Retraités : statut fragile

Des retraités en colère en mars dernier
(Photo AFP)

Les retraités sont aujourd’hui dans la rue pour protester contre la hausse de la CSG. C’est en effet une catégorie sociale qui subit injustement beaucoup d’agressions, qu’elles soient verbales ou financières.

PARMI les qualificatifs les plus courants, celui de « nantis » est le plus pervers. On a vite fait, en France, de désigner des boucs émissaires, donc de dresser les jeunes contre les vieux, d’attribuer artificiellement à une fraction de la population, dont les membres n’ont que l’âge en commun, des avantages, des égoïsmes, des indifférences qui existent d’autant moins qu’il y a toutes sortes de retraités : des pauvres, des riches, des malades, des gens en bonne santé, des heureux et des malheureux. Mais, au fond, si ces temps-ci on les accable de jugements négatifs, c’est parce que détester les autres est le réflexe qui survient le plus vite chez ceux qui aiment les solutions simples : les retraités coûtent cher ? Il suffit de les appauvrir encore. Autrement dit, la campagne dont ils font l’objet va droit dans le mur, car une société qui se respecte n’abandonne pas un quart de sa population. De ce débat proche de l’idiotie, il ne reste qu’une chose, cet amas d’injures gratuites déversé sur les seniors, qu’ils ne méritent pas mais qui n’aura servi à rien.

Une mesure contestable.

Nombre de nos spécialistes font toutefois remarquer que c’est chez les Français âgés que se concentre le patrimoine national. Ceux-là ne perdront pas leur temps à manifester aujourd’hui. Peut-on, sans contester cette estimation, exprimer l’idée que celui qui a travaillé toute une vie possède, c’est une évidence, plus de biens ou d’argent que celui qui commence sa carrière ? Peut-on ajouter que des parents aisés aident en général leurs enfants par tous les moyens dont ils disposent, pour autant que le fisc n’intervienne pas dans la procédure sous le prétexte qu’il faut mettre un terme aux privilèges dynastiques ? Comme chez les actifs, les inégalités entre retraités sont considérables. La hausse de la CSG affecte moins l’ancien cadre supérieur que l’ancien ouvrier au salaire minimum. Mais surtout, les retraités ont déjà beaucoup donné : ils ont cotisé 120 pour que le calcul de leur pension soit établi sur une base 100 ; le montant de leur retraité est gelé depuis quatre ans. Peut-être que, dans un contexte qui échappe complètement à leur volonté (on est forcé de cotiser en tant qu’actif, on paie des impôts sur la pension pour laquelle on a cotisé), les pouvoirs publics auraient pu trouver autre chose qu’une hausse de la CSG ?

L’âge n’est pas une classe sociale.

Le président Macron n’a pas caché qu’il rejoignait le choeur des détracteurs de la vieillesse. Il trouve lui aussi que ces vieux, décidément, ont une vie trop tranquille et qu’il est juste qu’eux aussi « participent à l’effort national ». Il faudrait presque qu’un vieux demande pardon à la société d’avoir l’âge qu’il a. Déjà, quand il travaillait au-delà de 55 ou de 60 ans, son entreprise le pressait de partir, de prendre, pourquoi pas ?, sa « pré-retraite », antichambre du cimetière des actifs. Comment peut-on aujourd’hui stigmatiser les retraités alors que beaucoup de gens ne souhaitent pas prendre leur retraite à 62 ans ? Le plus absurde dans ce genre de contradiction kafkaïenne, c’est que tous, syndicats, gouvernements, entreprises, se sont littéralement ligués pour licencier des personnels considérés comme âgés, les jeter au chômage avant la retraite, et voilà qu’aujourd’hui on considère les pensionnés comme une charge insupportable pour la société. La tentation d’une solution totalitaire du genre : « Ils coûtent trop cher en pensions et en soins, qu’ils crèvent », n’est pas loin.
On voudra m’excuser pour cet excès de langage, mais je voulais seulement rappeler que l’âge n’est pas un sexe, pas une catégorie sociale, pas une classe, pas une race. Les jeunes finiront par vieillir, les vieux ont été jeunes et il est ridicule d’opposer un âge à un autre. Quant à la hausse de la CSG, c’est, par définition, une mesure injuste qui ne peut être justifiée que si on condamne le principe de la retraite et même l’état de personne âgée. Comme pour tout le reste, il faut attendre de l’action multiple, parfois brouillonne, du gouvernement, ce qu’il en sortira.

RICHARD LISCIA

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5 réponses à Retraités : statut fragile

  1. Gegau dit :

    Les vieux, des privilégiés qu’il faut « faire payer », selon Macron. Que pense-t-il de ceux qui, de plus en plus nombreux, se rendent dans les centres type restaurants du cœur ?
    Pense-t-il qu’avec 1 200euros de retraite par mois, on peut vivre décemment ? Au point de payer 1,7 % de CSG sans conséquence ?

  2. ostré dit :

    Bonne analyse. Les retraités aident beaucoup leurs jeunes souvent au chômage ou en difficulté de logement et qu’ils hébergent souvent avec leur conjoint.

  3. Num dit :

    Votre diatribe est excessive. La CSG est un excellent impôt, juste, proportionnel, universel et qui frappe tous les revenus sans exception. Au nom de quoi les retraités en seraient-ils exonérés ?
    Dire cela n’a rien de stigmatisant envers les retraités. C’est juste une mesure de justice.

    Réponse
    Retirez le mot diatribe. Des retraités ont été exonérés de la hausse de la CSG, on pouvait aller plus loin.Il n’y a pas d’impôt excellent, juste, proportionnel et universel. Vous nous jouez une partition hypocrite.
    R.L.

  4. Cadic A dit :

    Pourquoi conseiller le vaccin contre la grippe aux misérables retraités dont je fais partie ?….puisque M. Macron ne nous aime pas, qu’il nous achève. Il verra qu’il manque du monde pour le bénévolat.
    Vu sur un ossuaire en Alsace: ce que vous êtes, nous l’avons été, ce que nous sommes vous le serez.

  5. JB7 dit :

    N’ayant pas le connaissances économiques nécessaires, il ne m’est pas possible de dire si les 40 années (environ) de cotisations sont suffisantes pour payer 25 années de retraites ( l’espérance de vie étant autour de 85 ans).
    Par contre, le monde rural a été abandonné depuis longtemps par l’Etat, qui ferme progressivement les écoles, les bureaux de poste, les maternités, les petits hôpitaux, etc.
    On peut se demander si nos hauts fonctionnaires ne seraient pas tentés de faire une opération du même type pour nos retraités…
    C’est tout à votre honneur d’avoir abordé ce sujet.

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