Macron : mauvaise passe

Macron ce matin à l’Élysée
(Photo AFP)

La chute de popularité d’Emmanuel Macron en quatre mois, selon un sondage publié par le « Journal du dimanche », est impressionnante : moins 22 % d’avis favorables, ce qui l’amène à un étiage très bas, 40 %, c’est-à-dire beaucoup moins que François Hollande ou Nicolas Sarkozy à la même époque de leur mandat.

LES RAISONS de ce dévissage sont multiples : Jean-Luc Mélenchon, de la France insoumise, réunit des meetings populaires où il accuse M. Macron de fomenter un « coup d’État social », formule qui semble annoncer plutôt l’intention du chef des insoumis de procéder à un coup d’État classique. Il est certain que, au moment où le gouvernement annonce des mesures d’économie pour équilibrer le budget de 2018, la réforme, inévitablement, devient très impopulaire et l’opposition, finalement incarnée aujourd’hui par le seul Mélenchon, (où est passée Mme Le Pen ?) en profite pour tirer à boulets rouges sur le pouvoir. En outre, François Hollande a cru bon, la semaine dernière, de critiquer, et pas qu’un peu, le président Macron pour sa réforme du code du travail, estimant, non sans audace, que la sienne suffit. François Bayrou, dans « le Point », tente d’exister de nouveau, cette fois en tapant, gentiment mais hypocritement, contre son ami. Alain Juppé émet des doutes sur la faisabilité du budget de 2018. Que signifie cette convergence de critiques chez des hommes dont le pouvoir aurait pu espérer une plus grande discrétion, et peut-être un soutien ? Que le président ne doit pas croire que la classe politique va lui donner une chance. Non, le combat a déjà commencé, et peu importent les conséquences.

L’affaire des APL.

L’influence des commentaires sur l’action gouvernementale est néanmoins à peu près nulle. M. Macron n’est pas la victime d’une camarilla organisée par ceux qui auraient dû le soutenir. Il a aussi un énorme problème de communication. Quand il s’est rendu à Bucarest pour y dire que « les Français détestent les réformes », ce qui, à mon sens, est une vérité pure, il a soulevé la colère de l’extrême gauche, permettant à M. Mélenchon de préciser : « Les Français n’aiment pas les mauvaises réformes ». Nous sommes nombreux à partager l’analyse de M. Macron, mais il n’a pas le temps ou le loisir de s’exposer aux flèches d’une opposition qui ne demande que l’occasion de riposter à tout ce que dit ou fait le président. Bien sûr, les médias et l’opinion font une montagne de la moindre aspérité dans le programme du gouvernement. Le fameux « rabotage » de cinq euros par mois de l’aide au logement n’est pas, à proprement parler, une torture inique infligée aux plus pauvres, mais, même si le gouvernement est pris par le temps, l’APL exige une réforme de fonds, pas une mesurette adoptée par un gouvernement pris au piège d’un déficit budgétaire plus élevé que prévu. Pour une recette dérisoire par rapport aux besoins financiers, un maximum d’impopularité.

On ne change pas de président.

M. Macron a réuni ses proches aujourd’hui pour relancer l’action gouvernementale dont Édouard Philippe, sur BFM la semaine dernière, n’a pas fait l’exposé le plus convaincant. Le président qui, ces dernières semaines, avait quelque peu pris ses distances avec la politique intérieure au jour le jour, se serait ravisé et aurait donc décidé de s’exprimer davantage sur les réformes et le budget. À cet effort didactique doit s’ajouter l’indispensable cohérence du projet qui, jusqu’à présent, a semblé plus improvisé que réfléchi. En effet, sauf à espérer une crise de régime qui, selon M. Mélenchon, ouvrirait la voie au succès de son parti (ou celui de l’extrême droite), les grognons de gauche et de droite feraient mieux de se rappeler qu’ils ont commis toutes les erreurs nécessaires à la victoire d’Emmanuel Macron. Peut-on rappeler que ni M. Hollande ni M. Juppé n’ont voulu du pouvoir ? Et n’ont-ils pas de cette manière, après avoir pris le risque d’un triomphe de l’extrême droite, consenti à une solution que l’un et l’autre souhaitaient dans leur for intérieur ? Alain Juppé aurait-il préféré que M. Fillon fût élu ? M. Hollande se serait-il satisfait d’un Benoît Hamon ?
On ne change pas de président au bout de quatre mois. La droite, qui va se prononcer sur le choix, très limité, entre Laurent Wauquiez et Daniel Fasquelle, ne nous semble pas prête à prendre le pouvoir ni même à retrouver immédiatement les instruments de son influence. Le parti socialiste, que M. Hollande a si savamment démoli, est dans un état proche de la catalepsie. Les uns et les autres sont vraiment très mal placés pour obtenir un minimum de crédibilité et, de toute façon, le fonctionnement des institutions ne permet pas un remplacement du pouvoir à court terme, n’est-ce pas, M. Juppé, n’est-ce pas, M. Hollande ?
À tous ceux qui l’aiment ou le haïssent, je dis que M. Macron les a déjà surpris par sa maestria au mois de mai dernier. Je ne crois pas qu’il y ait un malentendu entre le pouvoir et les citoyens sur la nécessité de la réforme. Il existe au contraire une grande impatience populaire. Les gens attendent que Macron fasse ce qu’il a promis et même qu’il le fasse vite. Voilà pourquoi le meilleur moyen de voir les changements apparaître, c’est de les approuver plutôt que d’y renoncer. C’est de se montrer plus macronien que Macron.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Macron : mauvaise passe

  1. Danièle Vergne. dit :

    Enfin, une excellente analyse de la situation politique de notre pays.
    Comment peut-on, en trois mois émettre des critiques aussi violentes et si peu réalistes.
    Courage à notre président et à notre Premier ministre (et son gouvernement) pour entreprendre les réformes dont notre pays a besoin.
    J’ai confiance en eux.

  2. Num dit :

    Le problème de Macron, déjà visibles pendant sa campagne, c’est que :
    1. Il est seul (Édouard Philippe et beaucoup de ministres et députés ne sont pas à sa hauteur)
    2. Son programme est flou et personne ne l’a compris de la même manière.
    Tout son charisme et ses talents auront du mal à compenser ces deux handicaps majeurs. L’effet boomerang est extrêmement sévère.

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