Trump la mort

Veille mortuaire au Texas
(Photo AFP)

Un jeune homme de 26 ans a tiré sur une église du Texas. La fusillade a fait 26 morts. C’est le crime le plus grave qui ait été commis dans cet Etat américain. Il survient cinq semaines à peine après la tuerie de Las Vegas (58 morts), au Nevada.

ON NE CONNAÎT pas encore l’identité de l’assassin, ni ses motivations. On sait seulement qu’il s’agit d’un ancien militaire qui a été renvoyé de l’armée après avoir comparu en cour martiale. Ce qui, comme d’habitude, a conduit le président Donald Trump à déclarer : « La santé mentale est le problème (…) Ce n’est pas une question liée aux armes ». C’est ce qu’il affirme chaque fois qu’un massacre se produit et toute la question est de savoir pendant combien de temps l’opinion américaine va se satisfaire de la répétition du mensonge.

Avalanche de mots.

M. Trump n’est pas avare de compassion pour les victimes, les paroissiens de la First Baptist Church de Sutherland Springs, un hameau de 400 habitants, qui, en quelques secondes, a perdu plus de 5 % de sa population. Il a prononcé une avalanche de formules toutes faites pour exprimer sa sympathie pour les morts et les familles sans envisager de prendre une initiative pour le contrôle des armes : « Fusillade terrifiante, acte diabolique, larmes, chagrin, peine que nous ressentons tous », les Américains ont eu droit à la plus belle oraison funèbre d’un président, sans qu’il leur ait donné le moindre espoir d’avoir un jour une meilleure chance d’échapper à un attentat de masse. Chaque année, 33 000 décès résultent de l’usage des armes à feu (dont 22 000 suicides). Le crime de Sutherland Springs ressemble à celui de juin 2015 : un jeune homme blanc, raciste fanatique, avait tué 9 personnes dans une église noire de Charleston, en Caroline du Sud. La National Rifle Association (NRA) avait commenté l’événement selon un rituel sémantique très au point : « Ce n’est pas la faute des armes mais de ceux qui s’en servent ».

Fréquence des massacres.

Barack Obama n’est pas de cet avis, qui s’est demandé « quelles mesures nous pouvons prendre pour réduire les armes et la violence », pas plus qu’Elizabeth Warren, sénateur démocrate du Massachusetts, qui a exprimé sa colère. Ce qui surprend et terrifie à la fois, c’est la fréquence des massacres. Celui de Las Vegas date seulement de cinq semaines sans qu’aucune mesure de contrôle des armes n’ait été proposée, ni par le président, ni par le parti républicain, ni par le parti démocrate. On se demande combien de morts par armes à feu il faudra pour que les Américains prennent enfin conscience que la vie de chacun d’eux est menacée par un nombre d’armes en circulation égal au nombre de citoyens. Il faudra qu’ils décident si le plaisir pervers de porter une arme doit être préservé aux dépens de milliers de vies humaines. Il faudra qu’ils choisissent ce qui compte le plus à leurs yeux, la prospérité du commerce des armes ou des existences menacées par le profit. Il faudra, en quelque sorte, que ce peuple se réveille car rien n’est possible qui ne soit voté par une forte majorité.
Il devient de plus en plus difficile, pour les Etats-Unis, de gérer à la fois le terrorisme et le crime de droit commun. Le nombre d’institutions chargées de garantir la sécurité des Américains est très élevé et les effectifs voués à la protection des civils sont pléthoriques. Il est intolérable qu’un tel dispositif n’empêche jamais rien, tout simplement parce que les tueries peuvent se produire n’importe où, y compris dans un village minuscule et sans histoire où l’on va à l’église pour communier avec ses co-religionnaires et non pour y être assassiné.

RICHARD LISCIA

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2 réponses à Trump la mort

  1. admin dit :

    LL dit :
    L’opinion américaine est apparemment satisfaite de ce diagnostic depuis toujours, puisque non seulement la législation sur les armes ne devient pas plus sévère; mais le NRA continue sa politique de « notation » des politiciens sur la base de leur vote pour ou contre une législation plus laxiste. Ce n’est pas seulement un problème de loi: il n’y a pas une seule idée en-dehors de la règlementation; alors qu’en Australie les autorités ont mis en place un gigantesque programme de rachat et d’échange. On ne peut pas raisonnablement en vouloir aux politiciens d’être à la solde des intérêts privés qui les ont élus mais on peut au moins constater la stupéfiante paralysie de la démocratie américaine, incapable de faire face à un problème qui tue des milliers de concitoyens. Enfin, notons tout de même que les républicains sont devenus le parti du déni. Il n’y pas de problème de sur-armement aux Etats-Unis. Il n’y a pas de changement de climat. La seule crise de santé, c’est celle des opioides – l’obésité, en revanche, n’existe pas. Le président en place n’est pas un escroc incompétent. (Ou comme le disait si delicatement Rex Tillerson, secretaire d’Etat: un « moron »; un débile mental). Et ainsi de suite.

    • Bermos dit :

      Excellente synthèse. Je serais curieux de connaître comparativement le nombre et la proportion de décès par armes à feu dans les Etats où le port d’armes est autorisé ou non. Et aussi de connaître la raison profonde psychologique de cet attachement à disposer du pouvoir de disposer potentiellement de la vie des autres. Existe-t-il une peur nationale culturelle ?

      Réponse
      Le port d’armes étant accordé par la Constitution, il n’est interdit nulle part aux Etats-Unis, avec une foule de nuances (par exemple, le droit de montrer la présence de l’arme ou non). La peur est effectivement chez les gens hostiles au port d’arme, pas chez ceux qui les portent.
      R.L.

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