Macron sur deux fronts

Merkel parmi les siens
(Photo AFP)

Angela Merkel a remporté une victoire à la Pyrrhus aux élections législatives, puisque son parti, la CDU/CSU, ne recueille que 33 % des voix, que l’AfD (extrême droite) fait une entrée fracassante au Bundestag et que la déroute du SPD (sociaux-démocrates, qui obtiennent seulement 20,5 % des suffrages) va rendre très compliquée la formation d’une coalition gouvernementale. En France, les élections sénatoriales ont donné un coup d’arrêt à la progression de la République en marche.

POUR Emmanuel Macron, dont la cote de popularité est remontée légèrement pendant le week end, l’Allemagne pose un plus gros problème que les sénatoriales. Les sociaux-démocrates, laminés après plusieurs années de coopération avec les conservateurs, ne veulent plus entendre parler de coalition. M. Merkel ne saurait s’associer à l’AfD (Alternative für Deutschland), et pas davantage à Die Linke, une extrême gauche à la Mélenchon. Elle doit donc trouver des partenaires chez les Verts et chez les libéraux (FDP), qui ont tiré profit de la désaffection populaire à l’égard des deux grands partis de gouvernement. Malheureusement, le FDP, écarté du pouvoir pendant le troisième mandat de Mme Merkel, nourrit des idées de plus en plus hostiles à l’intégration européenne et la chancelière ne pourra s’associer à ce parti que si elle prend en compte cette forme inattendue d’intolérance à l’égard de l’Europe.

Une coalition difficile à composer.

Ce qui ne ferait pas l’affaire d’Emmanuel Macron. Cependant, dès demain, il annoncera qu’il est prêt à lancer avec la gouvernement allemand ce qu’il appelle la « refondation » de l’UE qui, elle aussi, doit changer un nombre élevé de dispositions institutionnelles si elle veut exercer une influence plus marquante sur les relations diplomatiques et montrer, surtout, qu’elle va mieux prendre en charge la vie économique et sociale des Européens. M. Macron se faisait fort, avec sa majorité pléthorique à l’Assemblée et avec ses réformes, de se présenter bientôt en leader de la deuxième puissance européenne, de manière à marcher sur un pied d’égalité avec l’Allemagne. Voilà brusquement que c’est l’Allemagne qui s’affaiblit, incertaine quant à son destin, obligée de compter avec quelques 94 députés d’extrême droite (Mme Merkel paie l’accueil d’un million de réfugiés en 2014-2015), ce qui ne s’est jamais produit depuis la création de la République fédérale, et se retrouve entre un parti dominant mais durement meurtri, et un SPD qui enregistre sa plus grande défaite depuis 68 ans. Au rayonnement européen de l’Allemagne va donc succéder, au moins pendant quelques mois, une sorte de repli sur soi indispensable à la guérison de la CDU et du SPD qui, arithmétiquement, ont à eux deux la majorité absolue, mais ne songent pas un seul instant à proposer aux Allemands de continuer comme par le passé.

Prendre en compte la précarité.

C’est en effet le modèle allemand lui-même qui est remis en question par cette curieuse élection. D’abord, l’immigration doit faire l’objet d’une politique minutieuse et prudente, à la place de la seule générosité. Ensuite, Angela Merkel devra se demander si la rigueur est encore de mise dans un pays où, malgré de très brillants résultats, la pauvreté et la précarité progressent. L’Allemagne va être contrainte de procéder à de lourds investissements publics, moins pour créer des emplois que pour améliorer les salaires. Compte tenu de l’accueil qui a été réservé à Mme Merkel pour sa quatrième sollicitation, la chancelière doit réviser de fond en comble son programme économique et accepter, par exemple, de sacrifier une partie de son excédent budgétaire à des mesures en faveur de ses concitoyens qui ont du mal avec leurs fins de mois. Une telle évolution conviendrait à la France, car elle relancerait la croissance en Allemagne, mais aussi chez nous. Il reste que la consultation a démontré un malaise politique en Allemagne qu’il n’est plus possible de sous-estimer.
L’échec de la République en marche (REM) aux sénatoriales (1) était prévisible. Les sénateurs étant élus par de grands électeurs, il n’y a pas eu, depuis la création du mouvement macronien, d’élections intermédiaires qui auraient permis la présence de votants appartenant à la REM dans les conseils municipaux, qui fournissent 95 % des cent mille électeurs. Après avoir cru à un blitzkrieg électoral, grâce à son énorme avance aux législatives, M. Macron s’est aperçu que les grands électeurs sont restés ceux de la droite et de la gauche classiques. Ainsi les Républicains ont-ils renforcé leur présence dans la Chambre haute et les socialistes ont-ils sauvé les meubles. Mais comme le disent les responsables de la REM, on verra ce qui va se passer en 2020, quand la composition de l’électorat des sénatoriales aura changé d’orientation.

RICHARD LISCIA

(1) Voir le Quotidien du médecin du 21 septembre

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2 réponses à Macron sur deux fronts

  1. Michel de Guibert dit :

    Victoire à la Pyrrhus ?
    … « que 33 % des voix » pour Merkel, c’est beaucoup plus que 24 % pour Macron au premier tour !

    Réponse
    Mauvaise comparaison. En France, l’élection du président se fait au scrutin majoritaire à deux tours. En Allemagne, la désignation du chancelier se fait selon le scrutin proportionnel à un tour.
    En outre, les législatives en France n’ont fait entrer à l’Assemblée qu’une poignée de députés FN. Les députés allemands de l’extrême droite seront au moins 90, ce qui, comme je l’ai expliqué, va beaucoup compliquer la formation d’un gouvernement allemand de coalition.
    R.L.

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