Fisc à la mode Macron

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(Photo AFP)

Le débat sur une fiscalité que le projet de budget pour l’an prochain doit réviser en profondeur politise, jusqu’à la saturation, des décisions conçues pour favoriser l’emploi. L’étiquette de « président des riches » colle désormais à la peau d’Emmanuel Macron, et c’est absurde.

LE PRÉSIDENT des riches avait annoncé qu’il réformerait l’impôt sur la fortune (ISF) et il le fait. S’il s’agit d’un tabou tel que les Français exigeraient de garder l’ISF, pourquoi ont-ils élu M. Macron ? Le président, pour ne pas choquer un pays où les convenances sociales ont pris le pas sur les protocoles aristocratiques, a pris soin de conserver une ISF immobilier, ce qui, logiquement, n’est pas plus juste que l’ISF tout court. Injuste, l’ISF ? Oui, car il ne résiste pas à la force du droit. Pour accumuler une fortune, il faut d’abord payer des impôts sur ses revenus et plus on gagne, plus on est taxé. Si, après avoir acquitté tous ses impôts, on doit en payer de nouveaux non pas sur des gains mais sur le capital, les mêmes revenus sont taxés deux fois. Mais peu importe le droit : la simple vérité est que les fortunes françaises sont parties à l’étranger et c’est tellement vrai que, en quelques années, grâce à la lutte contre les paradis fiscaux, l’État a récupéré plusieurs milliards d’euros et rapatrié des capitaux d’un montant élevé. M. Macron fait le pari qu’au lieu de payer l’ISF, les gens riches investiront dans l’économie française. Il n’est pas sûr de réussir, mais qui ne tente rien…

Comment lutter contre la précarité.

En France, 52 % des ménages ne paient pas l’impôt sur le revenu. Ce sont les mêmes qui touchent la plupart des prestations sociales, depuis les allocations familiales jusqu’à l’aide au logement. On peut imaginer qu’au nom d’un principe républicain, ces foyers aux revenus limités paient au moins un impôt symbolique. Mais il y a une très bonne façon de les faire basculer dans le groupe des fiscalisés : en prenant des dispositions pour que leurs revenus augmentent, que le taux de chômage diminue, que des millions de personnes passent de la précarité à la classe moyenne. On ne réussira pas ce tour de force si on ne s’en donne pas les moyens, dont le premier est l’investissement massif dans l’industrie, la recherche et l’innovation. D’où croyez-vous que l’argent viendra, sinon des riches ? Mais bon, les croyances médiévales ont la peau dure. Comme la cote de popularité de M. Macron est en berne, comme il s’en prend parfois aux ouvriers et aux chômeurs, comme il veut éviter les conflits sociaux, la majorité est toute prête à ré-instituer l’ISF sur les lingots d’or, les yachts et les avions privés. Je pourrais pousser une logique imperturbable en rappelant que bateaux et avions créent des emplois et qu’on peut avoir un lingot à la banque sans être riche du tout. Mais évitons de déclencher les sarcasmes, donnons un gage à l’opposition, taxons le luxe, même s’il s’agit d’une recette dérisoire. Une bonne réforme doit être d’abord adoptée. Pour l’ISF, ce n’est pas encore sûr.

Suppression des allocations ?

Cependant, les mêmes raisons qui incitent le gouvernement à céder aux imprécations de l’extrême gauche et de l’extrême droite le conduisent à verser de plus en plus d’eau dans son vin. Exemple : il est sérieusement question de supprimer les allocations familiales pour les foyers dont les revenus sont confortables. Ce n’est pas la première fois qu’on y pense et la dernière fois qu’on en a parlé, on a manqué de peu un soulèvement national conduit pas ceux, justement, qui ont des revenus élevés, un peu comme s’ils n’avaient conçu leurs enfants que pour gagner un peu plus d’argent. Il est vrai que l’État, de tous temps, s’est fait un devoir d’encourager la démographie. Toucher une disposition fiscale, c’est forcément s’engager dans une contradiction.
On rejoint là la machine infernale que sont les emplois aidés : tout le monde, y compris à gauche, savait qu’il s’agit d’emplois artificiels, financés par l’État, donc très coûteux et qui assurent rarement un emploi de longue durée aux personnes qui en bénéficient. La logique des emplois aidés est la suivante: plus on en crée, plus on augmente le déficit et la dette. Si on créait trois millions d’emplois aidés pour éliminer le chômage, on parviendrait à un niveau d’endettement insoutenable et on serait certain de retrouver un nombre comparable de chômeurs au bout du cycle. Le gouvernement a donc réduit le nombre d’emplois aidés. Tollé national. Jamais, depuis sa décision, les emplois aidés n’ont semblé aussi utiles au bon fonctionnement du pays. Eh bien, il en va de cette affaire comme du reste. La France, depuis trente ans, a fait le choix du chômage. S’il est indemnisé longtemps et correctement, pourquoi s’en inquiéter ? Chômeurs et emplois aidés ont contribué aux recrutements précaires, à la stagnation des salaires, à l’instabilité des emplois. Si Macron est apparu dans le paysage politique, c’est bien parce que, malgré la clameur de la protestation, une majorité de Français a compris que cela ne pouvait plus durer.

RICHARD LISCIA

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Une réponse à Fisc à la mode Macron

  1. MULLER dit :

    La France est toujours soumise à la lutte des classes, savamment entretenue par la CGT et les quelques communistes qui restent, c’est le pouvoir des minorités qui mine la démocratie, et cela est « irréformable ».

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