bientôt, les canaux de communication entre Washington et Moscou seront coupés et il ne sera pas facile de désamorcer une crise plus grave entre les deux capitales.

Embrouillamini avec la Russie.

M. Trump ne s’est pas non plus libéré de la menace que font peser sur sa présidence les relations que son entourage a pu avoir avec les autorités russes pendant la campagne électorale. Selon de nouvelles révélations, les étranges explications fournies par son fils Donald Jr sur un entretien qu’il a eu avec une avocate russe auraient été dictées par Donald père. Simultanément, un ancien directeur du FBI, Robert Mueller enquête sur les ingérences électroniques russes dans le processus électoral aux États-Unis. L’idée que le Kremlin a tenté de fausser le résultat des élections de novembre dernier, celles qui ont porté M. Trump au pouvoir, n’est pas écartée. D’une façon générale, et en dépit de ses propres jugements emphatiques sur le bilan de ses six premiers mois à la présidence, M. Trump accumule les échecs. Ainsi, il a tenté de démanteler l’assurance-maladie mise en place par Barack Obama mais le Sénat a voté contre le remplacement du système par un autre, plusieurs sénateurs républicains, avec à leur tête John McCain, ancien candidat à la présidence en 2008, ayant rejoint l’opposition démocrate. C’est un échec de taille pour Donald Trump qui l’a commenté en prédisant que l’Obamacare finirait par imploser, comme s’il n’était pas essentiel que les Américains disposent d’une protection sociale. De la même manière, en sortant de la COP 21, c’est-à-dire de l’accord climatique remporté de haute lutte à Paris, Trump croit qu’il montre ainsi la force de son pays alors que, en réalité, il en a fait un paria international.

Un discrédit durable.

Ce tableau général de l’Amérique de Trump montre surtout que le président n’est pas à la hauteur de sa tâche. La Russie agit comme si elle était convaincue que la paralysie américaine allait se poursuivre ; il en va de même avec la Chine qui sait très bien discerner la rhétorique trumpiste du danger inexistant d’une action militaire américaine. M. Trump se félicite de la bonne santé de l’économie et de la baisse du chômage, en feignant de croire que les Américains lui doivent quelques bons chiffres qui sont, en réalité, l’héritage d’Obama. Twitter, l’esbroufe, les manipulations grossières de l’information, le langage de palefrenier, les provocations et l’immobilisme diplomatique ne représentent pas les instruments d’une bonne gouvernance. De même que des paroles autoritaires ne renforcent pas toujours l’autorité du président. Nombre de personnalités de son entourage sont compétentes. Reince Priebus, par exemple, est l’ancien président du parti républicain et il était parfaitement adapté à son travail à la Maison Blanche. M. Trump limoge des gens ou les laisse partir, il se prive de leur talent. Ses erreurs de casting, comme la nomination de Scaramucci, sont multiples. Il n’a pas fini de jeter le discrédit sur ses méthodes.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Maison Blanche, bateau ivre

  1. Galex dit :

    « …Grand saut, grande chute »! Proverbe danois. Mes pensées vont au peuple américain.

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